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À ceux qui annonceront un jour mon décès sur les réseaux sociaux (Par Bosse Ndoye)

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L’annonce des décès sur les réseaux sociaux est devenue si fréquente et banale de nos jours que nul sinon très peu de gens semblent pouvoir y échapper après leur mort. C’est conscient de cet état de fait, que je voudrais faire passer le message ci-après à ceux qui y annonceront le mien un jour.

À ceux qui annonceront un jour mon décès sur les réseaux sociaux
Sachez qu’une perte humaine – fraîchement survenue – annoncée brutalement, sans filtre, sur Facebook, Twitter et tutti quanti, peut avoir un effet mortel sur les amis et parents du défunt qui – après avoir accédé à leur compte – apprennent abruptement par exemple par une photo, qui leur tombe sur la figure comme un couperet, la perte d’un être cher, dont ils n’avaient peut-être pas les nouvelles depuis un certain moment.

À ceux qui annonceront un jour mon décès sur les réseaux sociaux
Plutôt que de vous limiter juste à accoler chichement un RIP aussi sec que laconique à mon nom dans votre publication annonçant ma mort, veuillez invoquer le Bon Dieu pour qu’Il dénoue ma langue afin de me permettre de répondre convenablement aux questions pendant l’interrogatoire que me feront subir dans ma tombe les anges Nakîr et Munkar et surtout pour qu’Il me juge d’après son incommensurable miséricorde. Car, comme nombre d’êtres humains, je suis un pauvre pécheur qui aura besoin de beaucoup d’invocations afin de donner plus de poids à ses bonnes œuvres très négligeables pour faire pencher la balance du côté la félicité éternelle le jour de la pesée.

À ceux qui annonceront un jour mon décès sur les réseaux sociaux
Si, après ma mort, vous tenez vraiment à montrer par un post que j’étais un être qui vous était cher, vous pourrez le faire. Mais, afin de m’épargner des soucis supplémentaires dans ma tombe, s’il vous plaît abstenez-vous de publier mes anciennes photos et vidéos où je fais quelque acte répréhensible ou montre par ignorance, négligence ou mégarde, une partie de mon corps qu’il m’avait été recommandé de couvrir. De plus, bien qu’il puisse être très soulageant de vider son chagrin causé par la perte d’un être cher sur son mur afin d’en alléger le poids en partageant la charge avec ses amis sur les réseaux sociaux, car «La confidence noie la douleur, » comme disait Mariama Bâ dans Une si longue lettre, il ne faut pas perdre de vue que « Le vrai tombeau des morts, c’est le cœur des vivants, » comme le rappelait Jean Cocteau – a fortiori celui d’un ami. Qui plus est, l’amitié et l’amour que l’on porte à une personne décédée peuvent toujours survivre à cette dernière en se manifestant par exemple à travers un soutien moral, financier…que l’on peut apporter à sa famille et par la fréquence des invocations qui lui sont adressées pour son salut céleste.

À ceux qui annonceront un jour mon décès sur les réseaux sociaux
Ceci n’est pas un message d’adieu – à moins que le Tout-Puissant en décide autrement puisque nos vies ne se trouvent pas entre nos mains -, mais j’ai vu des annonces nécrologiques de toutes sortes sur les réseaux sociaux, des plus choquantes aux plus inopportunes en passant par les plus désinvoltes. Comme dans une foire aux vanités ou une ruée vers le «buzz», certaines d’entre elles, accompagnées d’émoticônes en larmes – certainement de crocodile –, semblent avoir été faites par leurs auteurs juste dans le but de montrer qu’ils ont été parmi les premiers à avoir annoncé la mort d’un tel. Sans tenir compte du moment, de la manière et surtout du fait que leurs messages bruts, parfois accompagnés d’une photo, peuvent choquer certains proches du défunt qui vont l’apprendre brutalement.

À ceux qui annonceront un jour mon décès sur les réseaux sociaux
Bien qu’il soit indiscutable que les réseaux sociaux constituent un moyen de communication très pratique permettant d’échanger en un temps record avec plusieurs personnes vivant parfois à milliers de kilomètres les unes des autres, ce que j’y ai appris le plus à travers nombre d’annonces de décès accompagnées de photos, vidéos et d’autres posts, c’est qu’il faut réfléchir à deux fois avant d’y publier ou partager quoi que ce soit. Parce qu’à l’ère de Youtube et Google…presque tout ce qui y est mis nous survit. Dès lors Internet en général, les réseaux sociaux peuvent être à double tranchant en tant facteurs multiplicateurs de bienfaits comme de méfaits. Pour combien de temps ? On ne sait pas. Cette situation doit pousser à faire penser à confier à quelques très proches parents ou amis ses informations personnelles pour qu’ils ferment éventuellement son compte après sa mort, ne serait-ce que pour éviter de se faire taguer outre-tombe pour des futilités ou des obscénités.

En définitive, les annonces de décès sur les réseaux sociaux peuvent être très bénéfiques pour les défunts et apaisantes pour leurs auteurs. Mais elles peuvent aussi être très nocives pour les premiers. Tout dépend de ce que l’on y met et de comment on le fait. Mais dans nos sociétés du spectacle, pour reprendre les mots de Guy Debord, le sensationnalisme et le voyeurisme tuent une bonne part de sincérité sinon d’humanité en nous. D’où la nécessité d’être vigilant.

BOSSE NDOYE
Montréal
[email protected]

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