Député à l’Assemblée nationale, Abdoulaye Dramé a dirigé pendant une décennie le Comité de liaison fédéral de l’Ujtl de Thiès. Il a été le seul député de la commune à ne pas soutenir Idrissa Seck dans sa brouille avec Me Wade. Il revient sur la défaite du Parti démocratique sénégalais (Pds) à Thiès, tacle Serigne Mbacke Ndiaye qu’il accuse de travailler au départ de Me Wade.
Vous êtes pratiquement invisible sur le champ politique. Qu’est-ce qui a motivé votre silence ces derniers mois?
Nous travaillons, comme toujours, à redynamiser la base. Et en responsables disciplinés, nous privilégions la hiérarchie. Chaque leader a une responsabilité que les structures lui confèrent. Si chacun reste à sa place, les moutons seront bien gardés. Le ministre Abdou Fall a été mandaté par le «frère» Secrétaire général pour présider aux destinées du Pds à Thiès. Il était donc le seul à avoir cette prérogative de parler avec les militants. Voilà pourquoi, on ne m’entendait pas parler au nom du parti. Lorsque nous avions des choses à dire, on se retrouvait dans l’intimité de nos chambres pour laver le linge sale. Si chacun se met à parler au nom du parti, cela ouvre la porte à l’anarchie.
Pouvez-vous faire une analyse de la déroute du Pds en 2009 à Thiès?
Le Pds n’était pas organisé. Les tendances politiques crevaient la dynamique unitaire du parti. Chacun travaillait de son côté comme si nous n’avions pas les mêmes ambitions. La confection des listes en 2009 a créé des frustrations. En plus de cela, la direction du parti ne nous a pas assistés. Et les querelles internes n’ont pas facilité une bonne cohésion du groupe. En face de nous, nous avions Idrissa Seck qui avait la mairie qui lui servait à acheter les suffrages des Thiessois. Il leur offrait des terrains. Idrissa leur a aussi fait croire qu’il était à l’origine des chantiers de Thiès. Ces facteurs ont milité en notre défaveur lors des élections.
Vous parlez de manque de cohésion. Pourquoi votre parti est toujours miné par des querelles de leadership ?
Quand Idrissa Seck a été exclu en 2004, le parti n’avait plus de responsables consensuels. Beaucoup de structures ont vu le jour. Il y avait le Conseil consultatif que je dirigeais, Vala (Véritables acteurs de l’alternance) et la section communale du Pds. Le parti a alors commis la bourde de dissoudre toutes les structures à Thiès. C’était alors le sauve-qui-peut, puisque chacun cherchait à exister politiquement. Thiès était devenu un laboratoire politique. Des gens peu recommandables étaient parachutés tous azimuts dans la cité du rail. Des centaines de mouvements de soutien voient le jour. C’est dans ce contexte d’anarchie et d’incertitude que Abdou Fall est arrivé à Thiès. Il est allé voir tout le monde pour redresser le parti. Lors des élections présidentielles de 2007, Idrissa Seck a battu le Pds à plate couture dans la région, dans le département et dans la commune. Il y avait un écart de plus de 50 000 voix entre la coalition de Idrissa Seck et celle du Pds. Notre synergie autour de Abdou Fall nous a permis de réduire l’écart de 25 000 voix, lors des élections de 2009. Idrissa avait gagné, en 2007, le département et la région de Thiès. En 2009, le Pds a gagné ces deux entités. La Coalition Sopi est arrivée en tête dans la région, suivie de la Coalition Bennoo et celle de Idrissa Seck en troisième position. C’est dire que nous étions dans la bonne voie de reconquérir la commune de Thiès.
Le président de la République vient de recevoir des responsables du département de Thiès. Pouvez-vous revenir sur la rencontre ?
Le Président Wade a reçu les responsables du Pds. C’est seulement lorsque nous sommes arrivés au Palais que nous avons compris que c’est Serigne Mbacké Ndiaye qui a négocié cette audience. C’est un piège que le porte-parole du Président nous avait tendu pour la liquidation politique de tous les responsables de la commune de Thiès. Quand il a pris la parole, il a fait comprendre au Président Wade que les Thiessois avaient sollicité cette audience. Ce qui était totalement faux. Il a donné ensuite la parole aux hôtes du Président. Pour la commune d’arrondissement de Thiès-Est, la parole a été donnée à Ahmet Mbaye, un responsable jeune qui vient fraîchement de démissionner de Rewmi de Idrissa Seck. Il aurait pu me choisir ou, au moins, un responsable libéral authentique. Il en a fait de même pour les communes d’arrondissement de Thiès-Ouest et de Thiès-Nord. Serigne Mbacké a présenté ses transhumants comme étant les responsables des structures du Pds. Puisque nous ne nous laissons pas faire, j’ai alors demandé à prendre la parole. J’ai dit au Président Wade que Serigne Mbacké Ndiaye travaille à lui faire perdre les élections. Il pose des actes allant dans le sens de déstabiliser le parti. Lorsque nous travaillons à massifier le Pds, Serigne Mbacké Ndiaye s’activait au sein du mouvement Idewa (Initiative pour le départ de Abdoulaye Wade). Alors Abdoulaye Wade a demandé à Serigne Mbacké Ndiaye de se mettre au carreau. Ainsi, Alioune Diop a été désigné pour être la courroie de transmission entre le Président Wade et les Thiessois jusqu’à ce qu’il trouve une solution pour Thiès. Le Président Wade nous a révélé que Abdou Fall lui aurait fait part de son intention de militer à Dakar. Quand nous avons rencontré Abdou Fall à Thiès, il nous a dit qu’il ne voudrait pas engager un bras de fer avec le Président Wade. Par contre, il n’a jamais dit de tels propos au Président. Abdou Fall nous a clairement dit qu’il continuait à militer à Thiès. Cependant, il va prendre du recul pour mieux apprécier la situation, puisqu’il ne compte pas militer à Dakar. Les responsables de Thiès demeurent solidaires à Abdou Fall. A six mois des élections, le parti devrait penser à renforcer les responsables plutôt que de chercher à installer le chaos à Thiès. La direction du parti ne cherche pas à gagner Thiès ; c’est le cadet de ses soucis. Aujourd’hui, des lobbies s’activent à contrôler le parti et l’Etat en préparant l’après-Wade en 2012. Des groupes organisés autour du Président Wade travaillent à ce projet nuit et jour. Ces gens n’ont jamais milité au Pds. Ils sont arrivés en faveur de l’Alternance. Serigne Mbacké Ndiaye travaille pour l’un de ces lobbies.
