A la finale de l’Afrobasket 2011 des dames, les ‘Lionnes ont courbé l’échine devant les ‘Antilopes’ de l’Angola (54-62). Mais, Mame Diodio Diouf a tiré son épingle du jeu. Elle a été nominée meilleure meneuse du tournoi. Dans cet entretien qu’elle nous a accordé, mardi dernier, la ‘Suisse’ aborde, sans langue de bois, tout. Elle pointe surtout du doigt l’amateurisme des dirigeants qui seraient, accuse-t-elle, le nœud cornélien du basket sénégalais.Entretien !
Wal Fadjri : Comment expliquez-vous la défaite, en finale, face à l’Angola que vous avez gagnée en match de poule ?
Mame Diodio DIOUF : L’Angola est une grande nation de basket. C’est vrai qu’on l’avait battue en match de poule. Mais, au sortir de ce match, les Angolaises ont bien étudié notre façon de jouer. Elles ont pris le soin de tirer les enseignements de leur défaite contre nous. C’est en partant des enseignements tirés de notre match de poule que l’Angola a mis en place une stratégie qui nous a fait plier en finale. Les Angolaises étaient plus concentrées que nous. Elles étaient même plus fortes ce jour-là. C’est vrai que nous aurions bien aimé remporter la coupe. Mais, la chance n’était pas avec nous. Maintenant, il faut tirer les enseignements de cette défaite. Malheureusement, à la place d’une analyse qui pouvait servir à tirer les enseignements de notre parcours à cet Afrobasket, on assiste à des querelles de responsables par presse interposée. Il faut arrêter de parler que de choses négatives. Perdre en finale, n’est pas, à mon avis, faire un mauvais parcours. Ce débat auquel on assiste actuellement ne fait nullement avancer. Au contraire, on stagne. On est en train de perdre du temps sur des querelles de personnes. C’est regrettable. Au lieu de se crêper les chignons, il faut plutôt tirer les enseignements de notre échec pour préparer les futures échéances.
Dans le troisième quart de temps de cette finale, vous avez pu rejoindre l’adversaire (45-45). Pourquoi vous n’avez pas pu maintenir ce rythme ?
Parce qu’on a beaucoup péché au niveau de la défense. Les Angolaises étaient beaucoup plus présentes que nous sur ce secteur. Ce jour-là, il faut aussi avouer qu’on avait perdu nos repères. Et en sport collectif, quand on perd ses repères en début de jeu, surtout devant une équipe forte, on a tous les problèmes pour revenir dans le match. Les Angolaises étaient plus en jambes que nous. Elles ont fait montre de plus d’envie.
Au niveau des tirs primés, vous avez raté beaucoup de paniers. Qu’est-ce qui explique ce manque de réussite ?
La seule explication est relative à notre manque de réussite. On était dans un jour sans. Nous sommes toutes des professionnelles. On a l’habitude de jouer des matches rythmés. Tous les autres matches nous ont réussi, sauf la finale. On n’y peut rien.
Il paraît qu’à la veille de la finale, au lieu de vous reposer, vous vous êtes mises à réclamer des primes jusqu’à 3 h du matin.
C’est faux. Les rumeurs qui disent que nous sommes restées à réclamer des primes, à la veille de la finale, sont fausses. Je ne sais pas où est-ce que les gens ont pris ces informations. Mais, il faut qu’ils arrêtent. Qu’ils arrêtent de chercher à nous mettre en mal avec le peuple sénégalais. Il faut qu’ils comprennent qu’ils ne sont pas plus patriotes que nous. Au lieu de chercher à faire marcher le basket, ils cherchent plutôt à le détruire. Notre souhait, le plus absolu, était de revenir au Sénégal avec la coupe.La veille de la finale, on avait joué un match très difficile contre le Nigeria. Ce match est terminé très tard. Le temps de manger et de prendre la douche, il faisait presque minuit. Notre coach, Moustapha Gaye, nous a demandé d’aller se coucher pour se reposer, parce qu’on devait jouer la finale le lendemain. Donc, je ne peux pas comprendre que les gens disent que nous sommes restées jusqu’à 3 h du matin pour réclamer des primes. Il faut quand bien même nous accorder un peu plus de respect. Tout ce qui a été dit, à propos des primes, est faux.
