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Election présidentielle à haut risque en République démocratique du Congo

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A Kinshasa, la route goudronnée, par endroits, qui mène vers l’aéroport international de Ndjili au travers de quartiers miséreux en ébullition concentre tout le potentiel explosif du scrutin présidentiel et législatif, à un tour, du lundi 28 novembre. Un cocktail reproductible à l’échelle de la République démocratique du Congo (RDC, ancien Zaïre), alors que les deux principaux adversaires à la présidentielle, si ce n’est ennemis, l’opposant « historique » Etienne Tshisekedi (79 ans) et le chef de l’Etat sortant Joseph Kabila (40 ans), se sont engagés, chacun avec ses propres armes, dans une fuite en avant.
Dimanche, un semblant de vie normale reprenait ses droits sur la route vers Ndjili. Les fidèles, apprêtées dans leurs jolies robes, sortaient tranquillement des églises. La veille pourtant, ce cordon bitumeux mité par l’impéritie des gouvernements qui, depuis l’indépendance de l’ancienne colonie belge en 1960, ont consciencieusement mis à sac ce pays potentiellement richissime, était un champ après la bataille: jonché de pierres et balisé de pneus en flammés.

Kinshasa n’a jamais aimé et n’aime toujours pas Joseph Kabila, « le Rwandais » comme l’appelle, méprisant, Etienne Tshisekedi. Le vieil homme politique reprend ainsi à son compte les douteuses insinuations aux relents nationalistes véhiculées, et toujours démenties, sur les ascendances du président, propulsé en 2001, à 30 ans, à la tête du pays, au lendemain de l’assassinat de son père Laurent-Désiré, tombeur du dictateur, le maréchal-président Mobutu Sesse Seko en 1997, grâce aux forces rwandaises.

Aujourd’hui, et une guerre plus tard, les appétits du petit Rwanda sur les richesses orientales du géant congolais ne sont pas rassasiés. Mais le discours antirwandais, lui, ne fait plus vraiment un programme électoral.

Samedi, les jeunes des communes kinoises de Matete, Ndjili et Masina sont sortis par milliers de leur taudis pour dire à Kabila, à leur façon, brutale, qu’eux, les désœuvrés, ne veulent plus de Joseph Kabila pour perpétuer le pillage des richesses minérales du pays. Ils étaient là aussi pour fêter bruyamment le retour dans la capitale d’Etienne Tshisekedi, « le Sphinx de Limete », en référence à son quartier de « Kin » d’où il s’oppose sans relâche depuis trente ans à tous les gouvernants congolais, qui l’ont enterré politiquement plusieurs fois.

Au retour de sa tournée dans le pays, Etienne Tshisekedi entendait conclure sa campagne à Kinshasa par un meeting provocateur aux abords du stade des martyrs en même temps que celui du président. Ces rendez-vous n’eurent jamais lieu. Il y eut sur place des échanges de pierres entre les militants des deux camps. Quand il se confirma que la rue de Kinshasa appartenait aux « tshisékédistes », les brigades d’intervention rapide de la police antiémeute et antiterroriste firent parler leur brutalité.
Il y eut plusieurs morts. Au milieu de la journée, trois corps étaient encore visibles sur le bord de la route de l’aéroport. Le nombre total – six? dix? plus? – est invérifiable dans cette cité de 10millions d’habitants.

Pour éviter un bain de sang encore plus grave, tous les rassemblements ont été annulés. Etienne Tshisekedi n’a jamais eu sa marche triomphale depuis l’aéroport. Il y a été bloqué par la police pendant dix heures avant d’être reconduit chez lui sans ménagement au milieu de la nuit.

Cela n’a pas entamé sa détermination. Dimanche matin, en conférence de presse, il a transmis le message qu’il répète depuis le début de sa tournée électorale. Celui qui n’est à ce jour que le président de l’Union démocratique pour le progrès social (UDPS) est convaincu, avant même le scrutin, que « les Congolais [l]’ont déjà nommé président de la République ». Et si le résultat devait être contraire aux présages du « Sphinx », « les Congolais sauront prendre leurs responsabilités », lâche-t-il, confiant dans la force de la rue. La désorganisation du scrutin pourrait lui offrir aussi l’occasion de crier au voleur au moment de la publication des résultats.

En 2006, lors du premier scrutin pluraliste de l’histoire du Congo indépendant, la communauté internationale avait dû accomplir des miracles pour mener à son terme une élection jugée plutôt réussie. Rien de tel, cette année. Des observateurs prévoient un véritable chaos.

La communauté internationale a tout de même contribué à hauteur de 400 millions de dollars (300 millions d’euros) dans l’organisation, et la flotte aérienne de la mission des Nations unies au Congo (Minusco) a convoyé le matériel électoral dans les principales villes du pays. Le reste revient aux autorités congolaises pour alimenter 64 000 bureaux de vote (pour 32 millions d’électeurs inscrits sur une liste contestée), certains perdus au milieu de la forêt équatorienne où les urnes, grandes comme des poubelles d’immeuble, ne peuvent arriver qu’à dos d’homme ou en pirogue.

Dans ce contexte, et sans parler des fraudes, nul doute qu’Etienne Tshisekedi saura trouver matière à contester et à exciter les bidonvilles. Mais les violences de samedi donnent une idée de la réponse que le camp de Joseph Kabila entend donner. Les hordes désœuvrées trouveront alors face à elles du matériel antiémeute sud-africain ou les milliers d’hommes de la garde présidentielle. Et si l’issue est, malgré le déséquilibre des forces, incertaine à Kinshasa, que dire du reste du pays?

Christophe Châtelot
avec lemonde.fr

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