Le cliché est bien connu [première enquête de notre rédactrice en chef adjointe, à L’Evénément du jeudi, ndlr] : un athlète ne doit absolument pas avoir de relations sexuelles avant une compétition. Certains entraîneurs n’hésitent même carrément pas à l’interdire.
En 2006, les joueurs de l’équipe nationale costaricienne ont été privés de leurs concubines et épouses qui n’avaient pas été autorisées à faire le voyage vers l’Allemagne pour la Coupe du monde de foot.
Certains coaches utilisent même cette abstinence comme une carotte qu’ils tendent sous le nez de leurs joueurs. Lors du dernier Mondial de foot, Javier Aguirre, sélectionneur du Mexique, avait autorisé ses joueurs à une seule relation sexuelle avant le début des hostilités.
Il leur avaient promis qu’il y en aurait encore une à la condition d’atteindre les huitièmes de finale.
« Les mecs, pas de partie de jambes en l’air »
D’autres entraîneurs sont au contraire pour la liberté du sexe. Quand on demande à Jean-Marc Furlan, ancien footballeur et actuel entraîneur de Troyes, s’il pourrait contraindre ses joueurs à l’abstinence, il s’exclame :
« Ah non, jamais ! Par conviction personnelle d’abord, j’estime que chacun fait ce qu’il veut. Mais pour moi, l’important c’est qu’ils soient heureux. D’ailleurs, je ne connais aucun entraîneur qui fait ça. »
Il se rappelle avoir lui-même, en tant que joueur, été soumis à des pressions de cet ordre. Mais c’était il y a longtemps.
« C’est vrai que dans les années 70-80, les coaches nous disaient parfois, la veille de matches : “Bon, les mecs, pas de partie de jambes en l’air avant le match.” »
Clément Poitrenaud, joueur de rugby professionnel et blogueur sur Rue89, explique au téléphone :
« Il n y a pas de recommandations. Chacun fait comme il le veut. Chacun garde ses habitudes. Pour ma part, je ne calcule pas vraiment ça, ça dépend du moment.
De toutes manières, dans les grands événements sportifs, la veille ou l’avant-veille des matches, les femmes et concubines ne sont pas là… On est concentrés. »
Beaucoup de joueurs sont incapables d’une relation sexuelle pendant une compétition sportive. Gérard Porte a été médecin sur le Tour de France pendant quarante ans. Il raconte :
« Le cyclisme, c’est particulier. La compétition pendant le Tour de France, c’est tous les jours et l’effort est long. Les coureurs peuvent être mobilisés six heures d’affilée. La plupart d’entre eux ne veulent pas être déconcentrés dans leur compétition.
Si certains accueillent leurs compagnes pendant le Tour, c’est pendant des jours de repos uniquement. »
Ronaldo : « Le sexe, c’est la clef du succès »
En foot, Jean Marc Furlan estime aussi que – sans qu’on leur interdise quoi que ce soit – 70% des joueurs ont besoin d’être concentrés et qu’« il faut faire preuve de beaucoup d’efforts pour les séduire avant un match ». Une publicité anglaise a d’ailleurs fait de ce sens des priorités une blague. C’était en 2001.
Le Brésilien Ronaldo doit faire partie des 30% de joueurs restants, puisque selon lui :
« Faire l’amour quelques heures avant un match, c’est la clef du succès, à condition d’être passif et de jouir du moment présent. »
La sagesse des propos simples. D’un point de vue médical, les docteurs le disent en effet : avoir des relations sexuelles avant des matches, ce n’est pas forcément néfaste. Gérard Porte :
« Tout dépend de la nature du rapport aussi… Si c’est une relation habituelle, les effets ne seront pas les mêmes qu’après trois heures entières passées à faire l’amour. »
En 2001, Chris Goossens médecin du club belge du Germinal de Beerschot, a fait une enquête sur douze des joueurs qu’il suivait.
Il les a fait courir sur un tapis après une nuit d’abstinence, et fait la même expérience après une nuit d’amour. Il raconte que « les résultats montrent qu’il n’y a pas de corrélation entre l’activité sexuelle et l’activité sportive ».
« Contrairement à ce que l’on a aussi longtemps cru, l’hormone de la testostérone [qui a des vertus dopantes, ndlr] ne croît pas subitement avec le rapport sexuel. Le taux de testostérone n’est pas lié au rapport sexuel. »
Le sexe pour affronter les sifflets du stade
Qu’un rapport fasse du bien ou non à un sportif, c’est plutôt une question psychologique, complète-t-il.
« Il y a des joueurs qui vous disent : “Ça me fait du bien de faire l’amour avant d’entrer dans un stade où l’on va me siffler…”
Il est certain que faire l’amour fait perdre un peu d’énergie, mais pour un boxeur qui va être paralysé par le stress sur le ring, même si sa capacité est un peu diminuée, il vaut mieux qu’il ait ce rapport. “
Cette croyance d’une grande nuisance du sexe sur le sport vient en fait de loin.
En Grèce déjà, une hygiène de vie rigoureuse était recommandée aux athlètes s’apprêtant à affronter les épreuves des Jeux olympiques. Et l’abstinence faisait partie de ce cahier des charges à tenir.
Pour les Grecs, le sperme c’est l’énergie
Epictète utilise dans son ‘Manuel’ la métaphore du sport pour définir sa philosophie.
‘Tu aimerais être vainqueur aux Jeux olympiques ? Moi aussi, par les dieux ! Gagner aux Jeux, c’est bien agréable !
Mais, avant de te lancer, examine un peu les tenants et aboutissants : l’abstinence sexuelle, le régime, le renoncement aux friandises, les exercices sous la contrainte et aux heures réglementaires, qu’on cuise ou qu’il gèle.’
Une philosophie qui traduit aussi toute une perception de la semence masculine, considérée comme vitale. Dans son ”Histoire universelle de la chasteté et du célibat », Elizabeth Abbott cite Hippocrate qui « conseille aux hommes de garder leur semence, car elle alimente leur corps en énergie ».
Elle raconte aussi que le médecin grec évoque « le cas d’un jeune homme trop porté sur les activité sexuelles qui trépasse dans un grand délire ».
« L’imprudent a trop affaibli son organisme en épuisant inconsidérément ses réserves de sperme. »
De fait, bizarrement cette question de la nocivité du sexe ne se pose pas de la même manière pour les femmes, comme le confirme l’entraîneuse de l’équipe féminine de Juvisy en première division, Sandrine Mathivet.
« Chez les filles, je n’ai jamais entendu parler de cela. »
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