Le Sénégal, version « off the record »
En diplomatie, certaines vérités sont bonnes à dire, à la condition que chacun ignore qui les a révélées. Il suffit de glisser le message idoine à l’oreille de journalistes afin qu’ils le rendent public. André Parant, le « M. Afrique » de Nicolas Sarkozy, n’ignore rien de cette pratique du « off the record », qui permet d’éviter la langue de bois tout en épargnant la susceptibilité de pays amis. Pas moins que les journalistes de l’Association de la presse diplomatique qui, le 15 avril à Paris, l’avaient invité à un déjeuner « off ».
Se pensant protégé par cette règle dont les journalistes font aussi leur miel, le conseiller de l’Elysée a, en réponse à une question, exprimé l’inquiétude de la France à propos de la situation du Sénégal. Dans ce pays considéré comme un exemple démocratique, le président Abdoulaye Wade, 83 ans, prétend briguer un nouveau mandat de sept ans et rêve d’installer à sa place son fils Karim, un homme d’affaires impopulaire. « Il paraît évident que le président Wade ne pourra pas se représenter : il a 84 ans, voire 85 ou 86″, a lâché M. Parant, discernant, sous la candidature proclamée du père, » un projet de succession monarchique non avoué ». Or, pour le diplomate, Karim Wade a » une mauvaise image auprès de l’opinion » dans un pays où « il y a une vie démocratique ». Dans un « contexte social extrêmement difficile, a-t-il ajouté, il y a un risque d’explosion sociale, et donc politique, extrêmement élevé ».
Ces vérités d’évidence, non bonnes à dire publiquement par un diplomate, représentant qui plus est l’ancienne puissance colonisatrice, un journaliste du Républicain lorrain, qui assistait au déjeuner, s’est cru autorisé à les publier trois jours plus tard en en citant l’auteur. Provoquant l’embarras à l’Elysée, un démenti formel de l’ambassade de France à Dakar, un courroux forcé des autorités sénégalaises, et une traînée de poudre sur l’Internet africain. La presse sénégalaise, souvent inventive, a même prêté à André Parant des formules peu amènes visant d’autres chefs d’Etat africains, si abracadabrantes qu’elles ne peuvent pas avoir été prononcées.
Parfaitement informés des arcanes de la présidence française, les commentateurs sénégalais ont remarqué que, tandis que la cellule diplomatique de l’Elysée représentée par M. Parant constatait, « off the record », les risques d’une succession monarchique au Sénégal, Claude Guéant, le secrétaire général de la présidence française, faisait de Karim Wade un de ses interlocuteurs privilégiés.
Le 6 avril en effet, le plus proche collaborateur de Nicolas Sarkozy avait reçu, comme il l’avait déjà fait à plusieurs reprises, le fils du président sénégalais venu pour apaiser les tensions nées des déclarations de son père présentant la suppression de la base militaire française de Dakar comme une victoire sur la France. » Paris a plusieurs doctrines et plusieurs pratiques », constate un éditorialiste. Un Sénégal en « on » et un autre en « off », autrement dit, deux fers au feu.
lemonde.fr
Philippe Bernard
Abba Abacha, le fils de l’ancien président nigérian Sani Abacha, doit comparaître lundi devant la Justice suisse, pour sa participation présumée au pillage des ressources de son pays lorsque son père était au pouvoir, ont rapporté les médias helvétiques du week-end.
Abacha fils, 41 ans, avait été déclaré coupable de participation à une organisation criminelle. Les juges genevois l’avaient condamné à une peine de prison avec sursis et avaient ordonné la confiscation d’environ 350 millions d’euros (175 milliards de francs Cfa). Cette somme avait été saisie grâce à l’entraide pénale internationale au Luxembourg et aux Bahamas.
Selon le système judiciaire suisse, l’appel à cette condamnation porte l’affaire devant le Tribunal de police genevois. « C’est la toute première fois que cette monumentale affaire de détournements de fonds donne lieu à un procès », assure le journal helvétique précisant que la défense plaidait l’acquittement.
Le Nigeria avait adressé en 1999 aux autorités judiciaires suisses, une commission rogatoire internationale visant à récupérer 2,2 milliards de dollars, soit plus de 1000 milliards de francs Cfa que Sani Abacha, décédé en juin 1998, est accusé d’avoir détourné alors qu’il était au pouvoir entre novembre 1993 et juin 1998.
En Suisse, quelque 700 milliards de dollars ont été bloqués depuis 1999 avant d’être restitués par tranches au Nigeria, selon un accord conclu entre les deux pays.