‘C’est vrai que nous avons bien réclamé des primes. Mais, les gens ont exagéré. Ils parlent alors qu’ils nous doivent encore des primes journalières de 210 mille francs Cfa, par joueuse. Mais, avec tous les problèmes soulevés çà et là, on préfère garder le calme et les laisser faire’.
Mais, qu’en est-il réellement de cette question de primes ?
Nous avons entendu que le président de la République, Me Abdoulaye Wade, nous avait donné de l’argent. Donc, on était surpris d’entendre les gens dire qu’il n’y avait pas d’argent pour payer nos primes de quart de finale. Personne ne peut nous reprocher d’avoir réclamé nos primes. C’est de l’argent qui nous revient de droit. Bien avant les compétitions, on avait tenu un langage de vérité à tout le monde. On les a demandés de nous dire la vérité, parce qu’on n’était pas venu en équipe nationale pour chercher de l’argent. Nous venons en sélection pour défendre les couleurs de notre nation. Les autorités nous avaient rassuré qu’un problème de prime ne se posera pas. Que rien n’allait plus être comme avant. Malheureusement, l’amateurisme a fait foi. Il a fallu qu’on tape sur la table pour qu’on nous remette notre argent. Avant ça, le ministre des Sports était venu à notre hôtel. Mais, les gens ne voulaient pas qu’il nous rencontre. C’est lorsqu’on a compris ce jeu que nous avons décidé de faire monter le ton.
Le gars qui devait nous payer est arrivé tard la veille de la finale. Nous étions déjà au lit. C’est le lendemain, le dimanche matin, qu’ils nous ont remis notre argent. C’est vrai que nous avons bien réclamé des primes. Mais, les gens ont exagéré. Ils parlent alors qu’ils nous doivent encore des primes journalières de 210 mille francs Cfa, par joueuse. Mais, avec tous les problèmes soulevés çà et là, on préfère garder le calme et les laisser faire.
Qu’est-ce qui explique, selon vous, tous ces problèmes ?
Tous ces problèmes s’expliquent par le manque de professionnalisme de nos dirigeants. En tant que sportif de haut niveau, on doit nous épargner tous ces problèmes. On doit être mis dans de bonnes conditions pour défendre les couleurs de notre pays. Pour faire avancer le sport sénégalais, il faut mettre fin à l’amateurisme. Il faut avoir le courage de dire la vérité aux gens. Nous sommes des Sénégalais. Nous ne demandons pas la lune. Nous voulons juste le minimum de confort. C’est-à-dire nous mettre dans de bonnes conditions afin de pouvoir aborder nos matches sans aucun souci. Ce qui s’est passé au Mali est honteux. C’est au niveau du Sénégal seulement qu’un problème de primes s’est posé. Toutes les autres nations étaient dans des bonnes conditions. Et ce n’est pas parce qu’ils ont plus de moyens que nous. Non. C’est le manque de professionnalisme de nos dirigeants qui a créé tout ce problème.
Entre le ministère et la Fédération qui est responsable de ces déboires ?
Je ne sais pas. Je peux seulement dire qu’il y a un gros problème entre le ministère et la Fédération. Ces deux institutions ne parlent pas le même langage. Tout est flou dans leur façon de faire.
Quelles solutions préconisez-vous pour régler la gestion du basket sénégalais ?
Pour régler la gestion du basket sénégalais, il faut que les dirigeants sachent que la discipline n’est pas pour eux. Il faut aider les jeunes d’abord en développant le basket à la base. Faire en sorte que le basket se joue dans tout le Sénégal… On ne peut préparer et gagner une compétition internationale sur deux mois ou trois mois. La préparation se fait sur une longue durée. L’exemple de l’Angola est là. C’est un pays qui a beaucoup investi à la base, depuis plus d’une dizaine d’années pour régner aujourd’hui en maître sur le plan continental.
Comment était l’ambiance au sein de l’équipe au Mali ?
