Une candidature, quatre prétendants. Ce pourrait être le titre de cette alliance libérale circonstancielle dans le Cadre de concertation de l’opposition. Mais Idy, Pape Diop, Baldé et Karim- si on lui ouvre les portes de Rebeuss- iront tous en solo au premier tour. Wade lâchera-t-il du lest en ayant un des trois comme Plan B de la candidature de son fils ? Rien n’est moins sûr.
Idrissa Seck, Karim Wade, Pape Diop et Abdoulaye Baldé : Quatre fils (biologiques ou putatifs) de Abdoulaye Wade. Quatre frères dispersés. Quatre ambitions intactes. Quatre Libéraux. C’est un film qui se joue là, sous les yeux des spectateurs. Hier, dans une famille présidentielle homogène qui va se disloquer avec une guerre fratricide sans précédent. Aujourd’hui, des morceaux de briques recollés. Sans ciment. La politique est une affaire de circonstance. L’on avait juré qu’ils ne se retrouveront pas après les couteaux aiguisés depuis le Palais. Et même loin du Palais. Ils sont unis dans le Cadre de concertation de l’opposition, comme on ne l’avait jamais parié pour le Cpc (Cadre permanent de concertation) ou la Cpa (Coalition populaire pour l’alternative) qui avaient «réconcilié» Moustapha Niasse, Ousmane Tanor Dieng et, un moment, Djibo Leyti Kâ. Si «on n’est jamais mort en politique», on n’est jamais non plus certain en politique. Mais il reste que, pour cette fratrie jadis en décomposition, aujourd’hui en recomposition, il y a de quoi être prudent quant à la mayonnaise. Sans doute, la «politique du tout sauf Macky Sall», comme celle du «tout sauf Wade en 2012», a prévalu dans les intrigues de Versailles où le «vieux» dessine ses plans, expose son art, négocie à tout-va et avec tous, ou presque. Jusqu’à chercher en dehors de son parti et des ex-membres de son parti. L’essentiel, c’est de faire monter l’adrénaline du côté de Macky Sall qui, aujourd’hui, détient seul les clés de la porte de Rebeuss pour Karim Wade. Grâce à sa grâce. C’est là que les retrouvailles libérales, en partie, se sont naturellement imposées, répondant aux ambitions de Idy, Pape Diop et Baldé.
Idrissa Seck
Il aurait aimé cornaquer ce quarté présumé gagnant dans la course vers 2017. Lui qui a toujours revendiqué «l’actionnariat majoritaire» du Pds. Lui qui a été légitimé par son Thiès qui lui est dévoué. Lui qui, parmi les quatre chevaux, est le seul à avoir été candidat à la Présidentielle. Mais la plaie de la «trahison» ouverte depuis 2004 ne s’est pas cicatrisée, après les salissures qu’il a laissées à Wade, son fils et son épouse. Le leader de Rewmi a pourtant tenté de récupérer une part des actions libérales peu cotées en bourse politique depuis la chute de Wade. Macky Sall, lui, ne s’en prive pas. Quand Pape Diop et Baldé rendent visite au fils de Abdoulaye Wade, Idrissa Seck hésite encore, même s’il ne cautionne pas son emprisonnement. Ça, c’est le côté officiel. Il n’a pas oublié qu’il a séjourné sept mois à Rebeuss au nom du père et du fils. «Le fils a grandi, il veut maintenant prendre toute sa place», avait chanté Seck dans son premier Cd de «Lui et moi».
C’est peut-être bien encore ce qui explique la «solidarité» pas encore agissante de Seck envers Wade-fils. Le père voudrait pourtant que son ancien Premier ministre rende visite à son fils et scelle un «protocole de Rebeuss», version alliance pour la Présidentielle. C’est que si d’autres non-Libéraux comme Gackou sont allés voir Karim, Idy ne peut pas s’en passer. Sociologiquement ! Politiquement aussi, si tant est que ce cadre de concertation a pour but de raffermir une opposition affaiblie et dispersée par des egos. L’on ne peut cependant juré que Wade et Idy ne se parlent pas puisque le président du Conseil départemental de Thiès ne s’allierait point avec le Pds, si le Pape du Sopi ne l’avait pas voulu. Mais Karim Wade voudrait-il aussi voir un «ennemi» qu’il a combattu en même temps que son père ? Qui les a combattus aussi au point de participer à leur perte du pouvoir ? Seul un face-à-face entre Wade-fils et Seck pourrait laisser croire à une réconciliation par le vernis. Mais pour l’heure, Pape Diop qui dirige et accueille les réunions du Cadre de concertation de l’opposition est parti pour gagner la confiance d’un Wade en quête de sauveur. En l’absence du candidat improbable du Pds.
