ACTES DE VANDALISME A THIES Les 48 Thiantacounes nient en bloc, le Procureur requiert un an ferme

Les 48 Thiantacounes arrêtés lors des manifestations du mardi 24 et du jeudi 26 avril à Thiès suite à l’arrestation de Cheikh Béthio Thioune, dans l’affaire du double meurtre de Médinatoul Salam, sont passés devant le juge du tribunal des flagrants délits de Thiès, ce mercredi 2 mai. Accusés de destruction de biens publics appartenant à l’Etat, violences et voies de fait sur des agents de la police, actions diverses et attroupement non autorisé, ils seront fixés sur leur sort le vendredi 4 mai 2012.
Quarante-huit (48) Thiantacounes. Trois groupes. Le premier de 21 prévenus passe en premier, suivi d’un autre groupe de 13 personnes et enfin un troisième groupe de 14 Thiantacounes. Ils sont poursuivis pour les chefs d’inculpations de destructions de biens publics appartenant à l’Etat, violences et voies de fait sur des forces de l’ordre et d’attroupement non autorisé.
Lors de l’interrogatoire d’audience, ils ont tous nié leur participation aux actes de vandalisme que des Thiantacounes ont perpétré à Thiès pour apporter leur soutien à leur guide spirituel Cheikh Béthio Thioune, dans les liens de la prévention depuis une semaine.
Abdou Samack Diakhaté a été le premier à passer devant la barre. «Je suis venu à Thiès pour apporter mon soutien à Cheikh Béthio Thioune, mon marabout. J’ai été appelé par un condisciple qui m’a dit d’écouter la radio. Je me suis exécuté et j’ai entendu la mauvaise nouvelle de l’arrestation du Cheikh. Je me suis rendu à Thiès dans la nuit du lundi. Cette même nuit, Serigne Saliou Thioune nous a dit que le Cheikh demandait que tous les talibés retournent chez eux. Je suis retourné chez moi. Le mardi, je suis revenu et j’ai vu les policiers poursuivre les Thiantacounes. Quand je suis descendu du taxi, les policiers m’ont embarqué», dit-il. A la question du Procureur de savoir pourquoi il est revenu à Thiès, Abdou Samack a répondu qu’il ne pouvait pas rester 2 minutes sans avoir des informations sur son Cheikh, sa «raison d’être».
Son condisciple Moussa Sow a déclaré être aussi venu pour les mêmes intentions que ses amis, c’est-à-dire «prier et psalmodier des «khassaïdes» pour que le Cheikh recouvre la liberté».

