XALIMANEWS- 12 ans dont 8 au pouvoir. L’Apr, née des entrailles du Pds, donne l’image d’un bateau qui tangue dangereusement avec un capitaine qui perd le cap. L’affaire Cissé Lô n’est que la partie visible de l’iceberg dans une formation politique qui doit se réinventer pour assurer sa survie après le pouvoir. Photographie.
«Apr ki est ti ?» Les fans des réseaux sociaux, spécialistes de la dérision, s’amuseraient à s’interroger de la sorte. Pour faire plus sérieux, qui est vraiment l’Alliance pour la République ? Né le 1er décembre 2008, ce bébé de Macky Sall a pour grand-père le parti démocratique sénégalais. Teint marron-beige, il est libéral et social, droite et gauche comme dans la Macronie. Une mayonnaise idéologique -s’il en existe encore- ou réaliste qui lui a permis de tenir le pouvoir. Et de le maintenir. Ce cheval, son emblème, qui laisse monter toutes les sensibilités politiques, tous les contraires, a remporté toutes les courses électorales. Mais il y a toujours eu, comme aujourd’hui avec Moustapha Cissé Lô, des excès, des dérives, avant même l’arrivée au pouvoir de Macky Sall. A une dizaine de jours du premier tour de la Présidentielle de 2012, c’est Me Djibril War, directeur de l’Ecole du parti, qui pose son pistolet sur la tempe de Mahmout Saleh au siège de l’Apr, sis à Sacré-Cœur. Que de pistoleros à l’Apr ! A l’époque, rapportait Dakaractu, Djibril War aurait lancé à Saleh : «Vous avez recommencé vos méthodes trotskistes. Je ressuscite la solution de Staline.» Et justement, parce que ce parti est entre les mains d’un maoïste, devenu libéral. Et ce n’est pas pour rien que Macky Sall s’est entouré de Saleh, El Hadj Kassé, Mimi Touré… Parce que justement, à sa naissance, l’Apr était un parti où, pour reprendre Cheikh Yérim Seck, il y avait «peu de compétents et de matière grise». «Leur seul mérite est d’avoir accompagné Macky Sall qui, en 3 ans, a pris le pouvoir. C’est terminé ! Il y a ni culture politique ni spécificité qui les différencient des autres», ajoutait le journaliste, le 12 juin dernier sur 7 Tv.
Violence, indiscipline, défiance…
Voilà donc pourquoi la violence verbale ou physique entre apéristes ne date pas des insultes de Moustapha Cissé Lô, exclu par la Commission de discipline. Les guéguerres entre responsables sont omniprésentes depuis 2012. Dans les instances, c’est la lutte des places. Beaucoup de responsables du parti se signalent par des défiances envers le président du parti. Le député Cheikh Diop Dionne, frère de l’ancien Premier ministre Mahammed Dionne, n’a-t-il pas ouvertement défié la décision présidentielle de voter pour Moustapha Niasse pour le Perchoir sans sanction ? A la Cojer, Abdou Mbow et Biram Faye ont été vivement contestés avant qu’ils ne cèdent les rênes en 2014. Tout comme la bataille sans merci entre Thérèse Faye et sa rivale Marième Thiam Babou. Ça rappelle les sauvageons libéraux sous Wade ! Au sommet, Thierno Alassane Sall n’a jamais eu l’aura de rassembler autour de lui les cadres du parti. Abdoulaye Diouf Sarr, responsable des cadres, est réduit à s’aligner derrière Amadou Ba qui a dirigé les Législatives dans le département de Dakar et le processus du parrainage dans la région. Politiquement, on ne sait pas comment le responsable des Parcelles Assainies a dribblé le seul maire apériste du département. Yaxam Mbaye ou encore Youssou Touré tapent sur la table chaque fois qu’ils sont éjectés des sphères de décision. Mbaye Ndiaye et Mahammed Dionne n’ont-ils pas violé l’injonction du Président de ne plus parler de mandat présidentiel ? Le chef a toujours laissé faire. «Il faut reconnaître que le règne de l’Apr est violent. Les rapports entre les responsables sont très violents. Il y a de la méchanceté, ils ne s’aiment pas et se battent entre eux. A l’Apr, il y a deux types de violence : Une violence contre ceux qui viennent pour adhérer dans leur parti et une violence entre eux-mêmes», avait ajouté Cheikh Yérim Seck. Il ne savait pas bien dire. « L’Apr, c‘est le parti où tout le monde se déteste», a corroboré Moustapha Diakhaté, lundi sur Itv.
Parti non structuré
Si le parti au pouvoir en est à ce niveau de déliquescence, c’est parce que son chef n’a jamais voulu le structurer. Macky Sall a appris de son expérience au Pds qu’un numéro 2 pouvait lui faire ombre. Par conséquent, ni Alioune Badara Cissé ni Mimi Touré ou Amadou Ba n’ont pu tenir ce rôle. A l’Apr, Macky Sall, comme Wade pour le Pds au pouvoir, reste «la seule constante» et les autres ne sont que des «variables». L’Apr, c’est l’histoire d’un parti non structuré où un responsable peut se réveiller pour y être membre et siéger au Secrétariat exécutif national, la plus haute instance. Dans ce parti, le parcours et la culture politiques ne sont pas des données importantes pour y devenir un membre éminent. Cette absence de structuration pourrait avoir des répercussions sur la prochaine Présidentielle. A cette échéance, plusieurs noms circulent. Une situation qui démontre que, comme la gestion du Covid, le contrôle du Président Macky Sall est mis en doute. Raison pour laquelle, il ne dit «ni oui ni non» sur sa participation éventuelle à cette élection prévue en 2024. Amadou Ba, Mimi Touré, Mansour Faye ou Mouhamadou Makhtar Cissé, Aly Ngouille Ndiaye sont avancés comme potentiels candidats. Mais qui sait qui sera le cheval de Macky Sall ? Qui sait si lui-même tentera de remettre le pied à l’étrier. Taquiné par le journaliste Aliou Diarra qui parle d’une Apr où «ça va dans tous les sens», Macky Sall, passablement agacé, a répondu, lors de son entretien à la presse du 31 décembre 2019 : «Que signifie structurer un parti ? Ce sont des instances. Le parti a un Secrétariat exécutif national et des comités. On a décidé de structurer notre parti de cette façon. Depuis sa création, ce parti a gagné toutes les élections (sic). Que voulez-vous encore ?» Pardon ! Où était la coalition Benno bokk yaakaar ? Ce n’est pas un secret que ce parti manque de caractère. Ndèye Saly Diop Dieng a-t-elle la carrure d’une Aminata Mbengue Ndiaye sous le régime du Ps ou la poigne d’une Aïda Mbodj du temps du Pds ? Moussa Sow de la Cojer a-t-il le charisme d’un Barthélemy Dias du Ps ou encore d’un Thierno Bocoum de Rewmi… ? L’Apr cherche «Travail, solidarité, dignité», sa devise.
LeQuotidien