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Alioune Ndoye, maire socialiste de Dakar-Plateau : «Tanor n’est ni le candidat naturel ni le candidat surnaturel du Ps»

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Les querelles de positionnement au sein du Parti socialiste dont la presse fait état depuis un certain temps ne seraient qu’une simple vue de l’esprit, selon le coordonnateur des cadres du Ps. Alioune Ndoye, membre du bureau politique et maire de Dakar-Plateau, croit d’ailleurs que ces rumeurs sont distillées par les gens du pouvoir qui cherchent à déstabiliser leur parti en passant par Khalifa Sall. Et un député libéral l’avait déjà averti sur la stratégie à adopter pour faire imploser le parti de Ousmane Tanor Dieng.

Wal Fadjri : Les cadres socialistes ont reçu ce week-end la visite du secrétaire général du Ps. Quelles étaient les raisons de cette rencontre ?

Alioune Ndoye : Cette rencontre s’inscrit dans le cadre des activités de Vision socialiste qui regroupe plus de 150 cadres de haut niveau. C’est donc nous les cadres qui avions invité le secrétaire général à un déjeuner afin d’échanger avec lui sur diverses questions. Mais, il faut noter que nous le faisons régulièrement. On le fait avec des pans de la société comme les syndicalistes, la presse ou le monde médical, etc. En tant que militants, nous avons souvent besoin de nous entretenir avec notre secrétaire général pour échanger de façon directe, franche et simple sur les questions qui nous préoccupent. Cela peut concerner la vie nationale, la vie du parti ou même la coalition Bennoo Siggil Senegaal. Et le secrétaire général, comme il le dit souvent, a besoin de savoir ce que nous pensons de tout ce qu’il fait en tant que secrétaire général, mais aussi de ce que fait le parti. Il a également besoin de savoir ce que pensent les populations de ce qu’il fait.

Wal Fadjri : Mais cette rencontre est intervenue au moment où l’on fait état de querelles de positionnement dans votre parti. Et certains parlent même d’une fronde qui couve contre le secrétaire général. Qu’en est-il au juste ?

Alioune Ndoye : Sincèrement je dois vous avouer que ce sont des informations que nous tirons de la presse. Mais, quand on analyse le vécu de notre parti, je peux vous dire que rien de tout cela n’est avéré. Nous ne vivons aucune fronde au sein du Ps. Ce sont juste des rumeurs. Et souvent, on cite les noms de certains responsables (Khalifa Sall et Aïssata Tall Sall, Ndlr). Mais quand on connaît les positions de ces responsables qu’on veut dépeindre comme des frondeurs, quand on entend leurs discours dans les instances du parti, on ne peut qu’être surpris. Nous connaissons bien ces militants-là, nous connaissons leurs valeurs et nous savons que ce ne sont pas des gens qui cachent ce qu’ils pensent. Connaissant bien Khalifa Sall et Aïssata Tall Sall, ils auraient exposé leurs points de vue, s’il leur venait l’idée de créer une fronde au sein du Ps. On n’est pas dans une armée, nous sommes dans un parti qui fonctionne avec une démocratie interne. Donc, je ne vois pas pourquoi quelqu’un se cacherait pour dire ce qu’il pense. En tout cas, nous sommes souvent surpris par ces genres d’informations. Mais, je dis que c’est de bonne guerre, parce qu’aujourd’hui, le Parti socialiste est un parti fort, organisé et qui fait peur à tout le monde. Alors, c’est tout à fait normal que des adversaires cherchent à le déstabiliser par tous les moyens. Quitte à véhiculer des rumeurs pour créer la zizanie entre ses responsables. Mais, ils perdent leur temps car les expériences politiques de ces responsables qu’on veut dépeindre comme des frondeurs les mettent à l’abri de ces manigances.

Wal Fadjri : Ne pensez-vous pas que Khalifa Sall, tout puissant maire de Dakar, est en mesure de tenir tête au secrétaire général du Ps pour prendre sa place et – pourquoi pas – se positionner comme le futur candidat du Ps à la présidentielle ?

Alioune Ndoye : Khalifa Sall, Aïssata Tall Sall et tous les autres maires socialistes, nous sommes aux positions où nous sommes grâce au parti et à la coalition qui nous ont portés. Donc je ne vois pas ces responsables-là – par rapport à leur carrière – vouloir scier la branche sur laquelle ils sont assis. C’est vous dire que tout cela n’est que simple vue de l’esprit. Si vous étiez au dernier comité central du Parti socialiste, vous auriez entendu Khalifa Sall prodiguer des conseils aux militants en leur disant ce qu’il faudra faire pour amener Ousmane Tanor Dieng au Palais de la République. Alors, si le lendemain, on me dit que Khalifa Sall est en train de combattre Tanor, c’est à ne rien y comprendre.

