Les sages-femmes du Sénégal ne sont pas prêtes à baisser les bras face à la campagne de lynchage et de calomnie sur les réseaux sociaux. Face à la presse hier mercredi, Bigué Ba Mbodj, présidente de l’Association des sages-femmes, s’offusque de la sortie du ministre de la Santé qu’elle juge inopinée.
Ces sages-femmes refusent tout simplement d’être les agneaux du sacrifice d’un système de santé qu’elles jugent défaillant. Ceci, pour dire qu’elles en veulent à leur chef de tutelle, le ministre de Santé et de l’action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr.
L’affaire Astou Sokhna, du nom de la jeune patiente décédée en couches à l’hôpital Amadou Sakhir Mbaye de Louga, est loin de connaître son épilogue. Bigué Ba Mbodj, présidente de l’Association nationale des sages-femmes d’État du Sénégal, s’offusque de la sortie du ministre Abdoulaye Diouf Sarr ce 12 avril.
«Nous alertons l’opinion publique sur les risques de paralysie du système et leurs conséquences innommables qui incombent exclusivement et entièrement au ministre de la Santé qui, sans état d’âme, s’est substitué à la justice, en condamnant, lors d’une audience publique, 6 sages-femmes », a-t-elle pesté.
Pour Mme Mbodj, le ministre doit avoir une réflexion Keynésienne, car le mal du secteur de la santé est en partie exogène, donc indépendant des travailleurs. Même si la présidente des sages femmes comprend le désarroi de la famille d’Astou Sokhna qui a perdu une fille, elle n’en désire pas pour autant faire de sa profession le bouc émissaire de la colère publique. D’autant plus que pour elle, les sages-femmes d’Amadou Sakhir Mbaye ont fait leur devoir, malgré les maigres moyens dont elles disposent. «Les conditions de travail sont souvent inhumaines et le manque de moyens criant dans l’exercice de notre fonction si noble», s’indigne-t-elle.
Quatre des six sages-femmes mises en cause dans le dossier Astou Sokhna, ont été, mardi, envoyées en prison pour non-assistance à personne en danger. Selon les révélations de la présidente de l’Association, une seule parmi le groupe bénéficierait du statut de fonctionnaire, le reste étant des stagiaires et prestataires.
Suite à la tragédie qui s’est déroulée à Louga, les Sénégalais ont révélé leur indignation des dérives d’une profession. Et c’est plus dans les médias et réseaux sociaux que cette indignation a trouvé son lit. Des témoignages qui, toutes, ont mis en scène le manque d’humanisme de certaines sages-femmes à l’encontre des femmes enceintes. Plus d’une semaine de lynchage qui a fini par mettre à bout le personnel de santé. Après l’inculpation et la mise sous mandat de dépôt du personnel de garde, certains agents de l’hôpital de Louga, furieux d’une telle tournure, ont bloqué durant quelques heures l’accès à la maternité.
En marge de la conférence de presse, les sages-femmes ont publié un manifeste qui liste les différentes formes de violence dont elles sont victimes dans l’exercice de leur fonction. En 2021, Gnima Sagna, agent au poste de santé de Fafial (Joal), a été victime de viol et a failli y laisser sa vie. L’année suivante, deux nouvelles agressions ont eu lieu à Diana Malari dans la région de Sédhiou. En tout, le manifeste fait état de sept agressions contre la profession, allant du viol à la violence. «Les sages femmes se sentent perdues et trahies. Certaines veulent faire une démission collective pour s’occuper de leur famille», alerte Bigué Ba Mbodj.
Pour l’instant, le plan d’actions comporte une paralysie de 21 maternités ce jeudi et un appel à la solidarité le jour du procès des quatre mises en cause à Louga, soit à la date du 27 avril.
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