Les uns plantent. Les autres élaguent ou abattent. C’est à croire qu’à Dakar, tous les prétextes sont bons pour couper les arbres qui bordent depuis des décennies certaines grandes voies de la vieille ville. Progressivement, le Cap vert laisse place à un grand ensemble sableux et ocre avec comme seule poche de fraîcheur, l’océan.
Une grande pagaille verte. Ainsi, on pourrait qualifier les différentes opérations entreprises, il y a quelques semaines, par la commune au début, et encore l’Etat, pour aménager ses soi-disant projets d’agrandissements des voies dans la ville. Sur la route des Almadies en allant vers l’aéroport, sur l’avenue Cheikh Anta Diop, en sortant de l’Université, tout ce qui est vert sur la route ou à côté dérange et devrait être abattu. Progressivement, depuis quelques mois, au niveau de la grande Niaye de Dakar, les cocotiers, palmiers à huile, baobabs nains et géants ont été rasés de la carte au profit de la future autoroute à péage qui devrait aller de Dakar à Diamniadio.
Tout sacrifier pour une autoroute à péage. L’Etat sénégalais et ses autorités l’ont fait. A tous les coûts. Et tous les coups ont été permis. Pourvu que cette première ouest-africaine (qui n’est pas une d’ailleurs) voit le jour au Sénégal. La conséquence est grave. Dakar se vide de ses arbres reliques (cailcédrats, baobab, palmiers, autre cassia et fromagers) encore debout dans un écosystème qui a su à un certain moment, les protéger. Mais, face à l’engouement des autorités pour les infrastructures de mobilité urbaine et les besoins de « moderniser » quelques poches de la ville, tout y passe. Les arbres comme les vieux monuments (souvenez-vous du rasage du stade Assane Diouf dont le seul tort a été d’être situé en face de l’Océan Atlantique à l’entrée du Plateau), rien n’a été laissé debout quand il n’entrait pas dans les plans des nouveaux maîtres de la cité.
Le maire n’a pas de voix dessus. Les populations non plus qui se sont soulevées dans le quartier de Rebeuss, pour dénoncer un simple mépris des autorités publiques, dans un quartier qui étouffe et dont le seul poumon encore en vie était ce stade mythique. Un édifice qui a été pendant longtemps le terrain d’entraînement de l’Us Gorée et qui a beaucoup souffert de l’abandon par les autorités de la ville et de l’Etat. Doté d’une belle pelouse renouvelée au moment de l’organisation par le Sénégal de la Coupe d’Afrique des Nations « Sénégal 92 », Assane Diouf a été laissé à lui-même.
Aujourd’hui, des tours devraient sortir de terre pour permettre à certains barons d’en user au détriment du grand nombre qui voulait ce stade. L’univers des arbres de la ville est aussi en souffrance. D’ailleurs lui, plus que les autres, parce que personne ou peu de gens s’en préoccupent. Dakar a perdu en moins de dix ans, une grande partie de sa végétation. Et l’on se demande d’ailleurs quelle sera la prochaine étape de ce bradage vert qui risque de ne pas épargner les forêts classées restantes à Mbao, le parc de Cambéréne, les îles Madeleines etc.
Le pire est cependant dans la corniche, tout près de la mer. Cette zone du littoral qui constituait un trait d’union entre le domaine public maritime et le continent a beaucoup souffert de l’affectation des terres à des promoteurs immobiliers pour le souci de l’argent. Des hôtels, des piscines, des immeubles de location sortent progressivement de terre depuis la baie de Soumbedioune, du côté du Terrou bi, jusqu’aux environs de l’aéroport. L’aéroport, le grand gâchis. Certains n’hésitent pas à parler aujourd’hui de sabotage. Et d’autres n’en pensent pas moins que tout le faux débat sur un retrait ou non, de l’Aecna* et d’une reprise en main par le Sénégal de ses aéroports, n’a été organisé pour trouver un prétexte de prendre quelques réserves foncières à cet espace.