Il en est de même pour le cas de Aïssata Tall Sall qui est le porte-parole du parti. Celle-là, je l’ai toujours entendu dire que son président, c’est Ousmane Tanor Dieng. D’ailleurs, au lendemain des dernières élections présidentielles, elle disait qu’elle ne l’appellerait plus autrement que par ‘Monsieur le président’. Donc, moi, je me fie aux actes et aux déclarations des uns et des autres. C’est cela qui compte. Ceci étant dit, nous sommes dans un parti démocratique où les gens ont le droit d’avoir des ambitions. Mais nous avons nos procédures, notre organisation pour exprimer ces ambitions en toute liberté. Il n y a pas de tabou à ne niveau-là. Mais sincèrement, je vois plus des manigances extérieures pour essayer de déstabiliser le Parti socialiste, plutôt que des ambitions personnelles, carriéristes.

Wal Fadjri : Quand vous parlez de manigances pour déstabiliser votre parti, vous pensez à qui ? Au pouvoir ou aux anciens camarades qui ont claqué la porte du Parti socialiste ?

Alioune Ndoye : Je vais vous livrer une anecdote : au lendemain de notre victoire du 22 mars, un député libéral que je connais très bien, m’a dit clairement : ‘On vous déstabilisera de l’intérieur’. Je lui ai dit : ‘Vous rêvez ! vous connaissez mal le Parti socialiste’. Il a insisté en disant : ‘Nous passerons par Khalifa Sall pour vous déstabiliser’. Je lui ai répondu ceci : ‘Vous connaissez mal Khalifa Sall, c’est un pur produit du parti’. Khalifa Sall, c’est l’ancien responsable du mouvement des jeunesses socialistes. Ceux qui connaissent le parti savent ce que cela signifie. Khalifa préférera le Parti socialiste à tout autre chose, j’en suis certain. Je ne le vois pas renier le Parti socialiste.

‘Aujourd’hui, le Parti socialiste est un parti fort, organisé et qui fait peur à tout le monde. Alors, c’est tout à fait normal que des adversaires cherchent à le déstabiliser par tous les moyens’.

Wal Fadjri : Pour le cas de Me Aïssata Tall Sall, elle a bien dit sur les ondes d’une radio étrangère que Ousmane Tanor Dieng n’est pas le candidat naturel du Ps !

Alioune Ndoye : (Il coupe) Ousmane Tanor Dieng n’est ni le candidat naturel ni le candidat surnaturel du Ps. Notre parti a une organisation interne huilée. Me Aïssata Tall Sall était certainement en train de rappeler aux militants ou aux populations les règles de fonctionnement du Parti socialiste. Nous avons nos mécanismes d’investitures qui sont huilés et connus de tout le monde. Même en 2007, in fine, il n y avait qu’un candidat dans le Parti socialiste et c’était Ousmane Tanor Dieng. Et pourtant on était allé jusqu’au bout de la procédure, avec les dépôts de candidatures, les choix au niveau des coordinations qui ont eu à investir leur candidat. Sans oublier le congrès qui a validé la candidature de Ousmane Tanor Dieng. C’est pourquoi je dis que Me Aïssata Tall Sall, à travers cette déclaration, a juste voulu rappeler les règles de fonctionnement de notre parti. Cette déclaration ne doit pas justifier l’étiquette de fondeuse qu’on veut lui coller. On parle de réunions nocturnes, mais tout cela n’est que rumeur. Je ne vois pas Me Aïssata Tall Sall verser dans cela. Elle est assez libre d’esprit.

‘Au lendemain de notre victoire du 22 mars, un député libéral que je connais très bien, m’a dit clairement : ‘On vous déstabilisera de l’intérieur’.

Wal Fadjri : Et quelle position adopterait Vision socialiste au cas où une fronde naîtrait dans le Parti socialiste ?

