Marie Madeleine Diallo a fait les beaux jours du théâtre sénégalais. La gracieuse ndar-ndar, dont la beauté défie le temps, a bien voulu se prêter aux questions de Rewmi quotidien. Dans cette interview, cette icône de Saint-Louis a évoqué, entre autres sujets, le théâtre, dans tous ses états, non sans magnifier le rôle des rappeurs dans le développement des valeurs culturelles. Entretien.Vous devez votre popularité au théâtre. Que dites-vous de son état actuel?
Pour faire du théâtre, il faut faire de telle sorte qu’à la fin d’une pièce théâtrale, la population puisse en tirer des conclusions, pour orienter certaines personnes qui ont eu des problèmes, ou qui sont fautives. L’art théâtral est un message clé qui permet, à toute personne, de comprendre et de mieux s’orienter. Aujourd’hui, j’ai vu que le théâtre est plutôt comique, pour faire rire. Je trouve cela quelque peu réducteur. Je pense qu’au moment où nous sommes, le monde bouge, avec toutes les turbulences. Il faut savoir ce qui propulse la culture, afin de développer des thèmes d’actualité.
En Afrique, on ne fait qu’imiter. Si quelqu’un sort un produit comique, tout le monde le suit. Alors qu’il y a le drame et les autres sous-genres du théâtre. Le théâtre est tellement riche que je m’étonne que les artistes d’aujourd’hui ne se contentent que de suivre la comédie.
L’éducation, à travers le théâtre, est d’une importance significative. En général, les pièces de théâtre véhiculées par les radios et les télévisions, sont suivies avec intérêt. C’est pourquoi, il faut beaucoup plus d’attention pour nos jeunes artistes. Il faut décrypter ce qu’on livre à la population, avant de le diffuser.
Actuellement, la culture est tellement agressée que les Etats ont l’obligation de mettre l’accent sur le théâtre comme vecteur d’opinion pour changer les mentalités. Le changement interviendra par la culture et, surtout, avec le théâtre.
Peut-on, donc parler de différence générationnelle, dans la conception du théâtre?
Évidemment, il y a une différence, sur tous les plans. Hier, nous nous basions sur les faits de société pour inculquer certaines valeurs à la population. Le théâtre était une forme d’éducation, via des thèmes de développement intellectuel.
Aujourd’hui, les jeunes ont une autre conception du théâtre. Tout le monde est attiré par la comédie. Je ne peux pas citer de noms parce que beaucoup d’artistes y gagnent leur vie. Et cette importance pécuniaire fait partie des causes des navets produits dans les pièces de théâtre. Les jeunes artistes versent dans la comédie et c’est dangereux. C’est dommage mais, c’est la triste réalité.
Précisez votre pensée…
Le théâtre à thème est galvaudé, aujourd’hui et souffre aussi bien dans le contenu que dans le traitement. Ces deux aspects font la différence et c’est ce qui fait défaut à presque toutes les pièces de théâtre. Il faut un contenu pertinent, tenant compte de l’aspiration du peuple. Mais, si c’est seulement pour la comédie, ça ne passe pas. C’est l’exemple de Barra Yeggo, avec Golbert, Mame Seye Diop et les autres. Il y avait du tout. Mais, les jeunes, aujourd’hui, n’ont plus cette culture du mélanger entre comédie et drame.
Que dites-vous de la connexion artistes/politiques?
Je ne fais pas de la politique. Mais, quand j’écoute les rappeurs, je leur tire mon chapeau. Les thèmes y sont variés et très importants. Chacun peut dire son mot des rappeurs, mais moi, quant je les écoute, j’y prends acte. Chaque nouvel album de rap est un thème à développer dans une pièce théâtrale.
Marie est-elle riche ?
Non. Je n’ai jamais gagné ma vie par le théâtre. On ne m’a jamais payé plus de 500000 FCFA, pour une pièce de théâtre. Pour le premier Barra Yeggo, j’ai reçu 40000 FCFA, le deuxième, 60000, le troisième, 80000, le quatrième, 120000 et 160000, pour le tout dernier. Même pas 500000 FCFA, pour toute la série. On est riche, quand on a une voiture, une villa, des comptes bancaires remplis d’argent. Moi, jusqu’à présent, je loue la maison où j’habite. Mais, je remercie le bon Dieu.
Des regrets, donc…
Du tout. C’est un don. Pour moi, le théâtre est un don à moi. J’ai commencé à faire du théâtre à l’âge de 8 ans. Je suis montée sur un plateau, pour la première fois, à cet âge, pour interpréter «La mariée de 2000».
Quel est aujourd’hui le rêve de Marie Madeleine Diallo ?
Quelle question! C’est de voir, aujourd’hui, un autre visage de la vie. Qu’on ait le respect et la reconnaissance de l’autre. Mettre les gens qu’il faut à la place qu’il faut. C’est ce qui manque dans la vie et c’est mon rêve le plus profond. On ne sait plus qui est qui et qui représente quoi, dans la société. C’est comme si, tout le monde était dans un monde sans intérêt, parce qu’on ne sait plus où on va. Nous avons perdu nos valeurs.
Entretien réalisé par Ousseynou Diop
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