Alioune Ndiaye affirme, dans cet entretien accordé à L’Observateur, qu’il n’a pas été officiellement informé de la décision faisant de Mounirou Sy le nouveau coordonnateur du mouvement «Fekké ma ci bollé» pour le remplacer. Aussi, le désormais ex-coordonnateur de ce mouvement revient sur ces relations avec Youssou Ndour, son départ du Groupe Futurs Médias, le rapport de la Cnri, entre autres sujets.
La presse a fait état de votre départ du poste de coordonnateur du mouvement «Fekké ma ci bollé». Qu’en est-il exactement ?
Je dois d’abord dire qu’en général, sur des questions politiques, je ne suis pas très affable. Je préfère agir, plutôt que de parler ou d’analyser. Mais, il se trouve que l’information sortie dans un site de la place qui présente Mounirou Sy comme le nouveau coordonnateur du mouvement «Fekké ma ci bollé» et qui annonce mon départ, à mon avis, peut laisser à penser que j’ai été défénestré ou limogé. Les choses ne se sont pas passées comme ça. C’est vrai, j’ai eu, de sources très sûres, que Mounirou Sy est, depuis quelque temps, chargé de conduire le mouvement «Fekké ma ci bollé» vers les Locales. Je ne veux pas entrer dans les détails. Je pense que le moment venu, le mouvement «Fekké ma ci bollé» fera la communication pour dire ce qu’il en est. Mais, je sais que Mounirou Sy et Adja Sy ont été commis pour conduire le mouvement aux Locales. Je voudrais aussi dire que j’ai été à «Fekké ma ci bollé» dans le cadre d’une mission. Youssou Ndour qui était mon patron au Groupe Futurs Médias, qui est aussi un ami et un grand frère, m’a demandé à un moment donné d’être son Directeur de campagne. Après la campagne, il m’a demandé d’assurer la mission de conduite des activités du mouvement «Fekké ma ci bollé» alors qu’il était dans le gouvernement. Mais, depuis qu’il est sorti du gouvernement, c’est lui-même qui s’est occupé de la gestion du mouvement. Tous les gens qui sont au courant de mes activités savent que, depuis presque un an, je me suis plus porté et concentré sur mon travail de producteur. J’ai une société de production «Pikini» qui marche depuis plus d’un an. Nous avons des contrats au Sénégal, au Mali, en Guinée et en Gambie. Je suis plus sur ce travail-là. Donc, il était normal, pour deux raisons, que quelqu’un puisse me succéder. La première, c’est que ma mission est terminée, la deuxième c’est que je n’avais plus le temps. Je n’étais plus actif dans la politique. Donc, il est normal que Mounirou Sy soit désigné pour conduire aux destinées du mouvement en attendant les Locales.
Quand vous dites que vous avez appris de sources sûres que Mounirou Sy est désigné coordonnateur de «Fekké ma ci bollé», est-ce à dire que vous n’avez pas été saisi ?
Officiellement, je n’ai pas encore été saisi d’une décision nommant Mounirou Sy au poste de coordonnateur du mouvement. Mais, je suis de la maison, j’ai des amis, des responsables et militants qui ont participé à une réunion (…). Ils ne m’ont même pas dit que Mounirou Sy est nommé coordonnateur de «Fekké ma ci bollé», mais qu’il est superviseur. Mais, j’étais au courant d’une émission télévisée pendant laquelle Mounirou Sy s’était présenté comme le coordonnateur de «Fekké ma ci bollé». J’attends une décision officielle de ce point de vue, mais je dois rappeler aussi que «Fekké ma ci bollé» n’est pas pour l’instant un mouvement structuré et que depuis le début, c’est Youssou Ndour, lui-même, en tant que son Président, qui prend les décisions. C’est lui qui m’avait nommé Directeur de campagne, c’est lui qui m’avait donné la coordination du mouvement. Mais à un moment donné, je lui ai parlé de mon indisponibilité, il m’a compris, il m’a soutenu, il m’a accompagné pour que je puisse mettre en valeur mon travail de producteur que j’ai commencé
D’aucuns disent que vous avez quitté définitivement «Fekké ma ci bollé». Est-ce que c’est le cas ?
Personne ne m’a entendu tenir une telle position. Je voudrais juste rappeler que, quand le mouvement a été fondé, au début, je n’étais pas membre. J’étais Secrétaire général du Groupe Futurs Médias et c’est à cette qualité que Youssou Ndour m’a chargé d’une mission qui était de diriger sa campagne. Après la campagne, il était satisfait de mon travail et il m’a chargé d’une autre mission. Cette seconde mission étant terminée, il a une autre mission qu’il a confiée à Mounirou Sy. Je suis retourné à mes activités premières, mais cela ne veut pas dire que je coupe les relations avec Youssou Ndour, cela ne veut pas dire que je ne le soutiens plus dans ses actions. Cela veut juste dire qu’en ce moment, je suis personnellement sur un autre projet. Youssou Ndour et moi, nous nous sommes entendus.