Alioune Ndoye : Nous adopterons la position qui préserve les intérêts de notre parti. Nous sommes une structure du Parti socialiste qui se bat pour que le projet de ce parti émerge et puisse vaincre. C’est un peu cela la ligne directrice de Vision socialiste. Cela va sans dire que nous combattrons tout ce qui doit affaiblir ce parti, parce que cela nous conduit à notre échec. Nous faisons tout pour que ce parti triomphe. Mais encore une fois, nous n’avons aucune inquiétude parce que nous côtoyons tous les grands responsables du parti. C’est un parti qui vit, qui a ses instances qui fonctionnent. Donc, nous n’accepterons pas que notre calendrier nous soit dicté de l’extérieur. Voilà la différence ! Nous avons notre programme et nous privilégions les populations pour lesquelles on bouge tous les jours. La preuve, cette histoire de fronde n’était même pas l’objet de notre dernière rencontre avec le secrétaire général. Même à la fin, quand on a voulu l’interviewer, il a préféré laisser Vision socialiste s’exprimer à sa place.

Wal Fadjri : Que répondez vous à ceux-là qui estiment que votre secrétaire général manque de charisme pour redorer le blason du Ps ?

Alioune Ndoye : Que ceux qui le disent accompagnent Ousmane Tanor Dieng dans ses déplacements auprès des populations. Je ne vois pas un responsable politique plus adulé que Ousmane Tanor Dieng. Et chacun peut le vérifier sur le terrain. En réalité, je trouve que ce sont là des arguments très faibles. Sans Ousmane Tanor Dieng, je crois que le Ps ne serait pas ce qu’il est en 2010. Ou n’aurait même plus existé. A un moment donné, il faut quand même savoir rendre à César ce qui appartient à César. Le mérite des gens, il faut savoir le reconnaître et le saluer. Sans Ousmane Tanor Dieng, le Parti socialiste qui est aujourd’hui attractif et craint par tout le monde ne serait pas là. N’oubliez pas que c’est ce parti qui a été battu en 2000 après 40 années de pouvoir. Ce n’est pas une mince affaire de garder un tel parti. Rappelez-vous également des propos de Me Abdoulaye Wade disant qu’il va enterrer le Parti socialiste. Mais aujourd’hui, c’est le parti socialiste qui l’empêche de dormir.

Wal Fadjri : Ne craignez vous pas que ce qui s’est passé à la veille de la présidentielle de 2007 se reproduise avec le départ de grands responsables ?

Alioune Ndoye : Ceux qui sont aujourd’hui au Parti socialiste, qui est un parti d’opposition, y sont restés par conviction. Peut-être qu’hier, il y avait des gens qui y étaient parce que c’était un parti au pouvoir. Une fois ce pouvoir perdu, ils ont préféré retrouver le pouvoir ailleurs. Mais ceux qui sont restés en gardant leur dignité, ils sont là par conviction. Le parti n’offre rien d’autre. Ceux qui sont venus en masse intégrer ce parti – et j’en fais partie puisque je suis venu en 2004 – savent que le Ps n’a plus rien à nous offrir aujourd’hui, si ce n’est nous faire prendre certains risques. Je ne vois donc pas des gens qui sont venus dans un parti en période de vaches maigres, le quitter au moment où il s’apprête à aller à des élections. Ce ne serait pas logique. Ceux qui ont quitté le Parti socialiste après la défaite de 2000 ont contribué à le rendre attractif. Ceux-là, dans leur façon de voir les choses, c’est ce que les Sénégalais ont sanctionné. Mais, ce n’est pas la doctrine socialiste qui a été sanctionnée. Encore moins le projet de société du Parti socialiste. Ce sont plutôt les hommes, dans leurs comportements, leurs manières, qui ont été sanctionnés en 2000.

Wal Fadjri : Les cadres de la Cap 21 estiment que le Ps ne changera jamais. Il a été et restera un parti symbolisant le gaspillage, les détournements des deniers publics, la mal gouvernance etc…

Alioune Ndoye : C’est scandaleux d’entendre les libéraux dire cela, quand nous savons ce qui se passe dans ce pays. Ces libéraux ont été les mauvais exemples en toute chose. Et ils seront imbattables en toute chose. Donc, quand ils disent que notre parti ne changera pas, c’est parce que ces gens du pouvoir continuent à se regarder dans un miroir croyant que le peuple est toujours avec eux alors qu’il n’en est plus rien. Ce Parti socialiste que nous avons aujourd’hui, est un parti rajeuni avec un programme alléchant porté par des femmes, des jeunes et des hommes de valeur. Un parti qui met en avant l’éthique. Ce qui est inconnu chez nos adversaires qui sont au pouvoir. Je ne vais pas revenir sur les scandales qui rythment notre vie de tous les jours depuis que le Sopi est au pouvoir.

Wal Fadjri : Bennoo Siggil Senegaal a apparemment boycotté les festivités du cinquantenaire de l’Indépendance du Sénégal et l’inauguration du Monument de la Renaissance africaine, alors que plusieurs pays étaient représentés. Trouvez-vous cette attitude républicaine ?