Un bradage des terres, pour justifier également un moment la fiabilité du projet d’aéroport de Diass qui a fait disparaître tout le petit écosystème qui se trouvait à l’intérieur. En pleine zone d’emprise, tout près de la piste d’atterrissage et de décollage, il ne reste plus rien que de la pierre ; des parcelles aménagées et de nouvelles cités sorties de terre, pour le seul plaisir des maîtres du moment. Qui d’ailleurs, en dehors des amis ou alliés du président Wade, pourrait se tailler de tels pouvoirs et des parcelles de terre sur le site ?
Un tour à Copenhague pour rien
L’on se soucie de l’avenir de la planète, mais pour celui plus proche de son pays, ça peut attendre. A Dakar, dans une ville où l’on devrait se méfier de la poussée de la mer en direction du continent, il semble que la forte délégation sénégalaise conduite par le Président Wade soit revenue avec une autre vision du climat. De l’environnement surtout. Le ministre chargé de l’environnement et de la protection de la nature n’a pas le temps des grands dossiers du moment. Il ne les aime plus d’ailleurs. Tous sont dans le discours commode qui plaît au roi du moment. On est d’accord sur tout même quand on n’a pas été invité à réfléchir ensemble.
Le Sénégal est allé à Copenhague avec l’une des délégations les plus impressionnantes présentes à un sommet sur le climat. On n’avait pas vu cela depuis le sommet sur la terre qui s’est tenu en juin 1992 avec la conférence sur la terre de Rio. De plus en plus, comme si on avait la caution de toutes les associations et organisations s’occupant de la défense de l’environnement, rien ne fait plus peur. A Dakar, les autorités, sous le regard complice également de la Direction des parcs nationaux, ont définitivement opté pour un abattage et un élagage incontrôlé des quelques arbres encore debout dans la ville. On avait déjà commencé il y a quatre ans, par la coupe de tous les arbres bordant les allées Cheikh Sidaty Aïdara du côté de Baobab et Karack.
Cailcédrats, neems, les derniers baobabs de la ville, soump, cassia sont partis sous la hache de gens dont le souci n’est pas de sauvegarder le rideau vert de Dakar, mais de se faire de l’argent après avoir fait le sale boulot. L’autre prétexte dont se sont servis les différents gouvernements, la ville de Dakar et les communes d’arrondissement depuis 1996, est le projet d’amélioration de la mobilité urbaine. On y a tout mis. Et quand, à côté de l’aménagement des abribus, elle n’aura permis que de raser des pans entiers de surfaces boisées, dans la ville, ce fut, on peut le dire, un très mauvais prétexte.
Et cela ne s’arrête pas. Toute la pagaille verte entretenue maintenant par le président Wade et le ministre des infrastructures… résulte de cela. Et rien ne peut les arrêter ; pas les conseillers qui semblent plus se soucier de carrière et qui n’ont que faire de la survie de pauvres arbres qui appartiennent à la collectivité. Ils sont aux ordres. Déjà que Dakar étouffe sous la chaleur, la pollution, il semble que la ville n’est pas à l’abri d’une grosse équation climatique à résoudre très rapidement. Les seuls qui n’ont pas perçu cela sont ceux que la république a chargé de gérer la qualité de la vie dans la vieille ville. La république, le mot fait rire maintenant. Il n’est pas plus dans le dictionnaire des enfants.
Copenhague est loin. Et la montée temporaire de l’océan sur la côte n’a bloqué ni les projets de désorganisation de cet écosystème fragile qu’est la corniche, ni la construction d’immeubles étranges sur le front de côte et du côté du littoral. Dans le Plateau comme à la Médina et dans les alentours de l’ancienne route de Ouakam, qui longe la partie est de l’Université Cheikh Anta Diop, l’agrandissement de la voie a été le prétexte de couper une bonne partie des arbres. Sans aucune étude préalable. Sans aucune précaution sur les conséquences sur le milieu proche. Plantés à ces endroits depuis six voire sept décennies, ces espèces dont certaines ont été introduites au Sénégal par les colons, seront bientôt oubliés des jeunes sénégalais. Enterrés sous le béton pour les besoins, dit-on de mobilité urbaine.
