Le professeur Abdoulaye Bathily a plaidé dimanche à Dakar pour l’autonomie des universités publiques sénégalaises qu’il faut, à son avis, soustraire à la vision à « court terme de la vie politique ».
M. Bathily, enseignant au département d’histoire de l’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar, a dénoncé la « politisation excessive de la gestion des universités » publiques sénégalaises.
Pour mettre fin à cette situation, « il faut stabiliser les universités et en faire des instruments de promotion en dehors du court terme de la vie politique », a suggéré l’historien, qui prend part à la Concertation nationale sur l’avenir de l’enseignement supérieur au Sénégal (CNAES). Cette rencontre de quatre jours se tient à Dakar depuis samedi.
« L’université doit résoudre les problèmes scientifiques et techniques de la société voire de l’humanité. Pour cela, il lui faut de l’autonomie. […] Il faut que l’université fonctionne sans ingérence de l’autorité politique. On ne peut pas lier son fonctionnement aux péripéties politiques », a soutenu Abdoulaye Bathily.
Il adhère ainsi à la suggestion faite par un autre participant, Dr Yankhoba Seydi, enseignant au département d’anglais de l’UCAD. M. Seydi souhaite que les recteurs soient maintenant élus par les étudiants, les enseignants et les personnels administratifs et techniques des universités.
« Parce qu’un recteur est nommé par les autorités politiques, il est moins autonome. Avoir un manager qui n’est pas autonome, qui veut diriger une structure autonome, ça pose problème », a fait valoir Dr Seydi dans un entretien avec l’APS, en marge de la concertation.
L’université « n’a rien à voir avec le programme à court terme articulé autour d’un mandat ou deux [d’un président de la République]. La concertation qui se déroule actuellement va dépasser le programme d’un mandat ou deux » du chef de l’Etat, a affirmé le professeur Bathily.
Selon lui, la première réforme de l’UCAD a eu lieu en 1969, à la demande des étudiants, dont il faisait partie à l’époque. « Nous avions à l’époque dit que le recteur devait être nommé par ses collègues, parce que la réputation d’un recteur est scientifique. Elle n’est pas administrative », a-t-il souligné, estimant que cette réforme continue encore de connaître des « ratés ».
« La première élection d’un recteur a eu lieu en 1969. Souleymane Niang avait été élu. [Le président Léopold Sédar] Senghor a dit : +Non, c’est un rebelle. On ne pourra pas le contrôler. Il n’est pas membre du parti+ », a encore dit Abdoulaye Bathily.
« Il (Senghor) a trouvé un autre recteur. Et jusqu’à présent, c’est cela qui continue. […] On a politisé l’université », a-t-il dénoncé.
Sans autonomie de l’université, « il n’y aura pas de progrès scientifiques. […] L’autonomie est indispensable pour l’université. Maintenant, il faut réfléchir aux mécanismes de cette autonomie et les définir », a-t-il dit devant des universitaires, des chefs d’entreprise, des députés et des représentants d’autres secteurs d’activité.
Un recteur nommé par décret présidentiel « sera toujours aux aguets, pour voir si ce décret est maintenu ou pas », a-t-il ajouté.
ESF/BHC