Dénégations tous azimuts
Et Cheikh Ahmadou Bamba Diagne de renchérir : «Je suis partout Cheikh Béthio. Quand il est à Dakar, j’y vais. Quand il est à Mbour, j’y vais aussi. Puisqu’il a été retenu à Thiès, j’y suis venu. Je n’ai jamais brûlé de pneus. C’est en allant à la police que j’ai vu des pneus calcinés sur la route.» Mamadou Lô Junior prendra son courage à deux mains pour dire qu’il s’est lui-même livré à la police. «Je suis arrivé vers 10H à Thiès. J’ai rencontré des Thiantacounes qui m’ont dit que la police arrêtait nos camarades. J’ai demandé où se trouvait leur véhicule. Je suis allé me constituer prisonnier pour manifester mon soutien à mon guide», a-t-il souligné. L’étudiant Mamadou Moustapha Khouma a dormi à la belle étoile avec ses camarades. Au petit matin, il s’est mis à psalmodier les «khassaïdes» avec ses amis, non loin du lieu de détention du Cheikh. «Quand psalmodie les «khassaïdes», je suis dans d’autres dimensions de telle sorte que je ne m’occupe pas de ce qui se passe autour de moi», dit-il. Quand les policiers l’embarquent, c’est avec un autre Thiantacoune, Abdou Diop, élève au lycée Ahmadou Ndack Seck. «Je partais voir un ami au lycée Malick Sy. Quand les policiers ont commencé à lancer des grenades lacrymogènes, j’ai fui vers la gare routière où j’ai été pris par les Forces de l’ordre», explique l’élève. Quant à Pape Faye, il déclare n’avoir rien à voir avec les manifestations. Marchand ambulant, il se rendait à Diamniadio pour recouvrer ses dettes, dit-il. «Je ne suis même pas Thiantacounes. Les policiers m’ont attrapé et m’ont contraint de monter à bord de leur véhicule», dira-t-il. Babacar Fall, travaillant à Saint-Louis, était venu à Médinatoul pour voir son épouse en état de grossesse. «Quand j’ai quitté Médinatoul, je suis passé ici à Thiès pour voir mes amis qui étaient venus apporter leur soutien au Cheikh. Je voulais leur dire de prendre soin de mon épouse qui est au terme de sa grossesse. C’est ainsi que les policiers m’ont embarqué parce que je portais une effigie du Cheikh.»
Dans les mêmes conditions, seront arrêtés Ousmane Diop, Ousmane Guèye, Meissa Diop, Saliou Diouf Sow, Youssou Manga, Cheikh Ndiaye, Mouhamed Baro Cissé. Aly Abdoul Dia, venu de Mbour, a martelé qu’il avait la ferme conviction que Cheikh Béthio Thioune sentirait sa présence dès qu’il foulerait le sol de Thiès. Il est ainsi venu apporter son soutien à son marabout et n’a jamais pensé détruire des édifices, étant entendu que Cheikh Béthio est contre tout acte de violence. Saliou Sarr, élève en classe de Terminale au lycée Valdiodio Ndiaye, a déclaré qu’il ne pouvait plus suivre ses professeurs en classe. C’est ainsi qu’il a décidé de rallier Thiès pour soutenir son marabout. Samba Gadiaga a fait acte d’allégeance au Cheikh depuis plus de 22 ans. Venu à Thiès pour récupérer une somme d’argent promis par un tiers, il a été pris par la police à l’entrée de la gare routière. «Je n’étais pas venu pour manifester. Mon épouse est malade et internée à l’hôpital Fann. Elle doit subir une opération évaluée à 700 000 FCfa. Un bienfaiteur habitant Thiès m’a promis 50 000 FCfa que je suis venu chercher. C’est ainsi que j’ai été arrêté. Je suis né en 1970 et je crois que ce n’est pas à cet âge que je vais me mettre à lancer des pierres à des policiers. Je suis assez responsable. Dans toutes les manifestations de Cheikh Béthio, je tiens le micro central. C’est à cause de l’effigie du Cheikh que j’ai été arrêtée.»

Un an requis par le Procureur
Dans son réquisitoire, le ministère public a demandé la condamnation à 1 an d’emprisonnement ferme des 48 Thiantacounes puisqu’ils ont délibérément marché, malgré l’interdiction des forces de l’ordre, sur la voie publique et se sont attaqués aux forces de l’ordre. «Les Thiantacounes voulaient faire la pression sur les autorités pour que Cheikh Béthio Thioune soit libéré, dira le représentant du ministère public. Ainsi, il a demandé la relaxe sur le chef d’inculpation de destruction de bien publics.
Un réquisitoire jugé sévère par les avocats de la défense qui ont rejeté en bloc les accusations du parquet, étant entendu que leurs clients ont été arrêtés à des endroits éloignés des lieux des opérations. Selon Me Ousmane Dieng, l’accusation veut seulement casser du Thiantacoune puisque le dossier est vide. Le parquet accuse les prévenus de violences et de voies de fait alors qu’il n’a pas été versé dans les dossiers des certificats médicaux qui prouvent que des Forces de l’ordre ont été blessés. Aussi a-t-il demandé la relaxe des prévenus qui ont été arrêtés arbitrairement.
Me Abdou Dialy Kane, lui aussi, trouve le réquisitoire trop excessif, puisque le Procureur n’a aucun élément de preuves pour incriminer ses clients. Me Adama Fall, quant à lui, parlera du «procès des porteurs d’effigie». Pour le chef d’inculpation d’attroupement non autorisé, Me Ibrahima Mbengue convoque les articles 92 et 93 du Code pénal et soutient que les Thiantacounes sont spontanément venus d’horizons divers pour manifester leur soutien à Cheikh Béthio. Ils ont lu des «khassaïdes». Les choses ont dégénéré parce que les pouvoirs publics ont eu peur du nombre impressionnant de disciples du Cheikh, dira Me Abdou Dialy Kane. L’Administration a paniqué et a pensé que les Thiantacounes allaient mener une mission commando pour libérer Cheikh Béthio. «C’est un procès d’intention. On veut diaboliser les Thiatacounes. Cheikh Béthio a mis sur le droit chemin ces gens qui étaient sur une mauvaise voie», dit-il. Leurs plaidoiries ont-ils portés ? Réponse le vendredi 4 mai prochain, date du délibéré.

Daouda MINE
Source L’Observateur