Il y a deux ans, des passionnés ont eu l’idée folle d’ouvrir une maison du rugby dans un quartier populaire de la capitale sénégalaise. Un essai transformé.
Dimanche matin, ils seront tous là, les yeux rivés sur l’écran de télévision, pour assister à la grande finale de la Coupe du Monde de rugby entre la France et la Nouvelle-Zélande. À Yoff, un quartier populaire situé au nord de Dakar, la maison du rugby accueille une centaine de gamins pour les initier aux joies de l’ovalie. « La maison fonctionne comme une maison de jeunes. Elle est ouverte tous les jours de 8h30 à 20h », indique Gilles Marchand, son fondateur, soucieux de « l’esprit » du lieu. « Ici c’est comme une famille, raconte Alain, 17 ans, du haut de ses deux mètres. On traîne entre copains, on se respecte. » Ancien basketteur, il a découvert le rugby il y a environ six mois, un vrai coup de cœur. « Au début mon père me disait que c’était un sport de fous. Maintenant il me réveille le matin pour que l’on regarde les matchs ensemble », sourit le gaillard.
« Ici, on accueille tout le monde », note Papis Kondé, l’entraîneur. Tous les enfants habitent le quartier, un ancien village de pêcheurs avalé par l’urbanisation galopante, ou ses environs. Ils ont entre 7 et 17 ans. Écoliers, mécaniciens, chômeurs, « talibés » (enfants des écoles coraniques astreints à la mendicité), les jeunes, la plupart issus de familles démunies, se retrouvent avec plaisir à la maison du rugby. « Pendant la journée, on organise des cours d’alphabétisation pour les enfants de la rue et du soutien scolaire pour ceux qui ont des difficultés », explique Papis. Des cours de civisme, d’hygiène et de secourisme, avec des sapeurs-pompiers mis à disposition, sont également dispensés. Les joueurs des Panthères de Yoff, un club créé l’année dernière par les responsables de la maison et qui évolue en 2ème division, y passent aussi beaucoup de temps.
« Rigueur, respect, esprit d’équipe »
« Le rugby avec toutes ses valeurs, la rigueur, le respect, l’esprit d’équipe, c’est le sport idéal ! », estime Gilles Marchand, 65 ans. Originaire d’Avignon, il s’installe en 2007 au Sénégal avec dans un coin de la tête le projet de monter pareil centre. « L’idée, je l’avais. Le président de la fédé, Guédel Ndiaye, l’avait aussi. Un jour en réunion, il s’adresse aux présidents de clubs pour leur proposer d’ouvrir une maison du rugby. Deux jours plus tard, je l’avais trouvé. » Ouverte depuis deux ans, la maison, un bâtiment aux murs ocres, est située entre le stade de Yoff et la plage de Diamalaye. Elle comprend deux salles de cours, une bibliothèque, une cuisine et un abonnement aux chaînes du câble, précieux pour pouvoir suivre les matchs à la télé. Soutenue par la fédération, dont le président est aussi le consul de Monaco à Dakar, la maison du rugby est financée par la fondation du prince Albert. Les enfants et leurs familles ne déboursent pas un franc CFA. À leur arrivée, ils passent une visite médicale et sont assurés. « Le ciel bleu me va très bien. Et puis, je pense être plus utile ici qu’en France », constate Gilles Marchand. L’air de rien, la maison du rugby a changé le quotidien de nombreux gamins dans le quartier.
Une fois le bail signé, le Français part en quête de joueurs. « Ils ont des chromosomes de lutteurs, dit-il. La vaillance, ils l’ont. Ils sont durs au combat et ne déméritent jamais. » Sur la plage, où chaque soir lutteurs et footeux s’entraînent en nombre, Gilles fait des émules en jouant au rugby avec son fils. Il recrute aussi beaucoup dans la rue. « Je chasse tout le temps, s’amuse Gilles. On organise des camps de vacances, on a fait le tour des écoles pour aller prêcher la bonne parole. Quand je vois des enfants foutre le bordel dans la rue, je les engueule et je leur dis qu’ils feraient mieux de venir joueur au rugby. » Ravi, il nous présente sa dernière trouvaille, un Burkinabè de 2 mètres. « Associé à Alain, ça va me faire une sacrée deuxième ligne chez les juniors, dit-il. Si avec ça je n’ai pas les ballons en touche ! »
Sur un terrain sablonneux, l’entraînement démarre. D’un côté les plus jeunes, de l’autre les grands et au milieu les filles, une vingtaine. « On récupère beaucoup de filles, observe Gilles. Il n’existe aucune structure pour elles. » Plaquages, mêlées, débordements, tout y passe. Papis, l’entraîneur, garde un œil sur les trois aires de jeu en même temps, donnant conseils par-ci et encouragements par-là. Pendant deux heures, les gamins se libèrent. Moussa, 22 ans, un colosse venu de Gambie, s’en donne à cœur joie. « J’ai découvert le rugby ici à Yoff, dit-il dans un grand sourire, j’adore ça ! » Cela se voit. Il espère d’ailleurs en faire son métier. « Dans le rugby, il y a le respect, l’entraide, la solidarité, confie Oumar, un de ses partenaires. Nous sommes une famille ». Une famille qui chaque jour s’agrandit un peu plus.
avec afrik.com
Je préfère le rugby à la lutte