Jean-Félix Paganon ne voit pas le rôle joué par la France dans la condamnation de Hissein Habré. L’ambassadeur de la France au Sénégal blanchit son pays dans l’externalisation du réseau de la Sonatel et rejette toute tutelle néo-colonialiste sur l’économie sénégalaise.
La grande plaidoirie de son excellence. Recevant, hier, les journalistes dans le salon de sa tranquille résidence, jouxtant l’ancien Palais de justice de Dakar, Jean-Félix Paganon a été vite rattrapé par l’actualité. L’ambassadeur de la France, qui faisait ses adieux au Sénégal, à travers une conférence de presse, est amené à donner son avis sur la condamnation de Hissein Habré qui scandait lundi après sa condamnation à perpétuité : «À bas la Françafrique. Vive l’Afrique indépendantiste et libre!». Lâchant un sourire gêné, le diplomate français rejette toute influence de la France sur le déroulement du procès de l’ex-Président tchadien. «Je ne vois pas ce qu’il y a à voir avec la Françafrique», rectifie Jean-Félix Paganon. D’après lui, le procès de Hissein Habré est «l’illustration de la réappropriation par les Africains de la justice pénale internationale». M. Paganon qualifie la déclaration de Habré d’«ironique» et estime que la sentence des Chambres africaines extraordinaires démontre la «capacité des Africains de mettre en place un système de juridiction internationale».
Bien engoncé dans son fauteuil, vêtu d’un costume bleu sombre et d’une chemise assortie, Jean-Félix Paganon croyait avoir évacué la question polémique. Un journaliste introduit l’externalisation de la Sonatel qui concentre le courroux du personnel de cette entreprise depuis quelques mois. Un dossier où certains accusent le pays de Marianne, à travers France Télécoms d‘être un partenaire «néocolonialiste». «Vous savez, la tendance lourde de la part de tous les opérateurs téléphoniques est d’externaliser la maintenance de leurs réseaux. Quand on se tourne vers un fabricant de matériaux téléphoniques, il est assez logique de lui demander la maintenance de ce matériel. Les opérateurs deviennent essentiellement des producteurs de contenus, c’est-à-dire la multiplication des possibilités offertes par les téléphones portables ou les tablettes en termes de musique, de films ou de communication entre les gens. Ce qui se fait dans le monde peut se faire au Sénégal. Je ne connais pas les intentions de la Sonatel mais cela n’a rien à voir avec le néo-colonialisme», clarifie-t-il. Néanmoins, il rassure : «Je suis convaincu que si Orange devait se diriger dans cette direction ici au Sénégal, toutes les garanties seraient apportées au personnel pour que les conditions de ce transfert se ne fassent pas au détriment des travailleurs.»
Après avoir rappelé que la Sonatel est une entreprise sénégalaise dont 99,9% du personnel sont des Sénégalais, Jean-Félix Paganon hausse le ton envers les détracteurs de la France : «Il faut arrêter de transformer la question de la Sonatel dans une espèce de domination de la France sur l’économie sénégalaise. La Sonatel est un fleuron de l’économie sénégalaise. Cela n’a rien à voir avec un projet néo-colonialiste français». En même temps, il s’insurge contre ceux qui estiment que la société Total a la mainmise sur le marché sénégalais en termes de distribution de carburant au Sénégal. «Total est très loin de dominer le marché», conclut-il.