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L’heure de vérité: Le Sénégal face aux enjeux vitaux de 2012

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Première partie : quelques rappels utiles

Quel dommage que la plupart de nos concitoyens soient encore analphabètes dans nos langues maternelles africaines comme dans la langue officielle étrangère !
De ce fait, la signification réelle des vrais et faux débats qui agitent le microcosme politique local et global leur échappe souvent, les empêchant de distinguer les imposteurs des partisans du changement véritable.

La simple éradication de l’analphabétisme suffirait, en effet, à briser plusieurs mythes et légendes qui ont la peau dure au Sénégal. Le premier et principal d’entre eux résume à lui seul tous les autres: il s’agit de la prétendue « exception sénégalaise », dont la « tradition démocratique séculaire » serait une « vitrine exemplaire dans une Afrique ravagée par la dictature, la guerre et la faim »…

Un rappel historique s’impose. Le Sénégal d’aujourd’hui, la plus ancienne colonie française d’Afrique, résulte d’une expansion militaire, missionnaire et marchande à partir du comptoir négrier de Saint-Louis (1659) d’abord le long de la vallée du fleuve éponyme, puis dans l’arrière-pays. Avec la défaite des dernières résistances armées, la conquête de nombreux territoires africains sera assurée par le tristement célèbre corps dit des « Tirailleurs sénégalais » (1857), qui servira de chair à canon au 20ème siècle, aussi bien lors des deux guerres mondiales que dans la répression sanglante des mouvements d’indépendance aux quatre coins de l’empire français. Quoique ces supplétifs indigènes de l’infanterie coloniale ne fussent pas exclusivement « sénégalais », l’élite locale semble en retirer une bien étrange fierté.

De même, il n’est pas rare d’entendre répéter que « l’on vote au Sénégal depuis 1848 », (date de la seconde abolition de l’esclavage par la France, à la suite d’une révolution), en se gardant toutefois de préciser qui, dans la colonie du Sénégal, bénéficiait du droit de vote: un privilège réservé à une infime minorité de « citoyens » et dont était exclue la grande masse des « sujets français »… Il faut, en outre, rappeler que si 1848 fut effectivement l’année de l’abrogation du sinistre « Code Noir » du roi Louis XIV (1685), la France républicaine va lui substituer le non moins inhumain « Code de l’Indigénat », en vigueur dans les colonies jusqu’en 1946. Que penser, enfin, d’un suffrage qui est dit universel tout en excluant la moitié féminine de l’humanité, ou dont la « libre expression » ne garantit ni le secret du scrutin, ni l’unicité du vote, comme cela fut le cas respectivement jusqu’en 1945 en France métropolitaine et en 1993 au Sénégal

Ceci montre bien que le passé éclaire le présent et à quel point les « démocratures africaines » actuelles prennent leurs racines dans les régimes esclavagiste et colonialiste qui les ont précédés et, dans une large mesure, enfantés !

Cependant, le « modèle démocratique sénégalais » n’est pas la seule imposture circulante; la plus grave reste sans doute la fausse indépendance de 1960, qui a résulté d’un faux départ en trois temps: le manquement du référendum du 28 septembre 1958, l’éclatement de la Fédération du Mali le 22 août 1960 et le coup d’Etat civil contre le Président du Conseil Mamadou Dia le 17 décembre 1962. Ce dernier, authentique “père de l’indépendance” du Sénégal se verra éliminé du pouvoir avec ses compagnons (dont Ibrahima Sar, éminent dirigeant de la grève historique des cheminots de l’AOF en 1947) par son « camarade » L.S. Senghor qui, après avoir rompu avec son parrain socialiste Lamine Guèye, neutralisé le PRA d’Abdoulaye LY, dissous le PAI de Mahjemout Diop et interdit le BMS de Cheikh Anta Diop, achevait ainsi de faire le vide autour de lui pour asseoir un pouvoir personnel de type autocratique. Un aveu tardif, parmi tant d’autres, d’un sous-chef de la Françafrique, Pierre Messmer, en dit long: « La France accordera l’indépendance à ceux qui la réclamaient le moins, après avoir éliminé politiquement et militairement ceux qui la réclamaient avec le plus d’intransigeance »…

C’est ainsi que le Président Senghor va régner sans partage pendant près de deux décennies, avant de passer la main au successeur qu’il s’est choisi, M Abdou Diouf, Premier Ministre et son adjoint dans le Parti-Etat-PS.

