En fait, l’affaire remonte à plus loin que cela. Parce que j’ai eu un contentieux avec le ministre de la Justice et le Président Macky Sall !
Vous parlez de Mme Aminata Touré ?
Non. Je parle de Sidiki Kaba. Avec Mme Aminata Touré, on n’a jamais eu de problème. C’est lorsqu’elle a été nommée Premier ministre que les problèmes ont commencé. Nous, l’impression que nous avons eue avec la nomination de Sidiki Kaba, c’est qu’il a été nommé afin de mettre fin à la traque. C’est la perception que nous avions, pas de manière officielle, mais officieuse. Et d’ailleurs, j’ai interpellé Monsieur le Président de la République un jour lors d’une audience. Je lui ai dit : ‘’Monsieur le Président, pourquoi vous avez nommé monsieur Sidiki Kaba alors qu’il était dans le dossier Karim Wade ? Il m’a répondu qu’il ne le savait pas’’. Je ne l’ai pas cru. Et ça s’est arrêté là. Et donc, à la fin, j’ai eu des difficultés avec le ministre Kaba; on était à couteaux tirés et même avec le Président de la République lui-même. Le Président m’a appelé un soir, lorsque l’affaire Karim Wade a été pliée, et c’est là où il y a eu une grave injustice à l’encontre de Karim Wade. Lorsque cette affaire a été pliée, j’ai senti des réticences de la part du pouvoir exécutif pour la poursuite des autres dossiers. On a commencé par l’affaire Tahibou Ndiaye. Le Président m’a appelé jusqu’au palais, heureusement que j’ai eu l’intelligence d’emmener Antoine Diome avec moi – donc il est témoin de ce que je dis, en ce moment- il m’a dit : ‘’il paraît que Tahibou ne jouit pas de ses facultés mentales’’ ; je lui dis : ‘’mais non Monsieur le Président, il est plus sain d’esprit que vous’’. Il m’a dit : ‘’est-ce qu’il n’y a pas possibilité… ?’’ Je dis : ‘’non Monsieur le Président, force doit rester à la loi’’. Ensuite la seconde fois, c’était l’affaire Abdoulaye Baldé. Là également, il m’a appelé au palais pour me dire : ‘’laisse Abdoulaye Baldé’’. Je dis : ‘’non, je ne vais pas le laisser, Monsieur le Président ! J’ai déjà fait l’enquête et je vais terminer ma procédure’’. Et un autre élément s’est ajouté à cela, c’est que dans l’affaire Aïda Ndiongue, j’avais vu que la dame avait fait sortir du territoire national deux fois quatre milliards, qui avaient été versés dans deux emprunts obligataires, en Côte d’Ivoire, donc cela faisait huit milliards. Je voulais savoir si les autres n’avaient pas fait la même chose. Et j’avais demandé à l’équipe d’enquêteurs de la police dirigée par l’ancien patron Bocar Yague de mener des investigations dans les quatre plus grandes banques de ce pays : la Bicis, Cbao, Sgbs, j’ai oublié la quatrième. Et lorsque le Président a été informé de cela, il m’a appelé pour me dire : ‘’Monsieur le Procureur spécial, on me dit que vous êtes en train de créer la zizanie’’ ; je lui dis : ‘’non Monsieur le Président, ce n’est pas la zizanie’’. Lorsque je lui ai expliqué, il a dit : ‘’Ah bon, c’est comme ça ?’’ Je lui dis : ‘’oui’’. Pour toute réponse, il m’a dit : ‘’non, après les enquêtes, vous me donnez les résultats comme ça je vais les tenir sur le plan politique’’. Je me suis dit : ‘’mais pour qui il me prend ce monsieur, il oublie qu’il parle à un procureur ?’’ Je n’ai pas fait ça. Et donc lorsque j’ai eu des résultats, j’ai immédiatement ouvert des enquêtes concernant ces personnes-là.
«Le Président m’a dit : laisse Abdoulaye Baldé (…) J’ai orienté des enquêtes vers les gens du régime et même les biens du Président»
Quand vous dites les autres, vous faites allusions aux 25 autres personnes qui étaient sur la liste qui vous a été remise ?
Oui, mais cela fait même plus de 25, parce que j’ai ouvert d’autres dossiers. J’ai même orienté des enquêtes vers les gens du régime actuel.
Ah oui ?
Oui ! J’avais commencé à investiguer sur le patrimoine du président Macky Sall. Il a déclaré 8 milliards de francs, mais attendez, je me suis dit : ‘’mais, comment en 7 ans de présence dans les plus hautes sphères de ce pays, il peut se retrouver avec 8 milliards ?’’ Ensuite j’ai commencé à investiguer sur les 7 milliards de Taïwan que Monsieur Idrissa Seck dénonçait régulièrement lorsqu’il était dans l’opposition. Je voulais savoir d’où venait l’argent et comment cet argent a été utilisé ? Et j’ai eu des traçabilités. Donc, l’un dans l’autre, j’étais une personne indésirée. Maintenant, le jour de l’audience, contrairement à ce qui a été dit, je n’ai pas reçu de SMS. On était en pleine audience et à un moment donné, le président Henry Grégoire a demandé que l’audience soit suspendue. Alors on a suspendu, comme on le fait tous les jours. Après, il me dit qu’il est convoqué au ministère. Puisqu’on avait aménagé deux salles de repos pour le parquet et pour le siège, je suis allé dans la salle de repos qui nous était aménagée. J’avais mis un petit lit pour pouvoir me reposer. Je me suis étalé sur le lit. Environ 5 minutes après, mon téléphone sonne et c’était une cousine, Ndèye Kane, qui m’appelle pour me dire : ‘’mais Badou -comme on m’appelle dans la famille-, il paraît qu’on vous a remplacé ?’’ Je dis : ‘’Ah bon ?’’ Elle me dit que la télévision était en train de passer l’information. Je dis : ‘’ok, on va voir’’. Quelques minutes après, mon épouse m’appelle pour me dire la même chose. En réalité, Henry Grégoire a été appelé au ministère pour être informé de ce que je venais d’être limogé. Alors lorsqu’il est revenu, il était avec son équipe, ils sont venus me voir et je lui ai dit : ‘’Monsieur le Président, c’est dommage, je viens d’apprendre la nouvelle, je l’ai apprise avant vous. On a ri. Il a repris l’audience, je suis rentré chez moi.
Bravo au magistrat Alioune Badara Ndao guide par sa seule intime conviction, pour avoir tenu tete au politicien, fut-il le chef de l’Etat ( tous les politiciens de tous bords, sont en perpetuelle lutte contre l’adversaire par tous les moyens )
Si tous les fonctionnaires qui ont prete serment comme les magistrats, les médecins et autres en faisaient une chose sacrée et un guide de tous les instants. ce serait merveilleux . Les assermentes convaincus de corruption devraient etre lourdement sanctionnes et par leur ordre professionnel et la loi.