Le journal en ligne ne pourra pas arriver un jour à supprimer le journal papier. Telle est la conviction du journaliste d’investigation, Abdou Latif Coulibaly qui faisait cette déclaration au cours d’une interview accordée au journal ‘’Le Pays au quotidien’’. Il en veut pour preuve que les sites d’information qu’on désigne comme une menace pour la presse écrite, ne sont pas des journaux au sens classique du terme, car se contentant de reprendre ce que les journaux ont déjà publié.
A en croire, Abdou Latif Coulibaly, le journal papier a un bel avenir devant lui. « Ne croyons pas que le journal en ligne puisse un jour arriver à supprimer le journal papier. Quelques lecteurs vont partir, mais la presse écrite va toujours demeurer. Evidemment, la prolifération de ces journaux ne peut pas continuer. Les journaux vont naître, mais ils vont également mourir de leur belle mort pour la plupart d’entre eux. Le patron de l’hebdomadaire « La Gazette » ne manque d’ailleurs pas de préciser que si ces journaux vont mourir, c’est bien parce que certains « naissent à la faveur d’évènements particuliers ou à la faveur du positionnement d’un homme d’affaires, parfois d’une autorité politique. Ils disparaissent alors dès que les moyens ou les intérêts du bailleur déclinent. »
Pour le journaliste d’investigation, il y a plusieurs facteurs qui menacent également la presse écrite. Selon lui, il n’y a pas que la presse en ligne. « Il y a également dans notre pays le fait qu’il n’existe pas de modèle économique précis. ». Latif explique la prolifération de sites d’informations par le fait que c’est le développement technologique qui le permet. Ensuite, « il y a les coûts assez élevés de la presse écrite qui font qu’aujourd’hui, les gens pensent qu’on doit trouver un moyen de développement à travers internet. »
Il pense toutefois que les sites en ligne ne sont pas parfois mieux lotis que la presse écrite. Parlant toujours des sites d’information, il fait remarquer : « Ils ont énormément de difficultés et d’ailleurs, pour la plupart, ce ne sont pas de véritables journaux. Il y en a qui se contentent de reprendre ce que les journaux ont déjà publié. Donc, ce ne sont vraiment pas des journaux en ligne au sens classique du terme. »
Le journaliste d’investigation souligne également que ceux qui achètent les journaux à 100 francs, n’ont pas forcément l’habitude de lire les nouvelles sur internet. Seulement, les propriétaires de journaux, surtout ceux à 100 francs, doivent avoir des raisons de s’inquiéter. A son avis, « ce qui gène les journaux sénégalais, en particulier la presse écrite, c’est moins les journaux en ligne que le fait que les journaux reproduisent eux-mêmes leurs propres informations sur les sites. En d’autres termes, ils font la version électronique de leur version papier. Ce qui fait que les gens n’ont plus besoin d’acheter le papier, mais lisent sur le site. C’est cela qui est la première menace pour la presse écrite. »
Revenant sur la presse en ligne, Latif indique qu’au Sénégal, le taux de pénétration de l’internet est de 10 à 15%. Ce qui, à ses yeux, signifie que « 15% des Sénégalais seulement ont l’habitude d’aller prendre des informations sur internet. » Ce qui n’est pas beaucoup, selon lui, car même, « si on était à 20% de taux de pénétration, ce serait encore très limite. La ville de Dakar détient 90% de ces internautes. »
Abdou Latif Coulibaly ne veut pas seulement de la presse en ligne. Il y a aussi les réseaux sociaux qui sont de véritables pourvoyeurs d’informations. Il donne l’exemple de Twitter. « Si vous le regardez, vous êtes informé, à la minute près, sur tout ce qui se passe dans le monde. Si vous êtes un habitué de ces réseaux, vous n’avez même plus besoin de lire la presse le matin. Il y a plusieurs facteurs qui menacent la presse. Il n’y a pas que les sites d’information », martèle à nouveau le patron de la Gazette.