Pour s’en tenir au seul domaine électoral, rappelons que de tous les scrutins présidentiels de l’ère senghorienne, seul le dernier (1978) s’est tenu avec un concurrent, M Abdoulaye Wade, qui faisait figure en l’occurrence d’opposition de sa Majesté, son PDS s’étant déclaré « parti de contribution » ! Une suite de candidature unique de fait donc pour une période de parti unique de fait…

Le Président Diouf, son successeur désigné et installé en 1981, fera également une vingtaine d’années à la tête du pays, mais dans un contexte de multipartisme élargi et non « intégral », comme on le dit abusivement. Les quatre élections de renouvellement de son mandat seront à la fois concurrentielles et violemment contestées parce que manifestement frauduleuses; ce qui ne l’empêchera pas de perdre la dernière, en l’an 2000, à l’issue d’un second tour sans précédent.

A l’image de son prédécesseur, qui avait poursuivi sa mission proconsulaire sur les bancs de l’Académie Française, l’héritier, après sa défaite électorale dignement assumée, va achever la sienne dans la défense et l’illustration de la langue française au sein de l’Organisation de la Francophonie…

Il se trouve que pour mettre fin au long règne du PS, la coalition de coalitions du Front pour l’Alternance (FAL) n’a pas trouvé de candidat meilleur qu’A. Wade, l’ex- opposant favori de Senghor et adepte multirécidiviste de l’entrisme gouvernemental sous Diouf !

Bien que premier président démocratiquement élu de la République du Sénégal, Me Wade va s’empresser de renier tous ses engagements en foulant aux pieds aussi bien le programme minimum du FAL que son serment constitutionnel. Sa trahison des idéaux patriotiques et démocratiques de l’alternance sautera rapidement aux yeux de tous, marquée par l’usurpation des fonctions et l’accaparement des ressources, le recyclage systématique des déchets politiques du PS par une transhumance massive vers le nouveau Parti-Etat-PDS, la généralisation de la corruption désormais épidémique et la banalisation des crimes de sang. Le sommet de la manipulation institutionnelle sera atteint avec le plébiscite de sa Constitution taillée sur mesure lors du référendum de janvier 2001 d’abord, les élections législatives de mai 2001 ensuite, qui vont le doter d’une « Chambre introuvable »…

Bien qu’étant parvenu à concentrer pratiquement tous les pouvoirs dans ses mains, la rupture du contrat de confiance entre le Président Wade et le peuple sera néanmoins consommée dès l’année suivante, avec la gestion calamiteuse du naufrage nocturne du bateau « Le Joola », survenu le 26 septembre 2002 et qui avec plus de 2000 morts, a réalisé le funeste record de la plus grave tragédie de l’histoire de la navigation maritime en temps de paix !

Depuis lors, la multiplication des scandales politico-affairistes et des crimes économiques et financiers au sein de la nouvelle oligarchie, venant s’ajouter à une violence répressive démesurée et indiscriminée vont achever de faire la quasi-unanimité des populations contre le régime « libéral », jusque et y compris dans ses propres rangs. Si bien qu’au terme du septennat, la cassure entre le pays légal et le pays réel avait atteint un point tel que la peur du suffrage universel avait changé de camp pour s’emparer du clan Wade, contraint de saisir le premier prétexte venu –des inondations dans la banlieue dakaroise- pour reporter les législatives de 2006 et inverser de la sorte les séquences légales du calendrier électoral.

La manœuvre s’est avérée payante, dans la mesure où, couplée au dopage du fichier à la faveur d’une refonte des listes électorales et à l’incapacitation planifiée de la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA) d’un côté, à la malencontreuse dispersion des candidats de l’opposition, pourtant réunie autour du programme commun de la CPA, de l’autre côté, elle lui a permis de rafler la mise dès le premier tour de l’élection présidentielle du 25 février 2007. Mais, le caractère frauduleux de cette victoire à la Pyrrhus n’allait pas tarder à apparaître au grand jour.

