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Aider Haïti : comment va faire le Sénégal ?

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Au Sénégal, le dossier de l’aide à Haïti continue de susciter la polémique. Plus que le principe de l’aide –sur lequel beaucoup de Sénégalais s’accordent -, ce sont les méthodes qui étonnent.

Le Président Abdoulaye Wade avait déjà suscité la polémique en promettant d’offrir une « région du Sénégal » aux Haïtiens. Mais il a, à nouveau irrité bien des Sénégalais en déclarant sur RFI (Radio France internationale) : « J’ai préparé un projet de loi qui institue un prélèvement obligatoire de trois jours de salaires dans le secteur public et privé pour aider Haïti ». Une déclaration effectuée depuis la Suisse.

« J’ai déjà du mal à boucler mes fins de mois. La vie coûte de plus en plus chère. A partir du 15 du mois, on n’achète presque plus de viande. Je ne vois pas comment je vais m’en sortir avec trois jours de salaires en moins…Si Wade veut que l’on aide Haïti, il doit pouvoir trouver l’argent ailleurs que dans nos poches » explique Abdou, un instituteur sénégalais.

« C’est une bonne idée d’aider Haïti, mais le problème, c’est que les caisses de l’Etat sénégalais sont vides » s’exclame un magistrat qui ne comprend pas où Abdoulaye Wade va trouver le million de dollars qu’il a promis d’offrir aux Haïtiens.

La presse dakaroise s’en mêle. Le quotidien Walfadrji affirme que le chef de l’Etat « veut tordre le bras des Sénégalais ». Tandis que le journal Kotch publie un article intitulé « Quand le président Wade se prend pour Moïse ». A l’annonce de la volonté de prélever une partie des salaires, Kotch livre dans un autre article intitulé « la nouvelle marotte de Wade »  une analyse tendant à montrer que les Sénégalais s’interrogent sur l’opportunité de cette décision.

La nouvelle marotte de Wade

A défaut de susciter l’enthousiasme par sa politique au Sénégal, Abdoulaye Wade ferait sans doute un excellent Président pour Haïti. En l’espace de quelques semaines il est passé d’une offre de 500 mille dollars, multipliée par deux, quelques jours, après, un message devant le congrès, la mise à contribution des députés et sénateurs, et maintenant une ponction des salaires….

L’attribution du Prix Nobel de la paix à Barack Obama l’année dernière aura assurément quelque peu irrité le président Abdoulaye Wade. A voir le débordement d’énergie qu’il déploie dans les réponses à apporter à la tragédie qui a frappé l’île  d’Haïti, la quête de revanche semble de mise pour le chef de l’Etat. Si l’on devait décerner la palme d’or de l’idée la plus originale et sans doute aussi la plus généreuse ce serait celle de Wade.

Voilà en effet ce que proposait le Président pour les malheureux descendants de Toussaint Louverture : «Je vais proposer à l’Union Africaine une résolution tendant à manifester au peuple d’Haïti notre solidarité et à leur offrir notre hospitalité». Ajoutant que ce ne serait pas la première fois que cela se passe dans l’histoire.

Le Liberia est en effet en partie peuplé de Noirs américains qui, à un moment donné, ont voulu quitter l’Amérique pour revenir dans la terre mère d’Afrique.  Dans tous les cas ce fut une proposition bien sentie dans la tentative de Wade de redorer un blason terni depuis longtemps.

Mais le hic dans l’histoire, c’est que cette proposition de Wade prend de plus en plus l’allure d’un écran de fumée. Le chef de l’Etat semble avoir quelques peines à trouver cette terre d’accueil pour les Haïtiens, dans la mesure où ses collègues d’Afrique ne se sont pas distingués par une franche adhésion à ce projet messianique du Pape du Sopi (changement en wolof). D’ailleurs Wade a depuis calmé le jeu sur ce thème arguant que les Etats africains allaient en débattre lors du prochain sommet de l’Union Africaine.

Dans tous les cas, le principal concerné par cette affaire, le peuple Haïtien, n’est pas franchement emballé par l’idée présidentielle. Les Haïtiens préfèrent de loin aller se réfugier aux Etats-Unis ou au Canada où ils comptent  de nombreux compatriotes que de venir s’entasser  en Afrique du côté des «damnés de la terre» comme dirait Frantz Fanon.

Pourtant loin d’avoir échaudé le Président Abdoulaye Wade, ces quelques contretemps enregistrés dans sa tentative de se doter une envergure  internationale, a au contraire décuplé les intentions du chef de l’Etat. Cette fois-ci et malgré l’excuse de la générosité que vont nous sortir certains,  les contribuables sénégalais vont sérieusement trinquer. En effet la dernière lubie du Président de la République consiste à élaborer un «projet de loi visant à établir un prélèvement obligatoire  de trois jours sur les salaires des agents du secteur public et du secteur privé du pays, en vue d’aider Haïti», après le séisme meurtrier qui a frappé l’île le 12 janvier dernier.

Une décision unilatérale qui devrait sans doute plaire aux nombreux débrouillards du pays qui éprouvent les pires difficultés à tenir le coup lors des fins de mois. Au-delà de tout réalisme, rien ne semble plus trop gros pour l’autosatisfaction présidentielle.  Les 500 millions de Francs cfa (près d’un million d’euro) octroyés le 22 janvier dernier en guise d’aide humanitaire aux sinistrés de ce peuple des Caraïbes n’étaient que peccadille. Peut être que finalement  quelque chose nous aurait échappé et que le Sénégal n’est pas aussi exsangue financièrement qu’on nous le dit.

Pour l’heure, Abdoulaye Wade ne parle en effet qu’en sa seule qualité de président du Sénégal. L’on ne l’a nullement entendu se prononcer es qualité de président en exercice de l’Organisation de la conférence islamique. A moins que cette institution soit juste un «machin» comme aurait dit le Général De Gaulle. Elle regroupe quelques uns des pays les plus riches au monde, et l’islam recommande et commande la charité.

Adama NDIAYE

http://dakarparis.blog.lemonde.fr/

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