Copenhague est toujours loin. Parce que sur tous ces sujets dits d’infrastructures, aucun recensement des arbres qu’on a souvent choisi d’abattre n’a été fait. Les parlementaires en première ligne membres de la commission de l’Assemblée nationale sur l’environnement et le développement qui se sont dépêchés de partir à Copenhague et de dire leur engagement, n’ont pas été entendus. Tous muets, quand le président de la République parle ou décide. Idem si c’est le fils.
Le gâchis de la corniche
On construit. On emmure. On ferme l’accès à la corniche pour nombre de Sénégalais. Et l’on met du béton partout après avoir bouché le seul couloir qui permettait à partir du quartier de Fann Résidence, de transférer les eaux de pluies vers la mer. Ce ravin a été fermé avec la végétation à l’intérieur. En dessous se trouve aujourd’hui un hôtel et d’autres édifices « les pieds dans l’eau », en construction. La liste est loin d’être finie, vers le sud de la presqu’île, le phénomène est le même. Même le Cap Manuel où se trouve un camp de l’armée, n’est pas épargnée. En entrant dans la ville du côté de la corniche ouest, l’on voit des immeubles flirter avec le front de côte. La nouvelle mode.
Une grande farce du moment, la remise au vert de la corniche avec des pieds de cocotiers venus d’ailleurs. Le long de cette voie, des centaines de pieds de cocotiers ont été plantés pour préparer le sommet de l’Organisation de la Conférence islamique. Pour des millions de litres d’eau perdus et des milliards de francs investis pour les importer. Ils vont s’adapter, mais tardent à le faire. Depuis l’année 2008, des centaines de pieds ont été perdus et remplacés. Le long de la corniche, ils sont nombreux à pourrir sur le sol. Et les derniers qui ont été replacés il y a quelques jours, en double rideau le long de la route, l’ont encore été de force sans aucune étude sur les causes de la mort brutale des arbres.
Où est la prévision dans tous ces actes ? Surtout, quand ce sont les gens qui, hier encore, défendaient le principe du développement durable avec les associations et les Organisations non gouvernementales qui, au mépris de leur engagement, se sont mises aujourd’hui, à signer ces actes de cession, quand elles ne les cautionnent pas simplement ? Et le mal est qu’elles sont présentes à chaque session des Nations Unies sur la terre, le climat et les forêts qui se tient dans le monde. Preuve de leur impuissance ou de leur connivence, ces entités sont de plus en plus dans le jeu. Pour la plupart.
L’enjeu est qu’il faut montrer qu’on sait plus faire que ceux qu’on a remplacé. Un vieux débat qui n’intéresse pas tant que ça les Sénégalais. Or au moment où Dakar est confronté à des problèmes d’organisation de son espace, que l’on a fini de piller les poches de respiration que sont l’espace ouvert de l’aéroport Léopold Sédar Senghor, et l’intérieur même de la Foire Internationale de Dakar pour satisfaire une clientèle politique qui ne soucie guère de la république et du respect de l’éthique dans la gestion des terres, l’Etat Pds fait ce qu’il veut. La conséquence est la principale menace qui pèse sur l’avenir des arbres de la ville, en l’occurrence la mouche blanche ne fait l’objet d’aucune attention particulière.
Rio est loin. Johannesburg, Nairobi et Copenhague aussi. Qui s’en souvient d’ailleurs à la tête des nouveaux « royaumes » d’Afrique ?
Le péril de la mouche blanche.
Présente au Sénégal depuis des années, elle a pillé les plantations de mangues en Casamance pendant la saison 2008-2009. Entrée dans le pays comme par hasard sans qu’on en étudie les voies, elle a fini par gagner Dakar et certaines grandes villes. Aujourd’hui, tous les arbres de la capitale ont été infectés par cette mouche terrible de son scientifique « Aleurothixus Floccosus » qui pille tout sur son passage. D’ailleurs, une véritable terreur a été imposée aux producteurs de la région de Dakar, et dans les autres parties du pays par la maladie des mouches de la mangue. Pour preuve, en 2005, les agriculteurs sénégalais ont produit 60 000 tonnes de mangues estimées à près de 10 millions de dollars, selon le ministère de l’Agriculture. Mais, les insectes ont contribué à abréger d’un mois la période des semailles ; et le 15 août, les dernières mangues avaient été récoltées.