À l’occasion du scrutin législatif du mois de mai suivant, l’appel au boycott lancé par la majeure partie de l’opposition regroupée dans le « Front Siggil Senegaal » va effectivement se traduire par un taux d’abstention massif à l’intérieur du pays comme dans la diaspora, infligeant ainsi au Président Wade, malgré une majorité qualifiée à l’Assemblée nationale et un Sénat monolithique, une humiliation personnelle dans la « bataille de la participation » qu’il avait lui-même engagée au mépris de la loi.

Sans doute est-ce cet échec psychologique et moral, témoignant du phénomène de rejet massif dont son régime était victime, qui l’a contraint à réviser sa stratégie de conservation du pouvoir central en déclarant de façon à la fois prématurée et intempestive sa candidature à un troisième mandat qu’il savait parfaitement anticonstitutionnel.

Un revers qui va du reste recevoir ultérieurement une confirmation éclatante avec la défaite cinglante subie par la coalition Sopi à l’issue des élections locales du 22 mars 2009. La peur de perdre le pouvoir d’Etat a alors viré à la panique pure et simple dans les rangs de la mouvance présidentielle…

D’autant plus qu’entre temps était intervenu en 2008 un événement inédit dans les annales du Sénégal « postcolonial », à savoir la tenue des Assises nationales. Il s’est agi d’un exercice endogène de réflexion critique collective, impliquant des « consultations citoyennes » aussi bien que des commissions d’experts, qui a permis de dresser une sorte de bilan du cinquantenaire et de conclure à la double nécessité urgente d’une rupture avec le passé et d’une refondation de l’Etat républicain. Ces travaux, menés durant une année et de façon totalement autonome (tant intellectuellement que financièrement) par les partis d’opposition, les organisations dites de la société civile et diverses personnalités, ont abouti à l’élaboration d’un rapport général dont la substance a été condensée dans une Charte de Gouvernance Démocratique, qui a fait l’objet d’un engagement solennel signé par chacune des parties prenantes aux Assises.

Avant d’en venir au vif du sujet, c’est-à-dire les véritables enjeux des prochaines échéances électorales de 2012, il convient d’établir au moins trois constats à partir de la rétrospective qui précède:
– en dépit de leurs étiquettes idéologiques opposées en apparence, il n’y a en réalité pas de différence de nature mais seulement de degré entre les deux régimes pseudo-socialiste et pseudo-libéral. Ne sont-ils pas d’ailleurs coresponsables, successivement et/ou solidairement, de la ruine du pays ? A. Wade, n’ayant rien inventé, s’est simplement contenté de pousser à l’extrême caricature les tares de ses prédécesseurs ;
– la stabilité tant vantée du Sénégal est allée de pair avec une grande instabilité constitutionnelle et surtout une dégradation des mœurs politiques associée à une aggravation continue de la misère du plus grand nombre, multipliant les foyers de tension et les sources de conflit violent, comme en Casamance et au Fouta;
– enfin, au terme d’un demi-siècle d’indépendance sous tutelle notamment militaire, monétaire et culturelle, doublée d’une démocratie de façade piégée par la volonté de transplanter le « modèle » bipartisan européen, pourtant en état de décomposition avancée en Occident même, la faillite systémique est aussi manifeste au Sénégal que dans la plupart des autres pays d’Afrique et du reste du monde.

Deuxième partie : les vrais enjeux de 2012

A la lumière de pareils constats, certaines controverses qui agitent le microcosme politique local se révèlent sans objet. A commencer par le faux débat politico-juridique sur la pseudo-candidature du Président sortant et son corollaire, le projet de succession dynastique. Outre le fait que cette question est d’ores et déjà réglée par le texte même de la Constitution en vigueur qui, en l’espèce, n’offre aucune marge d’interprétation au juge, il s’y ajoute que la tentative de contourner cet obstacle par une révision scélérate s’est irréversiblement brisée sur le mur de l’insurrection pacifique du 23 juin 2011. Par conséquent, les candidatures hypothétiques des Wade père et fils sont irrémédiablement disqualifiées autant par les dispositions pertinentes des articles 27, 28 et 104 combinés de la Loi fondamentale que par la détermination populaire à en imposer pour une fois le respect.

Il en résulte que, pour le moment, le pôle « libéral » est accaparé par deux fils adoptifs qui, bien que reniés par leur père putatif, se disputent ouvertement les dépouilles de la mouvance sopiste en voie d’atomisation, en attendant peut-être la désignation d’un dauphin officiel du Président sortant.