Pape Diop
Il n’a jamais été candidat à une Présidentielle ni Premier ministre. Mais son Cv politique pèse aussi lourd que l’expérience de Idrissa Seck. Maire de Dakar, président de l’Assemblée nationale puis du Sénat, Pape Diop a encore son grenier dans la capitale. Il est celui qui a osé dire non à Wade qui a choisi Oumar Sarr pour diriger la liste du Pds aux dernières Législatives, véritables primaires pour la succession de Wade. S’il n’a pu obtenir que quatre députés, sa coalition, Bokk gis gis (Bgg), avait quand même un score non négligeable. Si le Pds a multiplié par trois le nombre de députés de Bgg, c’est plus par fidélité à son chef que par un mérite de sa tête de liste. Le prédécesseur de Khalifa Sall à la Ville de Dakar compte encore sur la lie du réservoir libéral dans la région de Diourbel. Son rapprochement avec Wade, avant les autres, est une chance pour lui de regagner la sympathie libérale. «Quelles que soient les vicissitudes de la vie, nous nous retrouverons», avait promis Pape Diop lors du meeting du Pds, le 21 novembre 2014 à la Place de l’Obélisque, sur demande des militants libéraux qui criaient «gnibissil (retournez à la maison) !» Et à cette occasion, il avait même appelé Idrissa Seck à rejoindre la famille de Wade.
Dans le Cadre de concertation de l’opposition, il s’est retrouvé, en attendant, avec celui qui était à l’origine de son départ : Oumar Sarr. Mais jusqu’à quand ? Le maire de Dagana, qui a été promu adjoint de son secrétaire général et a conforté sa légitimité chez lui, laissera-t-il le relai lui filer entre les mains ? Une chose est cependant sûre : même si on est encore dans les sciences inexactes de la politique, Sarr ne rêve pas du fauteuil de Macky Sall. Et même si la prison – il en a goûté pour un mois – était un «raccourci vers le pouvoir», il ne se ferait pas d’illusion comme Idrissa Seck qui a vécu la désillusion en 2007 et 2012.
Baldé
Il ne saurait vendre sa victoire à Ziguinchor aussi facilement à Wade. Et dans l’éventualité d’un Plan B à Karim, Abdoulaye Baldé fera valoir ses arguments devant Idy et Pape Diop. Il ne cache pas ses ambitions encore cloisonnées dans sa région et sa commune. Il l’a compris avec ses nombreuses tournées dans les autres régions depuis quelques jours. S’il a rencontré Karim Wade en prison, ce n’est forcément pas parce qu’il est nostalgique de l’ex-tandem de l’Anoci. Il a tracé sa voie en se pesant devant la machine Benno bokk yaakaar, alors qu’on lui prêtait d’avoir déraciné le «baobab» Robert Sagna par le seul fait de la forteresse libérale en 2009. Mais Baldé était déjà une des rares exceptions dans le camp présidentiel à résister à la marée de Benno siggil senegaal.
Karim
C’est un secret de polichinelle. Il est le cheval de l’écurie du Pds pour la course de 2017. Mais il a un handicap au départ puisqu’il est encore en prison et rien n’indique qu’il sera libre avant le top. Sauf que le cavalier, son père, n’a de joker que lui. Et personne d’autre. Pour le moment. Si Abdoulaye Wade l’a mis en selle avant le verdict de son procès, c’était pour mettre la pression sur Macky Sall. S’il maintient sa candidature et multiplie les audiences avec d’autres présidentiables, c’est encore pour espérer prendre sa revanche sur l’as du 25 mars 2012. Karim Wade, qui n’a su se peser depuis 2009 avec son mémorable échec, compte sur sa «victimisation» pour légitimer sa place dans cette compétition à quatre.
Dans tous les cas, il ne peut y avoir de candidature unique au premier tour, comme il n’y en a jamais eu pour Benno siggil senegaal. Tous feront cavalier seul parce que présidentiables. Et l’on ne sait jamais ce que l’arrivée de la course donnera. A moins de jurer, comme souvent, que les autres soutiendront celui qui arrivera premier face au sortant. Mais dans ce quarté, il est interdit de parier.
Un quotidien dont les accointances avec le Macky sont connus de toute la classe politique. Que dire d’une analyse venant d’un papier digne de la Pravda de l’ancienne Union Sovietique.