Idrissa Seck est pour une autre approche dans l’enseignement confessionnel dans notre pays. Le maire de Thiès l’a fait savoir samedi au cours de la cérémonie de dédicaces de l’ouvrage intitulé : Islam et Démocratie : la politique africaine du Maroc, de l’universitaire Mbourois Bakary Sambe, chercheur et expert à la Fondation européenne pour la démocratie.
Idrissa Seck pour une autre approche dans l’enseignement confessionnel
Par Birane GNING
Samedi, au cours de la cérémonie de dédicaces de l’ouvrage Islam et Démocratie : la politique africaine du Maroc, du chercheur Bakary Sambe, Idrissa Seck, le maire libéral de la ville de Thiès, «la plus arabisante du Sénégal», a commencé par rendre un hommage manifestement partisan aux «intellectuels arabisants» en affirmant avec force qu’une «telle élite doit être consultée sur les affaires de notre pays car (leur) savoir et (leur) savoir-faire sont indispensables à notre développement». Idrissa Seck qui se réfère à la bonne et solide formation universitaire de ces cadres, dans tous les temples du savoir islamique de par le monde et leur emploi à l’extérieur, invite l’Etat à faire bénéficier le pays de telles compétences. En prenant exemple sur le spécialiste Bakary Sambe, le maire de Thiès a étendu son champ de réflexion aux autres intellectuels arabisants en insistant sur leur capacité à donner le meilleur d’eux-mêmes à leur pays. Un domaine comme la diplomatie, «en tant qu’art ou comme science», a été cité comme pouvant accueillir ces intellectuels arabisants afin de permettre à notre pays de «revivifier (nos) relations avec des pays partenaires traditionnels du Sénégal». Pour Idrissa Seck, ces intellectuels arabisants «constituent un immense espoir surtout à un moment où notre diplomatie devant se moderniser, a plus que besoin d’avis éclairés et constructifs dans la rationalisation de ses choix diplomatiques». M. Seck reste convaincu que «l’implication accrue dans la conception et la conduite de notre diplomatie en direction du monde musulman», d’intellectuels arabisants comme Bakary Sambe «donnerait plus d’éclat aux importantes rencontres internationales initiées par notre pays et éviterait que des prises de position insuffisamment éclairées viennent à froisser certains partenaires-clés du Sénégal».
Par ailleurs, l’ancien Premier ministre qui se dit favorable à la large concertation que le président de la République a ouverte sur l’avenir des «daaras» (écoles coraniques) et leur modernisation et le recrutement d’enseignants en langue arabe, souhaite voir les pouvoirs publics aller plus loin en formalisant cet enseignement avec la création «d’une grande direction chargée du privé confessionnel, donnant toute sa place à l’enseignement privé musulman aux côtés de ceux catholiques et protestants». Pour Idrissa Seck, «il y va de notre laïcité garantissant l’égal traitement de toutes les confessions qui doivent ainsi s’épanouir dans un cadre apaisé fait d’une harmonieuse cohabitation et de tolérance».
L’OUVRAGE EN QUESTION
Le Dr en Sciences politiques, Bakary Sambe, pénètre, dans cet essai, les relations internationales à travers le facteur religieux. Un facteur, selon lui, rarement pris en compte, à tort, par les chercheurs qui tentent d’étudier les enjeux des rapports entre l’Afrique subsaharienne et le monde arabe. Ces derniers se focalisent sur l’économie, la géopolitique ou leurs seuls intérêts stratégiques. Cette approche institutionnaliste des relations internationales néglige, à son avis, la place de l’individu, des groupes religieux, ainsi que l’efficacité politique des symboles permettant la mise en place de réseaux informels, alors que des confréries soufi, par exemple, s’imposent depuis toujours comme des acteurs incontournables dans la coopération entre le Maroc et le Sénégal.
L’irruption «des individus et des acteurs ordinaires» dans le champ des rapports internationaux a donc créé, selon l’auteur, une rivalité avec l’Etat, désormais fortement concurrencé de toutes parts dans son action, faisant même croire parfois à «une diplomatie parallèle dans bien des cas». Ce qui amène l’Etat, en tant qu’institution, à adapter ses stratégies face à cette nouvelle donne. Bien que forte de sa souveraineté, cet Etat tente, selon l’auteur, de ménager des acteurs internes aux relations et réseaux internationaux plus que performants, pouvant, très souvent, «lui garantir une onction religieuse, pour la légitimation de ses choix et orientations politiques». C’est ce jeu d’interaction mettant en scène des acteurs aux intérêts divergents ou complémentaires qui est au centre de cet ouvrage qui se propose d’analyser un tel fait en appuyant sur le cas du Maroc.
En plus, l’auteur revient sur la particularité de ce pays frère, le Maroc au sein du Maghreb et du monde arabe, «qui en fait un pays au carrefour de l’africanité, de la berbérité et de l’arabité, mais depuis toujours impliqué en Afrique sub-saharienne». L’ouvrage analyse les facteurs qui garantissent au Maroc, «un pays de ressourcement spirituel pour des millions d’Africains», «son prestige diplomatique» sur le continent qui est fondé, selon Bakary Sambe, sur «l’histoire et son modèle religieux».
Particularité de cette cérémonie de dédicaces : aucune critique assez osée n’a été faite sur le travail de l’intellectuel arabisant. Seul un proche du maire de la ville, l’enseignant en langue arabe, Cheikh Tidiane Djité, s’est permis de faire remarquer à l’auteur que nulle part dans son livre, il ne s’est référé au Livre Saint pour montrer combien la diplomatie était tenue en compte dans l’Islam. Cet enseignant renvoyait son collègue à l’histoire de l’arrivée du Prophète Mohamed (Psl) à la Mecque, qui n’a pu se réaliser que grâce à des négociations, tel que c’est écrit dans les versets 63 à 64 de la sourate «Al Imrane».
Correspondant
lequotidien.sn