Pas de répit en Egypte entre forces de l’ordre et manifestants qui réclament la fin du pouvoir militaire, en place depuis la chute de Moubarak. La photo d’une femme maltraitée par les soldats aggrave les tensions.
Dix tués, près de 500 blessés. Les violences depuis trois jours au Caire se sont poursuivent, ce dimanche, entre forces de l’ordre et manifestants anti-armée. Ces violences sont les plus graves depuis celles précédant les législatives, le 28 novembre, où 42 personnes avaient perdu la vie, principalement au Caire.
L’armée a déféré devant le procureur 164 personnes ce dimanche, arrêtées pour implication présumée dans ces heurts entamés vendredi matin autour du siège du gouvernement, et pour incendie de bâtiments, en vue de leur éventuelle inculpation, a-t-on appris de source militaire.
Une photo choque le peuple égyptien
Cette photo d’une manifestante voilée malmenée par les soldats a fait la une d’un quotidien egyptien (REUTERS/Stringer )
Autour de la place Tahrir, les protestataires brandissaient la Une d’un quotidien créé après le départ de Hosni Moubarak qui montrait la photo d’une manifestante voilée, dont les soldats découvraient le soutien-gorge et le ventre en la frappant et en la traînant sur la chaussée. Cette photo, ainsi que d’autres montrant des militaires adressant des gestes obscènes aux manifestants, ou dégainant des armes de poing, circulaient largement sur les réseaux sociaux.
L’avenue conduisant à la place Tahrir est barrée depuis samedi par un mur en béton
Les affrontements, essentiellement à coups de pierres, se concentraient dimanche autour d’un barrage de barbelés et de tôle installé par les forces de l’ordre sur une rue adjacente à une grande avenue conduisant de la place Tahrir, haut lieu de la contestation, au siège du gouvernement. L’avenue conduisant à la place est barrée depuis samedi par un mur en béton afin d’empêcher les manifestants d’approcher de ce secteur qui comprend aussi de nombreux ministères et bâtiments parlementaires.
Les heurts ont débuté vendredi entre les forces de l’ordre et des manifestants qui campaient depuis fin novembre devant le siège du gouvernement. Ces derniers protestent contre la nomination par l’armée de Kamal el-Ganzouri, ex-chef de gouvernement sous Hosni Moubarak. Les manifestants réclament également la fin du pouvoir militaire, visant en particulier le chef de l’armée et chef de l’Etat de fait, le maréchal Hussein Tantaoui.
Le CSFA au pouvoir s’appuie sur les réseaux sociaux
Le Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui dirige l’Egypte depuis le départ de Moubarak, a pour sa part publié sur Facebook et Youtube des images du saccage d’un bâtiment gouvernemental vendredi, avec ce commentaire: « N’est-ce pas notre droit de protéger la propriété du peuple' ».
Dimanche, des manifestants pénétraient dans le bâtiment encore fumant de l’Institut d’Egypte pour en extraire des manuscrits anciens, dont une grande partie a brûlé, après un incendie la veille dont les deux camps se rejetaient la responsabilité.
Le ministre de la Culture Chaker Abdel Hamid a qualifié de « catastrophe pour la science » le sinistre qui a ravagé l’établissement, fondé en 1798 au cours de l’expédition en Egypte de Napoléon Bonaparte afin de faire progresser la recherche.
« Le bâtiment contenait des manuscrits très importants et des livres rares dont il est difficile de trouver l’équivalent dans le monde », a-t-il déclaré samedi soir, faisant état d’efforts associant « des jeunes de la révolution, du Conseil supérieur de la Culture et des restaurateurs pour sauver ce qui peut l’être ».
Le Premier ministre parle d’une « contre-révolution »
Ceux qui sont à Tahrir ne sont pas les jeunes de la révolution
Le Premier ministre Kamal el-Ganzouri a mis en garde samedi contre un risque de « contre-révolution », assurant que « ni l’armée ni la police n’avaient ouvert le feu » sur les manifestants. « Ceux qui sont à Tahrir ne sont pas les jeunes de la révolution », a-t-il affirmé. « Ce n’est pas une révolution, mais une contre-révolution », a-t-il ajouté en imputant les violences à des « éléments infiltrés ».
Ces violences ont occulté la tenue sans incident majeur de la deuxième phase des élections législatives, qui devrait conforter la nette domination des formations islamistes, au détriment des partis libéraux et des mouvements issus de la révolte anti-Moubarak.
La première phase du scrutin, dans un premier tiers du pays, a donné 65% des voix aux partis islamistes, dont 36% pour les Frères musulmans et 24% pour les fondamentalistes salafistes.
avec lexpress