En face, l’opposition réunie dans la coalition « Bennoo Siggil Senegaal » (BSS) vient, à l’issue d’une laborieuse gestation dont les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs, de donner encore une fois la preuve de son incapacité à s’unir, en accordant la primauté à l’intérêt national sur l’intérêt de parti, à la volonté collective sur les vœux individuels. Le projet de candidature de l’unité et du rassemblement s’est heurté au béton des égoïsmes partisans, contraignant la coalition à renoncer au choix d’un candidat-capitaine consensuel et réduisant donc les deux concurrents du pôle « socialiste » à n’être que les candidats de leurs partis respectifs et non plus celui de BSS. Le gâchis au sein de la coalition et les dégâts dans l’opinion sont immenses.

Néanmoins, il faut bien voir que le discrédit qui en découle ne concerne que le personnel politicien traditionnel, adepte du clientélisme et de la transhumance opportuniste et rend d’autant plus pertinente la construction d’un nouveau pôle politique africain et citoyen.
Dans ces conditions, quels sont donc les véritables enjeux des prochaines élections?
Le premier d’entre eux est le plus évident et le plus immédiat: c’est l’enjeu démocratique et républicain qui porte sur la régularité, la transparence, la sincérité et la sérénité des deux scrutins de 2012. Seule la libre expression du suffrage universel, sans entrave ni manipulation de la date ou du déroulement du vote, est susceptible de garantir la paix civile et la sécurité nationale. Or, de ce point de vue, incertitudes et menaces accroissent l’inquiétude à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Et ceci, principalement à cause de l’entêtement de Wade à essayer de modifier autoritairement les règles du jeu en cours de partie (violation du consensus obtenu sur le bulletin unique, montant censitaire du cautionnement, destitution illégale du Président de la CENA etc.).

Cependant, il est capital de se convaincre que la suppression de tels abus ne dépend ni du bon vouloir du prince, ni de l’intermédiation extra-africaine. Leur limitation relève au fond du degré de détermination, de mobilisation et d’organisation du mouvement patriotique et démocratique, de sa capacité à assurer partout un contrôle citoyen massif de l’ensemble des opérations électorales, de la distribution des cartes d’électeur à l’affichage des résultats du dépouillement devant chaque bureau de vote. Autrement dit, le respect des règles du jeu électoral est une prérogative de souveraineté populaire, qu’il convient de défendre et d’assumer individuellement et collectivement.

Le second enjeu est moins évident, quoique tout aussi important: il concerne la question de la dynamique unitaire qui, il importe de le souligner, s’applique tant à la présidentielle qu’aux législatives. Elle est donc d’ordre stratégique plutôt que tactique et ne saurait être récusée du seul fait de la triple incapacité juridique, politique et physiologique du Président sortant d’être candidat. Il a été dit et répété que la candidature d’union n’est pas une option mais une obligation. Il s’agit d’un impératif catégorique qui résulte à la fois de l’exigence populaire massive de changement réel, et de la volonté du clan Wade de se maintenir à tout prix, au besoin par la force, en évitant coûte que coûte un second tour de scrutin présidentiel, qui lui serait inéluctablement fatal.

De surcroît, la prolifération des candidatures solitaires dans l’opposition sème la confusion dans l’électorat et fait objectivement le jeu du pouvoir et des opportunistes de tout poil.
Il y a surtout cette demande d’unité, constante dans l’opinion nationale qui a toujours accordé une prime à l’esprit unitaire. Qu’il s’agisse jadis du Bloc Africain de Lamine Gueye (1946) contre Alfred Goux et du Bloc des Masses Sénégalaises (BMS) de Samba Diop (1961) contre Samba Gueye de l’UPS pour la conquête de la mairie de Dakar, ou qu’il s’agisse naguère de l’appel quasi-unanime au boycottage des élections locales en 1991 et législatives en 2007, (sans compter le franc succès de BSS aux locales de 2009), l’expérience montre une réponse invariablement favorable de nos concitoyens chaque fois que la direction politique de l’opposition fait preuve d’une volonté sincère d’union et de solidarité, de cohésion et de cohérence. Inversement, tout manquement au principe d’unité, toute division est sanctionnée négativement, au moins par l’abstention.

