La saga de Karim Wade peut se résumer à celle d’un enfant, la sucette à la bouche, qui voulait grandir bien trop vite, sous l’aile protectrice d’un père, disons même grand-père et qui pensait que tout lui était permis : monter une compagnie aérienne, cumuler des ministères, construire des échangeurs, louer des bateaux, nouer et briser des carrières, jouir, parler du regard, toiser, menacer.
N’avait promis de « casser » Jacqueline Fatima Bocoum ? N’avait-il pas joué un rôle actif dans l’exil de Souleymane Jules Diop ? Ce sacré Jules qui passa 8 ans au Canada, lequel, courageux comme un lion, les a bravés lui et son pater, malgré les procès et coups de poings de bodyguards ! Les images avaient le tour du monde par sites internet interposés.
N’avait-il pas envoyé les employés de Jean Lefebvre dans l’errance, mis un chômage une partie des employés d’Air Sénégal International, avant de mettre sur pied Senegal Airlines, cette compagnie dont on se demande pourquoi elle fonctionne encore. Ah cette horrible bâche érigée en l’honneur du boss de l’Agence nationale de la Conférence islamique (Anoci) de l’époque, en face de sa maison actuelle, Rebeuss et qui empêchait de voir la mer !
Il parlait avec le nez, c’est vrai, aimait à s’amuser avec son portable pendant les réunions qu’il convoquait, voyageait en jet privé à travers le monde, fréquentait les princes et émirs, regardait de haut les Sénégalais, traînait avec des gardes du corps. Sans oublier l’incontournable cour de larbins, de laudateurs et d’entremetteurs.
Sacré Karim Wade ! Il avait finalement cru qu’il pouvait, comme ce père galérien devant l’éternel, sénégalais bon teint, « vrai sénégalais », qui avait reçu pas mal de coups dans sa vie d’opposant, se hisser au sommet, sans efforts. C’est vrai que l’onction du père ne lui a pas beaucoup rendu service ; lui qui lui a fait miroiter qu’il était le crack d’entre les cracks, façon Golden Boy, celui qui avait abandonné un salaire de Londres – en tout cas selon son père – pour poser son baluchon à Dakar. L’exil en valait bien la chandelle, puisqu’il s’exercera à un métier qui nourrit bien son homme, expert en montages de tous genres. Qu’on ne nous dise surtout pas qu’il est le pauvre, le pauvre.
Mais malheureusement pour le garçon, il n’a pas hérité de ce don de tribun du père, manipulateur devant devant l’éternel, puisqu’il peine à s’exprimer, même en français fluide, malgré le grand renfort de média training. On se rappelle de cette laborieuse interview d’Oumar Gning et Oumar Seck sur la Rts, alors qu’il était ministre de l’energie.
Karim Wade pensait qu’il pouvait donc gravir les marches du palais à coups de boubous traditionnels, bonnets mourides, sans parler un piètre mot wolof, de pulaar, de sérère et autres langues locales. L’ivresse du pouvoir est à ce point qu’elle empêche de voir que la vie, la vraie qui est au fond une route longue comme un fleuve, mais parsemée d’embûches.
Dommage, il n’en comprit le sens que depuis qu’un certain Macky Sall s’est emparé du pouvoir grâce à l’aide du peuple qui s’est toujours demandé la raison qu’il aurait d’aimer Karim Wade qui ne le lui a point rendu, lorsqu’il l’a fallu. Et psittt, le ballon qui planait dans les airs, échoua comme par enchantement à Colobane où Karim atterrit un certain 15 mars dans une chambre de sureté. La baudruche s’est dégonflée. Mince !
Triste histoire ! Le genre de drame dont les médias aiment se délecter. Que les Sénégalais lecteurs de journaux, mangeurs de télés et buveurs de paroles, aiment bien à savourer. Les journaux qui rivalisent de titres pour rattraper les contenus vides d’habitude, ont de la matière. Et chacun y va de sa petite histoire, de ses petites indiscrétions, de ses sources inexistantes pour vendre. Le moment est faste. On profite de la frénésie médiatique avant qu’elle ne s’estompe.
Mais, il y a les journaux les plus crédibles, ceux-là qui gardent toujours la mainmise sur l’information, la bonne, le petit truc qui fait la différence, puisque le réflexe du lecteur, est d’aller d’abord les scruter, avant les petits poucets.
Côté radio, Alassane Samba Diop de la Rfm se délecte, lui, le « roi du direct » qui savoure ces instants où il sait que les Sénégalais ont tous, les oreilles collées aux postes radio, dans les foyers comme dans les bureaux et ateliers. Cette actualité là intéresse. Alassane use de mises au point, brave ces sauvageons qui veulent faire la peau à son reporter. Sacré Alou !
Sur les chaînes de télé aussi, c’est le regard hagard qu’on suit dans les salons, la descente aux enfers de Karim Wade ; même les télénovelas sont relégués au second plan. Et l’on revoit certains visages familiers qui avaient disparu du paysage : Mohamed Lamine Massaly qui se débat et qui entre dans une colère noire, osant même lancer des propos peu amènes au président de la République ; Farba Senghor devenu un agneau depuis, et tous ces sauvageons qui promettent de mettre le pays à feu et à sang. Les gendarmes veillent.
On en arrive même à éprouver de la pitié pour Karim Wade (les Sénégalais sont comme cela, ce sont de grands sentimentaux) qui, le regard impassible, la main mollement tendue comme pour répondre à ses soutiens, le jour où les gendarmes sont allés le cueillir au Point E. Il sait que son sort est scellé. Il a visiblement fondu, le pauvre. Le stress sans doute.
Et même si les réactions d’indignation des libéraux et des avocats bien dans leur rôle sont notées, dénonçant l’arbitraire, le procureur spécial a dit le dernier mot dans cette l’histoire et c’est sa loi qui, semble t-il, va prendre le dessus devant tous ces agités qui savent que de toute façon, ils ont beau hurler, les carottes sont cuites.
Dans ce dossier, on aura tout vu. La manipulation s’est à ce point mêlée à la désinformation qu’on ne savait plus finalement qui croire. Mais au finish, c’est le procureur spécial qui gagne la première paire de manche puisqu’il déjouera l’ultime carte en main des avocats de Wade fils qui ont produit 3000 pages de réponse, du moins selon lui (les avocats disent le contraire) ! Voulaient-ils donner du grain à moudre aux magistrats et gagner du temps, si l’on croit le proc spécial ? Antoine Diome, son substitut bottera en touche : « Lorsque nous avons lu les 42 pages, et les annexes... » question de dire que la base n’a pas permis de nous convaincre, donc pour le reste…
Quoi qu’il en soit, Karim Wade est à Rebeuss, non loin du tunnel de Soumbédioune qui craquèle au fil du temps. Il aura le temps de ressasser tout le film de sa vie dorée passée et de ses frasques. Mais le plus grand bénéfice qu’il pourra tirer de son incarcération, sera celui de prendre le temps d’apprendre le Wolof, le pulaar, le Diola et autres, dans un endroit où il sera sans doute l’attraction, puisque tout le monde ser curieux. Il aura aussi le temps de se frotter à quelques sénégalais, de comprendre la sociologie de ce pays entre quatre murs. Rebeuss, un Sénégal en miniature. Entre temps, la commission d’instruction aura peut-être de finir d’éplucher les dossiers et se faire une idée plus précise. Le sort en est bien jeté (Alea jacta est)
senegal mon beau pays des bizzareries des gens volent notre argent l argent du contribuable et il y a des malhonnetes qui les defendent ou sommes nous?