Il y avait une bonne attente entre nous. On ne se prenait pas pour des coéquipières, mais, plutôt pour des sœurs. Il n’y avait pas de clan ni de querelle entre joueuses. C’est ce qui faisait la force du groupe. Cette même ambiance a prévalu dans l’encadrement technique. Il y a une réelle complicité entre nos encadreurs et nous. Moustapha Gaye est quelqu’un qu’on respecte beaucoup. C’est lui qui a cultivé cette complicité que nous partageons tous dans le groupe. Avec son caractère, on ne pense même pas rester dehors jusqu’à certaines heures sans aller se coucher. C’est un bon entraîneur qui a de la poigne. Il est bien et très sympathique. Il est toujours à l’écoute de ses joueuses. Il nous protège comme si nous sommes ses propres enfants. Nous n’avons rien à lui reprocher.
Comment avez-vous accueilli votre titre de meilleure meneuse du tournoi ?
Avec beaucoup de fierté. Je remercie l’équipe, les entraîneurs, ma famille et tout le monde. Je dis un grand merci à tous ceux qui m’ont soutenue. Ce n’était pas évident d’être nominée meilleure meneuse de la compétition. Il y a certes une touche personnelle. Mais, c’est grâce à un travail collectif que j’ai été choisie. Sans ses coéquipières, Diodio n’est rien. Les filles m’ont beaucoup aidé. Elles m’ont facilité la tâche pour atteindre ce niveau.
‘Il faut que les dirigeants sachent que la discipline n’est pas pour eux. Il faut aider les jeunes d’abord en développant le basket à la base. Faire en sorte que le basket se joue dans tout le Sénégal… On ne peut préparer et gagner une compétition internationale sur deux mois ou trois mois’.
N’aviez-vous pas subi une forte pression des Maliens ?
Bien sûr ! On a reçu une forte pression des Maliens. Ils nous prenaient comme les potentiels adversaires de leur équipe. Ils n’ont pas été cool avec nous. Quand leur équipe a été éliminée en demi-finale par l’Angola, ils voulaient que nous aussi nous soyons éliminées par le Nigeria. Ils se sont battus avec nos supporters. Ils ont passé tout le temps à nous siffler pour nous déconcentrer. Mais, on est resté bien concentré pour gagner le Nigeria.
Est-ce que ce n’est pas cette forte pression des Maliens qui vous ont fait perdre la finale ?
Non. Ce n’est pas parce qu’on attendait le Mali en finale que l’Angola nous a surpris. Notre philosophie consistait à jouer match après match. On prenait tous les matchs au sérieux. Les consignes des entraîneurs passaient très bien. Malgré la défaite en finale, on a beaucoup gagné en expérience sur le plan de la participation et sur le plan du professionnalisme.
Quel a été votre match le plus difficile ?
Il y a eu deux. Il y a eu le match contre le Rwanda et bien évidemment la finale contre l’Angola. Les Rwandaises nous ont posé beaucoup de problèmes, surtout au niveau de la défense. Le Rwanda est une équipe très présente au niveau du jeu. Pour la finale, on l’a perdue devant une équipe angolaise plus forte que nous.
Le match le plus facile ?
Le match le plus facile, c’était contre la République de Guinée.
Comment comptez-vous préparer le tournoi préliminaire des Jeux olympiques de Londres 2012 ?
Tout dépendra de la feuille de route que les dirigeants vont tracer. C’est un tournoi qu’on prend au sérieux. Surtout qu’on aura affaire à de grandes nations européennes comme la France… Je pense qu’en maintenant notre entraîneur, Moustapha Gaye, et le groupe actuel, on aura des arguments à faire valoir.
Quel avenir pour Diodio en équipe nationale du Sénégal ?
Tant que mon pays aura besoin de moi, je serais toujours là pour le servir. J’aime le Sénégal qui m’a tout donné. Ce n’est pas l’amateurisme des dirigeants ou des questions de primes qui me feront laisser ma nation.
Quel est l’avenir professionnel de Diodio ?
Pour le moment, je suis en Suisse. Tout se passe très bien avec mon club. Je n’ai pas de soucis. Tout le monde m’aime là-bas. Je ne peux que remercier le bon Dieu. Ça fait six ans que je suis en Suisse. Je ne m’ennuie pas là-bas.
Propos recueillis par Ndéné BITEYE