D’où l’importance de parvenir à présenter au peuple non pas un candidat idéal-qui, au demeurant, n’existe pas- mais une candidature décente, c’est-à-dire consensuelle, crédible et surtout fiable quant à l’application conséquente et concertée du programme transitoire de rupture et de refondation défini par les Assises nationales. D’autant plus que l’immensité de l’entreprise de redressement national implique un travail d’équipe, dans un esprit de collégialité qui suppose un contrat de législature porté par une liste commune, condition sine qua non d’une majorité parlementaire stable.

En d’autres termes, une véritable dynamique unitaire au service des transformations structurelles attendues avec impatience par la grande majorité de nos compatriotes ne saurait se réduire au simple choix de l’individu qui va remplacer le proconsul français Wade dans le palais de l’ancien Gouverneur général de l’AOF. Elle implique la présentation d’une équipe de patriotes compétents et intègres, soudée autour de son capitaine et capable de changer les structures étatiques, les politiques publiques et le personnel dirigeant avec l’intérêt national comme boussole.

Le troisième et dernier enjeu n’en est pas moins fondamental. Il est relatif à la nature même et au contenu du changement annoncé. La publication prochaine du rapport général des Assises nationales devrait contribuer à en préciser les termes de référence. Cependant, il est d’ores et déjà possible d’en anticiper les conclusions sur la base de Charte de Gouvernance Démocratique. L’expérience montre en effet que de la même manière que les objectifs de l’alternance démocratique du 19 mars 2000 ont été détournés et trahis par les usurpateurs et prédateurs « libéraux », la mauvaise gestion persistante des collectivités locales par la quasi-totalité des élus BSS du 22 mars 2009 apparaît à son tour comme une trahison des espoirs populaires, aggravée par le reniement de l’engagement solennel pris devant le Bureau des Assises de mettre en œuvre une nouvelle gestion de « démocratie participative »…
On voit combien il est important que la prochaine alternance de 2012 soit, certes, aussi pacifique et démocratique que celle de l’an 2000, mais surtout, qu’à la différence de celle-ci, elle ne se réduise pas à un banal renouvellement du personnel politique dirigeant sans changement de cap pour le pays.

Dans une telle perspective, au-delà de la refondation de l’Etat républicain, deux ruptures majeures d’avec les fausses routes du passé apparaissent essentielles : le moment est venu de rompre d’une part avec la mauvaise habitude de l’impunité, (qui est en réalité une incitation à la récidive, surtout pour les potentats); et d’autre part avec le reflexe nocif du micro nationalisme, du morcellement territorial et du chauvinisme ethnique ou confessionnel. Tout facteur de division est source d’affaiblissement des forces vives du pays et peut servir de prétexte à l’interventionnisme des puissances extracontinentales. C’est dire que si l’instauration d’une nouvelle norme de reddition des comptes est un préalable à la démocratisation des institutions, la construction africaine de grands ensembles politiques sous-régionaux ou régionaux, à caractère fédéral de préférence, ou à défaut, confédéral, s’impose plus que jamais comme une urgente et évidente nécessité de souveraineté nationale et de sécurité collective, a fortiori dans le contexte actuel de tentatives occidentales de recolonisation armée de l’Afrique au Nord comme au Sud du Sahara et de crise majeure de l’endettement publique et de la spéculation financière et foncière à l’échelle mondiale.

C’est pourquoi, il est vital que les scrutins de 2012 débouchent, au-delà du redressement national de la phase de transition, sur une véritable alternative qui, s’éloignant des sentiers battus et rompant radicalement avec un lourd passé de dépendance et d’autoritarisme, d’incompétence et de corruption, puisse engager enfin le Sénégal dans la voie salutaire de la reconstruction unitaire ouest-africaine et du développement endogène.

Telles sont les conditions indispensables de l’amélioration des conditions de vie et de travail de tous, qui imposent à chaque citoyen d’assumer ses responsabilités individuelles et collectives dans le combat pour l’avènement d’un Africain de type nouveau.

Quant aux éternels sceptiques qui, adeptes de la realpolitik, seraient tentés de récuser ces légitimes ambitions, Cheikh Anta Diop leur a répondu par anticipation : « Puisque c’est au nom du réalisme que l’on a conduit l’Afrique dans l’impasse actuelle, n’est-il pas grand temps de devenir utopistes ? » (1984)
Il y va de la survie de nos peuples.

Ku bëreey dàan !

Dialo DIOP
Secrétaire général du RND

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