La présidente du Front national, Marine Le Pen, s’est envolée, mardi 1er novembre, pour les Etats-Unis, où elle passera cinq jours. Au menu de ce voyage destinée à soigner la dimension internationale de la candidate à l’élection présidentielle, des rendez-vous en tout genre sont prévus. Avec des « décideurs », la « société civile », des « élus », les « ambassadeurs francophones ». Sans qu’il soit possible à l’avance d’apprécier l’importance et le niveau de ces rencontres.
Son seul entretien d’envergure, prévu mercredi à Washington avec le candidat à l’investiture républicaine Ron Paul, a été annulé par l’intéressé, officiellement pour des raisons de calendrier. L’entourage de Mme Le Pen ne désespère pas, pour autant, d’arriver à le rencontrer. Membre du Tea Party, Ron Paul est un isolationniste, ce qui cadre avec l’idéologie de Marine Le Pen, qui dénonce la « toute puissance » américaine.
En revanche, Ron Paul – et le Tea Party dans son ensemble – figurent parmi les plus véhéments pourfendeurs de l’Etat fédéral, coupable, selon eux, de tous les maux. Ron Paul est un libertarien assumé.
Or, le FN version 2011 n’est plus dans ce paradigme-ci. Le temps n’est plus à la lutte contre le marxisme, mais plutôt à protéger le peuple contre les excès de la mondialisation. Le projet économique (PDF) du parti – qui, est-il précisé, « n’est pas un programme économique » – insiste sur la nécessité de « réarmer le pays face à la mondialisation », de « revaloriser le travail dans la répartition des richesses produites » ou de « répondre à l’injustice sociale ».
« L’ÉTAT PLÉTHORIQUE ET IMPUISSANT »
Depuis qu’elle a amorcé son ascension à la tête du parti d’extrême droite, Mme Le Pen a infléchi la position que défendait son père dans les années 70 et 80 qui, économiquement, avait une certaine proximité avec celle défendue aujourd’hui par les Tea Parties. Le Front national se bat désormais pour « bâtir un Etat fort et stratège » qu’il conspuait jadis.
En 1974, Jean-Marie Le Pen, « candidat de salut public », dénonçait avec vigueur l' »Etat pléthorique et impuissant ». Une rhétorique qu’il continuera à porter lors des élections suivantes. Au début des années 1980, son modèle devient Ronald Reagan, président des Etats-Unis de 1981 à 1989. Peu avant l’élection de ce dernier, Jean-Marie Le Pen dit considérer avec « beaucoup d’honneur » d’être qualifié de « Reagan français ».
« Face à la décadence des structures politiques traditionnelles, explique-t-il, [il faut] un regroupement autour d’hommes capables de faire face à des situations dramatiques ». Au-delà de l’économie, rapporte Le Parisien, il transformera le « America, love it or leave it » reaganien en son célèbre slogan « La France, tu l’aimes ou tu la quittes » – un slogan qui date en fait de la guerre du Vietnam.
LE « MONDIALISME ULTRA-LIBÉRAL »
En 1984, M. Le Pen participe à la convention du Parti républicain, alors que Reagan fait campagne pour sa réélection. En 1986, le programme du FN, Pour la France, intègre les thématiques reaganiennes. Il est préfacé par Jean-Marie Le Pen qui, l’année suivante, parvient à se faire photographier auprès de son champion, avec lequel il partage les idées sur le caractère « maléfique » de l’Etat providence. Globalement, il défend des thèses ultra-libérales, et ce d’autant plus qu’il est rejoint par des hommes du club de l’Horloge, groupe de réflexion de droite, à l’instar de Bruno Mégret et de Jean-Yves Le Gallou.
Il n’hésite pas, à la fin des années 1970, à fustiger le « système d’inquisition fiscale comparable à la Gestapo ». Des thèmes qui surgiront dans chacun de ses programmes présidentiels. En 2007, le dernier programme présidentiel de l’ancien élu poujadiste trace une nouvelle voie. L' »étatisme » et le « syndicalisme archaïque » ne sont plus les seuls maux de l’économie. Il faut désormais y ajouter le « mondialisme ultra-libéral ».
Marine Le Pen a poussé plus loin cette logique. Réhabilitation de l’Etat fort qui doit orienter l’économie, souveraineté monétaire et retour au franc, protectionnisme, remplacement du clivage droite gauche par celui des nationaux contre les mondialistes, constituent désormais la base de son programme.
Dans les années 1980, Jean-Marie Le Pen avait eu une sympathie atlantiste qu’il a abandonnée au moment de la guerre en Irak. Marine Le Pen est très critique sur la politique étrangère des Etats-Unis. Elle prône la sortie de l’OTAN. Et, dans un entretien accordé récemment au quotidien russe Kommersant, elle expliquait préférer que la France se « tourne vers la Russie » tout en « tournant le dos aux Etats-Unis », ce que, estime-t-elle, la crise actuelle lui permet d’envisager.
Jonathan Parienté
avec lemonde