spot_img

Moustapha Gaye, ex entraîneur des Lionnes: Ame de coach, cœur de rebelle

Date:

Suspendu pour cinq ans par la Fédération sénégalaise de basket-ball, Moustapha Gaye, l’entraîneur national vice-champion d’Afrique à Bamako2011, est loin de porter le deuil. Portrait !

Ni regard de chien battu ni regrets, Moustapha Gaye garde la tête haute. Il affiche un sourire toujours égal, jamais excessif, ni boudeur. Emmitouflé dans son blouson noir, il semble porter le deuil du banc des lionnes. Erreur ! Au cœur du lycée technique Maurice Delafosse où il enseigne, cette tenue qui porte, sur le côté gauche, l’inscription basket-ball, du nom de sa discipline sportive de cœur, le rapproche davantage de la balle orange. Dans l’enceinte des professeurs d’éducation physique et sportive, le noir est signe d’appartenance à la famille du basket où il est interdit de banc pour cinq longues années. La couleur noire symbolise le défi. Coupable d’insubordination et d’injure publique à l’endroit du président de la Fédé de basket, Baba Tandian, Moustapha Gaye est un vrai rebelle. Ce qu’il récuse.

« Non, je ne suis pas un rebelle », se défend l’ex-coach des Lionnes. Et d’argumenter : « Si rebelle veut dire se battre pour le respect de sa dignité et des principes, je le suis ! Tant que la hiérarchie joue son rôle, je suis respectueux. Je demande juste du respect et de la considération car un entraîneur national ne peut exister sans ces valeurs. Comme disait Amara (Traoré, coach des Lions de football) :« il faut être heureux pour gagner ». L’aspect psychologique, moral et mental est important dans la quête de performance. » Pour lui, ces aspects ont manqué à Bamako 2011 où les Lionnes ont été délogées du podium par les Angolaises. Son pire souvenir ! Près de deux mois après, la déception et la rancœur ont laissé place à un Moustapha Gaye joyeux malgré la sanction fédérale. L’homme n’a ni l’âme en lambeaux ni le cœur en berne. Cette fois-ci, la sanction est tributaire de sa défense de la dignité et des principes. Aux honneurs, il a préféré la dignité et le respect. Il dit : « Je ne regrette rien ! Si je le voulais, je pouvais rester encore sur le banc de l’équipe nationale, il suffisait juste de me taire comme le font d’autres et garder ma place. C’est une question de principe et de dignité. J’ai pris le choix délibéré de m’opposer au diktat. Je pouvais me taire et continuer à bénéficier des honneurs ! Mais, je me devais de rétablir la vérité » Clap sur la suspension !

Dans l’espace dédié au sport, logé derrière les salles de classes du lycée d’enseignement technique en plein travaux d’agrandissement, la communauté des professeurs d’éducation physique savoure une pause politique. Mardi, 22novembre, le séminaire sur la validité de la candidature du président de la République, Abdoulaye Wade alimente le thème de cette journée ensoleillée. Tapha et compagnie s’en délectent avant que Monsieur se fait excuser pour évoquer avec nous ses motivations. Dans le bureau des profs d’Eps logé derrière le mur de la salle de gymnastique, l’environnement épouse la nature de Moustapha Gaye. Pittoresque, il est à son image sobre et presque froid sous certains aspects. La peinture est défraichie et la déco terne : juste trois tables, des chaises, des banquettes constituent le mobilier. Et c’est là, dans ce cadre dépourvu de passion que Moustapha Gaye déroule le film d’une vie trépidante au rythme de la balle orange. De 11 ans à 48 ans, son âge actuel. Le gamin a appris le basket au centre de Mermoz avec Mapathé Mbaye. Il démarré le coaching à l’Ascc Bopp dirigé à l’époque par Oumar Sarr et Pape Daly Ndiaye, l’actuel directeur technique de la Douane et ex-coach des Lions (2001- 2006 – 2007) et Lionnes (2009 – 2011), ce qui lui fera connaître les hauts et les bas d’une vie en orange. Un sport qui a failli gâcher ses études. A côté des suspensions de cinq ans de banc en 2001 et 2011. Tiens, les débuts de décennie ne lui réussissent pas ! en dehors du banc, Tapha a connu l’exclusion scolaire.

Déjà en classe de seconde, il est renvoyé du lycée Blaise Diagne pour insuffisance de résultat parce que passant le clair de son temps sur les terrains de basket. Il sera repêché par Mamadou Sow, l’ancien directeur technique national, le Frère Quintal de l’institution Saint Michel et Ibou Diagne (ex-président de la fédé de basket) qui lui permirent de poursuivre ses études à Saint Michel. Il y décroche le Bac série B et dans la foulée entre à l’Inseps de Dakar (Institut National Supérieur de l’Education Populaire et du Sport). Pour un fils de comptable, il voit alors sa trajectoire dévier de l’économie vers l’enseignement sportif.

