Après avoir défendu avec bec et ongles les policiers agresseurs des journalistes Boubacar Kambel Dieng et Kara Thioune, le Président Wade vient d’avoir une nouvelle lecture des faits et a changé d’attitude. A la demande du ministre de la Justice Me El Hadji Amadou Sall, le président de la République vient de donner des instructions au ministre de l’Intérieur Bécaye Diop
Après avoir défendu avec bec et ongles les policiers agresseurs des journalistes Boubacar Kambel Dieng et Kara Thioune, le Président Wade vient d’avoir une nouvelle lecture des faits et a changé d’attitude. A la demande du ministre de la Justice Me El Hadji Amadou Sall, le président de la République vient de donner des instructions au ministre de l’Intérieur Bécaye Diop, pour qu’il délivre les ordres de poursuites nécessaires à l’inculpation des éléments de la Police incriminés dans cette affaire.
Par Madiambal DIAGNE
Plus de dix huit mois après la sauvage bastonnade dont ils ont été victimes, le 21 juin 2008 au stade Léopold Sédar Senghor Dakar, les journalistes Boubacar Kambel Dieng et Kara Thioune attendent toujours que la Justice daigne se prononcer sur cette affaire. Le Parquet avait ouvert une information judiciaire au cabinet de Mahawa Sémou Diouf, doyen des juges d’instruction du Tribunal régional de Dakar, mais la procédure judiciaire se trouve bloquée.
En effet, le magistrat instructeur avait fini de réaliser nombre d’actes d’instruction, notamment en entendant les parties civiles et tous les témoins de la bastonnade survenue à la fin d’un match de football entre les équipes nationales du Sénégal et du Liberia. Aussi, suite à une délégation judiciaire donnée à la section de recherches de la Gendarmerie nationale, des opérations de reconstitution des faits avaient été effectuées sur les lieux, sous la supervision du juge d’instruction. D’ailleurs, ces reconstitutions des faits avaient permis aux enquêteurs, dirigés par le colonel Moussa Fall, de se faire une bonne idée du déroulement de l’agression des journalistes par des éléments de la Brigade d’intervention polyvalente (Bip) de la Police nationale.
Le doyen des juges en a tiré sa conviction pour vouloir inculper certains éléments de la Bip formellement identifiés comme ayant pris part à la fameuse bastonnade. Mais la procédure impose qu’il y ait une autorisation de poursuites délivrée par le ministre de l’Intérieur, en charge de la Police nationale. Cheikh Tidiane Sy et son successeur à la place Washington, Becaye Diop, n’ont jamais manifesté un enthousiasme débordant à délivrer le sésame pour que le juge d’instruction puisse procéder à l’inculpation des mis en cause. Sans doute qu’ils avaient été encouragés dans une telle attitude par le Président Wade qui, à plusieurs reprises, avait pris la défense des policiers agresseurs. Le chef de l’Etat les présentait même comme des victimes qui étaient dans une position de légitime défense. Mais Abdoulaye Wade a brusquement tourné casaque dans cette affaire.
En effet, le Parquet, qui commençait à s’impatienter pour ne pas dire à montrer des signes d’irritation, face «au dilatoire» du ministère de l’Intérieur, a trouvé en la personne de Me El hadji Amadou Sall, nouveau ministre de la Justice, un avocat qui pousse à la roue pour que son homologue de l’Intérieur se décide enfin à délivrer un ordre de poursuites contre les policiers visés par le doyen des juges. D’ailleurs, le ministre de la Justice a envoyé, il y a quelques semaines, une deuxième lettre de rappel au ministre de l’Intérieur. Mieux, des sources judiciaires soufflent que le Président Wade, «bien briefé par le ministre de la Justice sur ce dossier de l’agression de Kara et Kambel, a donné des instructions à Bécaye Diop pour qu’il s’exécute». Reste à savoir si ces instructions présidentielles sont assez fermes pour que Bécaye Diop s’exécute sans hésitation.
En tout cas, au niveau du palais de Justice, les magistrats n’attendent que la transmission de l’ordre de poursuites, en bonne et due forme, pour clore la procédure. Des sources judiciaires expliquent qu’une fois l’ordre de poursuites parvenu au Cabinet du juge, ce dernier procédera à l’inculpation des mis en cause, à leur audition dans le fond, pour prendre dans la foulée une ordonnance de renvoi devant le Tribunal correctionnel, car tous les autres actes de procédure ont déjà été effectués.
lequotidien.sn