De passage à Genève, l’ancien président du Sénégal tire le bilan de 40?ans de défense de la langue française. Il se réjouit du Sommet de Montreux de cet automne, même si le budget a été raboté par Berne
Monsieur le président, vous avez débarqué mardi soir dans la Genève internationale pour le Congrès contre la peine de mort. Vous avez forcément dû parler en anglais…
Dans mes fonctions officielles, je ne m’exprime qu’en français et je le revendique. Cette langue est la seule avec l’anglais à être parlée et enseignée sur tous les continents. Je ne déroge à cette règle qu’à la maison, en famille, où je parle le wolof, une des langues de mon Sénégal natal.
Que peut faire une organisation comme l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) dans la lutte contre la peine de mort?
L’Organisation internationale de la francophonie a été créée sur des valeurs comme la dignité et le respect de la vie humaine. Nous comptons 70 Etats et gouvernements membres, dont quarante-cinq ont aboli la peine de mort, en droit. Si l’on compte les Etats ayant suspendu les exécutions, le chiffre atteint cinquante-sept. Nous avons des tribunes dans le monde entier et surtout des convictions et de l’énergie. Je peux vous assurer que convaincre est quelque chose que nous savons très bien faire. Nous allons tout mettre en oeuvre avec nos partenaires pour abolir la peine de mort dans le monde entier.
Vous allez fêter cette année les 40 ans de l’OIF. Qu’est-ce qui a changé depuis sa création en 1970?
Je dirais que notre organisation s’est accomplie et que notre mandat s’est élargi. Nous menons des actions dans les domaines de la culture, de l’éducation, de l’égalité des droits et du numérique même. La francophonie de 2010 est la fille prodige de la francophonie de 1970. Nous fêterons cet anniversaire le 20 mars, en inaugurant la nouvelle Maison de la francophonie à Paris, avec Nicolas Sarkozy. Aujourd’hui éclatés sur plusieurs sites, nous serons d’autant plus efficaces en nous rassemblant sous un seul et même toit.
Vous vous êtes agrandis aussi. Tant et si bien qu’on ne voit plus vraiment pourquoi des pays comme la Moldavie ou l’ex-République de Macédoine font partie de votre organisation francophone…
C’est vrai, aujourd’hui nous comptons 54 pays membres, 2 pays associés et 14 Etats observateurs. Mais il ne faut pas se fier aux apparences, en Moldavie, la première langue étrangère enseignée est le français. Et, à l’heure où de nombreux pays de l’Est entrent dans l’Europe, il est normal qu’on leur demande et qu’on les aide à mettre en avant la langue française. Nous souhaitons aujourd’hui conclure des pactes linguistiques avec ces pays, pour les pousser à donner davantage de place au français tout en nous engageant pour les épauler.
L’Organisation de la francophonie se porte apparemment bien, mais le français tout court?
Je n’ai jamais pratiqué la langue de bois: je ne dirai donc pas que la situation est parfaite. Je la qualifierais plutôt de paradoxale.
C’est-à-dire…
D’un côté, le français, sa culture, son enseignement, ses ramifications culturelles sont de plus en plus courus et demandés de par le monde. Mais, d’un autre, l’ONU, l’Union européenne et bien d’autres organisations internationales font de moins en moins l’effort de pratiquer le français et se contentent de l’anglais. Je me bats énergiquement contre cela. J’ai aussi été déçu de la non-invitation de l’OIF à la Conférence de Montréal sur la reconstruction d’Haïti et je l’ai fait savoir. Haïti est un pays francophone. Nous sommes présents sur le terrain depuis des décennies. Nous avons déjà débloqué une aide d’urgence et nous continuerons à nous investir en matière d’éducation et d’infrastructures culturelles, comme cela était le cas avant le tremblement de terre.
En Suisse aussi, le français est à la peine face à la majorité alémanique. Pensez-vous que ce soit la raison pour laquelle le Sommet de la francophonie qui doit se tenir cet automne à Montreux est mis à mal par des histoires de petits sous qu’on refuse de débloquer à Berne?
Vous êtes jeune, moi pas. Si j’ai eu tôt les cheveux gris, c’est parce que j’ai longtemps pratiqué la politique, et il y a une chose dont je suis persuadé: c’est que le plus difficile dans ce métier est le moment où il faut arbitrer les budgets.
Donc…
Donc je ne m’inquiète absolument pas pour cette affaire. Je suis certain que ce Sommet de Montreux sera une réussite. Vous savez, quand Madagascar a connu tous ses problèmes politiques et a dû renoncer à organiser ce sommet, nous nous sommes arraché les cheveux. On savait alors que seul un pays développé pourrait reprendre une telle organisation au pied levé. La candidature de la Suisse a été une divine surprise. En plus, Montreux est une ville merveilleusement accueillante au niveau du paysage et des infrastructures. J’ai passé mes vacances de l’été dernier à Evian et je ne pouvais pas m’empêcher de regarder de l’autre côté du lac.