L’adolescent agité enfreint les règles de la maison Gaye. La prière du crépuscule, moment où tout le monde est censé rappliquer au bercail, n’est plus respectée. Il prend des coups mais c’est pour sa passion car, il reste quand même un adolescent loin des virées nocturnes. Décrit comme un bourreau des cœurs sur les teraflex, il se pend à la corde d’Adama Diakhaté, ex-lionne et reine du basket, à 32 ans. Divorcé en 2007, il revit dans un second ménage avec une férue de la balle orange. Son profil de femme ? « Ma femme, c’est mon style de femme ! ». Peut-mieux faire coach ! Tapha serait-il moins exigeant dans sa vie civile que sur les terrains de basket où il manœuvre à souhait ses joueurs-joueuses ? Il se défend : « l’exigence que je montre sur les terrains, je commence à me l’imposer moi-même. Je m’évertue à faire mon travail. »

« Coach Tapha est différent de l’homme Tapha ! »

Né à Tambacounda, il passe son enfance à Diourbel avant de rejoindre Dakar, à 11 ans. Entre la Sicap Rue 10 et Mermoz, il se refugie dans le basket pour noyer son chagrin d’enfant tiré des rues de Diourbel pour s’adapter à la vie dakaroise. Il est loin ce temps où il fallait passer l’obstacle, la distance entre l’école Fann et Mermoz. Aujourd’hui, il s’est fondu dans le décor de la capitale. Sa vie s’écrit au rythme de la balle orange. Entraîneur passionné et pointilleux, son perfectionnisme technique a amené le Sénégal au sommet du basket-ball féminin africain en 2009 à Madagascar , après 9 ans de disette. Vice-champion de l’Afrobasket 2011 et médaillé d’or des Jeux africains de Maputo 2011, l’homme sur le banc est à l’opposé de l’homme Tapha Gaye.

« Coach Tapha est différent de l’homme Tapha ! », annonce-t-il d’un air malicieux. Bonne nouvelle, il en rajoute une couche : « ce sont les sentiments qui priment dans ma vie. » Romantique ? « Oui un peu, j’aime avoir la confiance des personnes avec lesquelles je suis. » Bientôt la coupe sera pleine d’auto-compléments ! Le rose semble prendre le dessus sur sa peinture, mais brusquement, le gris fait son entrée sur le papier. Tapha Gaye déteste sortir parce qu’avoue-t-il : « j’ai une mauvaise mécanique, mais j’aime la musique ». Paradoxal pour un boy-sicap réputé grand festif et ayant le rythme dans le corps. Mais, la raison se trouve dans son orientation, quand les autres couraient les boîtes de nuit, lui, se tuait aux entraînements : « Je m’entraînais beaucoup et je dormais beaucoup », confesse le « paresseux ». N’attendez pas qu’il change les couches des enfants ou qu’il mijote un petit plat à sa femme. « La seule fois où j’ai fait la cuisine, c’est quand j’étais en stage en Allemagne. Je suis un paresseux ! ». Dans son foyer, M. Gaye assure l’animation, la rigolade et se délecte de débats politiques. Sur l’écran de sa Tv, la science politique défile mais ne vous attendez pas à ce qu’il dévoile sa famille politique. « Je la dévoilerai dans les urnes. » Juste consent-il à prier pour des élections apaisées et transparentes.

Tapha Gaye serait-il devenu frileux ? Son franc-parler l’aurait-il fui ? Sans doute. Lui qui perdu cette guerre froide née depuis 2010, l’ayant opposé au président de la Fsbb, Baba Tandian, qu’il dépeint au lendemain de Bamako2011 comme une « catastrophe et une calamité pour le basket ». Lui qui , pour la vérité et la dignité des filles, s’est démarqué des justifications de la défaite des Lionnes, accusées de s’être couchées à 3h du matin la veille de la finale perdue à l’Afrobasket 2011. Ses sorties vont lui coûter. Il conserve sa dignité au prix de cinq années sabbatiques forcées. Cependant, coach Tapha rectifie : « Je suis toujours à la Douane et je m’épanouis dans mon environnement ! » Peut-être même que sa bonne humeur réside dans le fait qu’il sera loin des affaires fédérales, loin de son ennemi intime. Au fait qu’est-ce qui l’oppose à Baba Tandian au point qu’il ne le sente pas ? Tapha Gaye : « Tous les actes qu’il a posés depuis qu’il est là démontrent son mépris vis-à-vis des entraîneurs nationaux. Nous avons réagi par le mépris. » Préjugé ou fait avéré, Tandian cherche encore des explications : « Je ne sais pas ce que je lui ai fait pour mériter ses insultes. Tapha est mon frère. »

La sanction saura-t-il effacer les rancœurs entre Tapha et Baba, deux hommes aux caractères antinomiques qui ne risquent pas de se retrouver sous les paniers. Le mandat de Tandian expire en 2014. Toutefois, en interdisant à Tapha Gaye de banc, les Fédéraux privent le Sénégal d’une expertise avérée. A son actif, il a cinq championnats d’Afrique (3 masculins et 2 féminins dont une médaille d’or), deux championnats du Monde au masculin (Japon 2006) et au féminin (République Tchéque 2010), médaillé d’argent aux Jeux de la Francophonie 2009, médaillé d’or des jeux africain de Maputo 2011. Sous les couleurs rouge-blanc des Gabelous, il a tout remporté : championnat, Coupe du Sénégal, Saint Michel et Maire. Sur son curriculum sportif, métal olympique et mondial manquent à l’ancien international sénégalais qui a pris sa retraite en 1993. En attendant, il n’est pas exclu qu’il rebondisse ailleurs. Peut-être sur un banc national africain ? Loin des exubérances de son ennemi intime. Voire !

Boly BAH

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

spot_img

DEPECHES

DANS LA MEME CATEGORIE
EXCLUSIVITE

Bijou Ngoné célèbre son cinquième mariage

XALIMANEWS- Bijou Ngoné a célébré son mariage avec M....