Et pourtant Serigne Mbacké Ndiaye a milité au Pds bien avant l’Alternance ?
C’est vrai. Le Président Wade nous avait dit du temps de l’opposition qu’un militant pressé, qui avait peur ou qui était indigne n’attendrait jamais sa prise du pouvoir. Serigne Mbacké Ndiaye avait alors regagné le Parti socialiste. C’est quelqu’un qui est pressé, frileux et indigne, si l’on se réfère aux enseignements du Secrétaire général national. Il est entré dans toutes sortes de combines au Parti socialiste avant d’aller militer à l’Afp. Il est allé ensuite au Parti de la réforme de
une banque. C’est plus tard que le Président l’a nommé ministre d’Etat. Lorsqu’il était porte-parole de l’Idewa, il passait son temps à insulter Me Wade. Me Wade a la faiblesse de mettre à ses côtés les gens qui l’attaquent. N’avait-il (Serigne Mbacké) pas dit que si le Pds perd les élections, nous irons tous en prison. En termes clairs, il a voulu montrer à l’opinion publique et internationale que le Président Wade et ses hommes sont des voleurs. Dans un passé récent, il a essayé de justifier maladroitement un terrain que le Président aurait acheté à 1 milliard de franc Cfa avec les fonds spéciaux. Du coup, il avait mis le Président en mal avec les Sénégalais. A l’Assemblée, au Sénat et ailleurs, Serigne Mbacké Ndiaye est vomi par les élus du peuple. Son image ne passe pas.
Néanmoins, le Président continue à lui manifester toute sa confiance…
Loin s’en faut ! Le Président voulait le limoger. Serigne Mbacké Ndiaye a alors manœuvré pour échapper à son couperet en disant que sa maison a été attaquée lors des émeutes de l’électricité. Il ne dit pas la vérité, car il connaît les gens qui ont saccagé son domicile. Beaucoup de responsables ont commandité les saccages de leur domicile pour berner Me Wade. Serigne Mbacké Ndiaye passe son temps à tromper Me Wade. C’est aussi un arnaqueur. Il convoie des gens qu’il amène voir le Président. Quand Me Wade débloque 10 millions pour le transport, il met les 5 millions dans sa poche. C’est une mafia organisée autour du Président Wade. Ces lobbies ont réussi à isoler Abdou Fall. Pour un ministre d’Etat et Directeur de cabinet politique du Président, Abdou Fall a ses quartiers à l’immeuble Fayçal. Il n’assiste jamais aux audiences du président de la République. C’est en 1998 qu’il a fusionné son parti avec le Pds. Il a été le premier à croire en Wade. Aujourd’hui, les faucons du Palais ont réussi à écarter Abdou Fall, Moustapha Sourang et Mouhamed Lamine Massaly. Ils ne peuvent rien contre moi, car j’ai un mandat électif.
Comment compter vous venir à bout de Idrissa Seck en 2012 ?
Idrissa Seck a été élu par les Thiessois, mais la cité ne l’intéresse pas. Il ne s’occupe pas de l’institution municipale qui demande une gestion de proximité. Il est obnubilé par son ambition présidentielle. Nous allons travailler à renverser la tendance. Il appartient au Pds d’honorer ses anciens militants. Certains, comme Cheikh Wade, ont fait la prison, d’autres comme Mor Fall sont morts. Des femmes ont été répudiées par leur mari. Le Président Wade doit penser à honorer les militants d’hier. Malheureusement au Pds, chaque responsable authentique cherche à déstabiliser l’autre. Le Libéral préfère travailler avec le dernier venu. Ainsi, le Comité directeur du Pds est composé en majorité de transhumants socialistes ; il en est de même pour le gouvernement. Les Libéraux authentiques sont minoritaires partout. Si le Pds avait outillé ses responsables, ils feraient plus que les transhumants socialistes. Les Libéraux doivent se battre contre cette injustice. Nous sommes pour la massification, mais aussi pour la promotion des Libéraux de la première heure. Lorsque vous rencontrez les anciens qui ont porté le Président Wade au pouvoir, vous avez envie de leur donner de l’aumône. Le parti n’a rien fait pour eux.
lequotidien.sn