Connaissez-vous un peu la Suisse?
J’adore votre pays, et un de mes meilleurs souvenirs d’étudiant reste un voyage organisé par Pro Helvetia, qui nous avait invités pour un tour de Suisse en voiture. J’avais même assisté à une Landsgemeinde.
Notre Parlement discutera ces prochains jours du budget du sommet. Qu’avez-vous envie de dire à nos élus pour plaider votre cause?
Je leur exprime ma gratitude, ma confiance et mon plus profond respect pour l’organisation de cet événement. Je suis persuadé que ce sera magnifique.
Allez-vous profiter de votre présence actuelle à Genève pour prendre contact avec les autorités organisatrices?
J’ai eu Micheline Calmy-Rey au téléphone dernièrement pour un autre sujet et je n’ai pas eu le temps de voir d’autres responsables. Mais je serai à nouveau présent en Suisse cet été pour diverses manifestations, notamment à Lausanne, où l’Université va m’attribuer le titre de docteur honoris causa. S’il y a un problème, je viendrai sans difficulté pour le régler, mais je suis persuadé que ce ne sera pas le cas.
La Suisse s’est portée candidate à la fin de l’année dernière. Le oui du peuple à l’initiative antiminaret vous a-t-il fait réfléchir à deux fois à cette candidature, puisque plusieurs Etats membres de votre organisation sont musulmans…
Jamais il n’a été question de ne pas venir en Suisse. Personne ne s’est opposé à cette candidature. Personne n’a posé de question à ce sujet.
Vous êtes vous-même musulman. Ce vote vous a-t-il choqué?
Il m’a surpris, c’est vrai. Mais je sais que la liberté de culte est garantie pour tout le monde en Suisse. Les musulmans continuent de se rendre dans les mosquées, et cela continuera d’être le cas. Et, vous savez, je suis un musulman qui pratique dans la discrétion, mais mon épouse est catholique et ma belle-fille juive. Je suis la maison d’Abraham à moi tout seul.
Plus grand que Pascal Couchepin
On a traduit l’«Hymne du Nord» québécois en anglais pour la cérémonie d’ouverture des JO de Vancouver. Cela vous a-t-il heurté?
J’attends le rapport de Pascal Couchepin, le grand témoin de la francophonie, avant de me prononcer. Je ne veux pas juger à l’aune d’impressions mais de faits.
Quelles impressions?
Avant les Jeux olympiques j’étais certain que ces Jeux respecteraient parfaitement les règles du bilinguisme. Mais j’ai ensuite déchanté: je me suis rapidement aperçu que Vancouver est certes au Canada, un pays également francophone, mais surtout sur le territoire de la Colombie-Britannique, où le français ne vient que loin derrière l’anglais et même le chinois. Je me suis dit que ce ne serait pas si facile. Et alors…
Alors, en arrivant à Vancouver, j’ai constaté que les signalisations et la documentation étaient disponibles à la fois en français et en anglais. Je pense toutefois que c’était une erreur de présenter un spectacle d’ouverture presque uniquement en anglais.
Vous êtes donc déçu?
Encore une fois, permettez-moi d’attendre les conclusions de Pascal Couchepin. Et, non, je ne suis pas déçu, d’autant plus que la première médaille de ces Jeux olympiques était suisse. Je peux vous assurer que nous avons fait une belle fête le soir de la victoire de Simon Ammann, avec Pascal Couchepin et votre présidente, Doris Leuthard, qui m’a complètement charmé. Même si elle est Alémanique, elle parle très bien français.
Par pure curiosité: êtes-vous plus grand que le grand témoin de la francophonie?
Incontestablement. Cela se voit à l’oeil nu. Je mesure 1,98 mètre…
lematin.ch/leral.net
Pays (Pays vient du latin pagus qui désignait une subdivision territoriale et tribale d’étendue restreinte (de l’ordre de…) vient du latin pagus qui désignait une subdivision territoriale et tribale d’étendue restreinte.
Le dialogue est une communication entre deux ou plusieurs personnes ou groupes de personnes visant à produire un accord.
(WIKI)
Le Sénégal est par définition un pays de dialogue; c’est ce qu’on nous a toujours appris, bien avant que l’on aille à l’école,
Diouf est le produit de ce pays et cela ne m’étonne guère qu’il ait un sens du sacrifice élevé dédié entièrement au dialogue.