«J’ai l’impression d’avoir pris beaucoup de coups. Il est arrivé un moment où j’ai besoin de dire aux gens qu’il faut arrêter. Je n’ai pas été défénestré, je n’ai pas été limogé»
Pourtant, d’aucuns soutiennent que vos relations avec Youssou Ndour ne sont plus au beau fixe et que vous avez même quitté le Groupe Futurs Médias…
Mon départ du Groupe Futurs Médias est une réalité. Je ne suis plus un agent de ce groupe, depuis fin décembre 2013. J’ai discuté avec le président du groupe, Youssou Ndour, et nous avons trouvé un accord à l’amiable qui est très à mon avantage. Parce que c’est moi qui ai fait les propositions. Il les a toutes acceptées. J’étais un salarié du Gfm qui me payait pour un travail que je ne faisais pas. Donc, je ne voyais pas pourquoi je devais continuer à prendre ce salaire alors que je n’étais pas utile à ce groupe. Cela me gênait depuis longtemps et je lui en ai parlé plusieurs fois pour lui dire mon intention de reprendre ma liberté professionnelle. Il était d’accord parce qu’il pense que, quand on est dans une entreprise, les relations doivent être impersonnelles. Les travailleurs doivent être traités sur le même pied. Il n’y avait pas de raison que les travailleurs triment durs pour faire gagner de l’argent à l’entreprise et que moi, je reste là-bas et qu’à la fin du mois, je viens réclamer mon salaire. Je voudrais aussi préciser qu’avec le Président Youssou Ndour, j’ai les meilleures relations qui dépassent aujourd’hui le cadre professionnel. Nous nous sommes pratiqués pendant huit ans, il m’a confié des missions importantes et je pense que, pour l’essentiel, j’ai donné le meilleur de moi-même pour parvenir à des résultats positifs qu’il a lui-même appréciés. Si j’ai pris sur moi la décision de faire une sortie pour clarifier les choses, c’est que j’ai l’impression d’avoir pris, depuis un bon bout de temps, beaucoup de coups. Il est arrivé un moment où j’ai besoin de dire aux gens qu’il faut arrêter et que je ne suis plus dans les dispositions de prendre des coups tout le temps sans rien dire. Je n’ai pas été défénestré, je n’ai pas été limogé.
Youssou Ndour est annoncé comme le candidat de Macky Sall pour la mairie de Gueule Tapée-Fass. Est-ce qu’il vous en a une fois parlé lorsque vous étiez actif ?
Non, on n’en a pas encore discuté. Et je voudrais l’entendre me le dire de vive voix. Je sais que c’est quelqu’un de très intelligent, d’extrêmement ordonné. Il prend toujours le temps de la réflexion avant d’agir. Donc, j’attends qu’il me confirme qu’effectivement il est candidat à la mairie de Gueule Tapée-Fass et qu’il m’en explique les raisons. Mais je sais qu’il ne fait pas les choses au hasard et que s’il a pris la décision de s’engager, c’est une décision mûrement réfléchie. Je sais aussi que son engagement auprès du Président Macky Sall est sincère, il veut l’accompagner, il veut se battre à ses côtés et il veut porter le Sénégal au plus haut sommet.
La fusion du mouvement «Fekké ma ci bollé» et l’Apr est aussi annoncée. Etes-vous au courant ?
Je n’ai pas été au courant d’une discussion au sein de «Fekké ma ci bollé» pendant laquelle nous avons discuté et entériné une décision de le fondre dans l’Apr. Mais, depuis plus d’un an, je ne suis plus actif et que plusieurs réunions se sont tenues à mon absence. Peut-être bien pendant ces réunions, les gens ont pu en discuter et prendre une décision. Mais personnellement, je ne suis pas au courant.
La Commission nationale de réformes des institutions (Cnri) dirigée par Amadou Mahtar Mbow a remis son rapport d’activités au Chef de l’Etat, mais cela a été suivi par des séries de critiques. Comment vous appréciez cela ?
C’est normal. Nous sommes en démocratie, chacun est susceptible ou même est en devoir d’avoir une opinion sur telle ou telle chose. Quand il y a un rapport qui propose des réformes constitutionnelles importantes, il est normal qu’il y ait des gens qui sont en accord ou en désaccord. Le rapport a été soumis au président de la République qui verra, lui-même, ce qu’il va en faire. Et je pense qu’à l’arrivée, ce sont les Sénégalais, à travers un référendum, qui décideront de comment ils vont être dirigés dans les 10, 15 voire 20 ou 30 prochaines années.
Et vous, personnellement, comment vous voyez les propositions de la Cnri ?
Je n’ai pas vu le rapport. Je suis un peu loin du théâtre des opérations. Je suis en voyage et je ne l’ai pas vu dans les détails. Mais dans le principe, je pense que personne ne peut douter du patriotisme de Amadou Mahtar Mbow et de celui du président de la République et des autres acteurs. Maintenant, les gens peuvent être en accord ou en désaccord selon les préoccupations du moment. Mais ce qui importe, c’est l’avenir du Sénégal. Je pense qu’au moment où les décisions devront être prises dans le sens de l’intérêt du Sénégal et des Sénégalais, ces décisions seront prises, sinon les Sénégalais feront en sorte qu’elles soient prises.
SOPHIE BARRO
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