Dans un pays où plus de 25 000 personnes sont directement employées dans l’industrie de la mangue, les drosophiles menacent non seulement les fruits, mais aussi les moyens de subsistance. La situation est d’autant plus dramatique, que pendant des années, à Keur Mbir Ndao, une région du Sénégal parmi les plus riches en mangues, située 80 kilomètres à l’est de la capitale, les agriculteurs ont perdu plus de la moitié de leurs récoltes à cause de l’introduction d’un insecte venu d’Asie.
Si certains avaient imputé leur mauvaise fortune à la colère de Dieu, les chercheurs ont fini par révéler qu’une drosophile asiatique du nom de Bactrocera invadens, découverte pour la première fois au Kenya, en 2003, était à l’origine du problème. Au cours de l’année 1997, la Direction pour la protection des végétaux (Dpv) a usé de moyens spéciaux associant la lutte chimique et à certains endroits, les moyens biologiques. Les mouches dangereuses n’ont jamais été définitivement éliminées. Elles sont encore revenues en force.
Et tant que l’Etat, les communes et la communauté des chercheurs travaillant à l’Institut sénégalais de Recherches agricoles (Isra), l’Institut français de Recherche pour le développement (Ird) n’associeront pas leurs forces pour engager un processus commun d’éradication de la mouche blanche de la grande ville, le parasite finira, par réduire les zones de maraîchage à néant. Cela après avoir fini sa guerre lente de « consommer » les arbres fruitiers de Dakar et son agglomération, aidée en cela par le pouvoir actuel avec sa volonté de tout élaguer, sans reboiser. Sans traiter.
* Agence pour la sécurité de la navigation en Afrique à Madagascar. Le Sénégal a fini de signer, il y a quelques jours, la nouvelle Convention de l’Agence lors d’une réunion tenue à Libreville et au cours de laquelle il était représenté par le Ministre Karim Wade.
sudonline.sn
BOULENE MA AGALI, mangui cii sukurat, au secours je suis à l’agonie, je me meurs, en réalité je suis déjà morte!!!!
Que dois je faire, réssuciter pour faire l’autruche ou pour entrer dans l’arène afin de participer à la lutte de réappropriation de notre cher Sénégal?
C’EST TOUT VU, JE M’ENGAGE ET CE QUELQU’EN SOIT LE PRIX!!!!!!
Je ne voulais plus passer sur la corniche ni sur la route de Mbao et Rufisque pour ne pas agresser mes yeux et pour épargner mon pauvre coeur mais c’était de la lacheté. CITOYENS, IL EST TEMPS D’AGIR! LEVEZ VOUS COMME UN SEUL HOMME ET DITES NON A LA GABEGIE, NON A CEUX QUI VEULENT NOUS ENTERRER VIVANTS AU PROFIT DE LEURS SEULS INTERETS, NON A CEUX QUI NOUS VOLENT NOTRE DIGNITE.
L’environnement, ce régime ne connait pas. Comment peut-on abattre des arbres centenaires, des baobabs, des « xay » dans un pays qui prétend lutter contre la désertification (muraille verte de qui vous savez). Je connais des pays où des arbres sont abattus mais remplacés après, ce qui n’est pas le cas au Sénégal. Tous ceux qui connaissent savent que la route nationale passant au centre ville de Kaolack était bordée d’arbre appelés xay qui étaient centenaires, tout a disparu, et l’environnement en soufre. Les infrastructures, c’est bon peut-être, mais il ne faut pas couper la chaine écologique existante. J’ai l’impression que dans les sphères de décision, il n’y a pas d’environnementalistes capables de dire les conséquences de cet abattage d’arbres tous azimut que nous connaissons.