Alioune Ndoye : Nous n’avons pas boycotté notre cinquantenaire ! nous avons plutôt refusé le côté irrespectueux de notre cinquantenaire. Je veux parler de ce cinéma consistant à mélanger un dessein personnel à celui de la nation. Ces gens du pouvoir ont tout orchestré pour fêter les statues de la honte qui sont érigées à Ouakam en même temps que le cinquantenaire de notre indépendance. Ce n’est pas sérieux et c’est ce que nous avons dénoncé lors de notre marche du 3 avril dernier. Personne n’a entendu un seul leader de Bennoo Siggil Senegaal parler du cinquantenaire en mal. Pour notre indépendance, nous n’avons pas attendu Abdoulaye Wade. J’ai vu les gens de la Cap 21 s’en émouvoir, mais moi je dis que je ne connais pas Abdoulaye Wade comme quelqu’un qui a lutté pour notre indépendance. Et la question du professeur Bathily demeure : ‘Où était Abdoulaye Wade à cette époque-là ?’ Parce qu’aujourd’hui, malheureusement, Wade est avec ses fils et ses petit-fils, mais qu’a-t-il fait avec ses contemporains ? C’est cela la question. Donc, nous avons trouvé que ce monument est une honte. Nous ne pouvions, en aucun cas, aller applaudir Abdoulaye Wade.

Wal Fadjri : Une pétition pour la destitution de maires Bennoo en banlieue circule. Après un an à la tête de certaines collectivités locales, comment appréciez-vous la gestion de vos collègues de même coalition ?

Alioune Ndoye : En toute honnêteté, c’est une gestion faite de rigueur et qui privilégie les intérêts des populations. Malheureusement, en politique, on voit du tout. On a ceux qui pensent qu’une fois qu’on arrive aux affaires, c’est le moment du partage. Ceux-là continueront, bien sûr, à s’épancher dans la presse et à attaquer les maires de Bennoo. J’ai été étonné de voir les gens demander des comptes à un maire qui n’a pas encore fait voter son compte administratif. Et on lui demande d’expliquer 82 millions, si je ne me trompe, qui correspondent aux recettes de l’année. C’est quand même une démarche hasardeuse. En tant que maire, je trouve que la gestion des collègues de Bennoo est faite de rigueur pour apporter des ruptures, mais surtout pour remettre l’institution municipale au service exclusif des populations.

Wal Fadjri : Comment appréciez-vous le nouveau comité de bonne gouvernance qui a été mis sur pied par le ministre d’Etat Karim Wade dans la passation des marchés publics ?

Alioune Ndoye : J’ai l’impression que Karim Wade est en train de cloner l’Anoci. Une gestion pour laquelle il est en tout cas poursuivi par beaucoup d’affirmations très graves. Et il refuse de se prononcer. Mais nous attendons toujours une reddition des comptes de l’Anoci. Nous attendons une lumière venant de Karim Wade sur la façon dont il a géré autant de centaines de milliards sans vouloir rendre compte. On sait simplement que l’Anoci, aujourd’hui officiellement serait fermée et qu’on aurait créé sa sœur jumelle, une autre agence à côté, en y reversant quasiment le personnel de l’Anoci , et on continue de plus belle. Et là on nous lance de la poudre aux yeux en nous annonçant la création d’un comité de bonne gouvernance. La bonne gouvernance, ça se pratique tous les jours. Et n’oubliez pas qu’il y a eu un conseil de surveillance à l’Anoci. Mais quelle a été son utilité avec la façon de gérer de Karim Wade ? C’est la question que je lui pose.

Wal Fadjri : Pourtant Karim Wade invite toujours votre secrétaire général à un débat sur les conditions de cession de la licence de la Sentel, mais vous semblez faire la sourde oreille…

Alioune Ndoye : C’est parce que ceux qui ont géré le dossier de cette licence se trouvent actuellement aux côtés de son président de père comme ministres de la République. Alors, il est bien placé pour leur demander des comptes. Notre parti ne va pas perdre son temps sur Karim Wade. Ce serait lui donner trop d’importance. Il ne gère même pas une petite association. Si Karim Wade est important aujourd’hui dans notre République, c’est dû au simple fait qu’il est le fils de son père. Par ailleurs, s’il détient des preuves contre des responsables socialistes sur la cession de cette licence, il a l’obligation de les mettre sur la place publique. Il n’a pas besoin d’un débat. C’est ce que je pense en tant que citoyen.

Propos recueillis par Georges Nesta DIOP

walf.sn

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