Long exil et prison ont marqué la vie d’Alpha Condé, qui a remporté l’élection présidentielle en Guinée: avant d’accéder à la magistrature suprême, cet intellectuel de 72 ans a combattu tous les régimes en place, ce qui lui a valu le titre « d’opposant historique ».
Svelte, boitant légèrement, vêtu le plus souvent d’une chemise saharienne, Alpha Condé, qui défend des valeurs de gauche, communique peu avec la presse, mais a le sens de la formule et sait enthousiasmer son auditoire.
Mais s’ils reconnaissent son charisme et son intelligence, certains de ses proches et tous ses adversaires le décrivent comme un homme autoritaire et impulsif, qui écoute peu, agit le plus souvent seul.
Ses électeurs le considèrent comme « un homme neuf » qui n’a jamais eu l’occasion de « participer au pillage du pays ».
« C’est un homme qui a quand même affronté tous les régimes, de Sékou Touré à Lansana Conté », reconnaissait à Conakry un électeur de son adversaire, Cellou Dalein Diallo, tout en lui reprochant d’avoir « joué avec le feu » des arguments ethniques, durant la campagne, quand il fustigeait la « mafia peule ».
Né le 4 mars 1938 à Boké, en Basse-Guinée, Alpha Condé est issu de l’ethnie malinké, majoritairement installée en Haute-Guinée (est).
Il part en France dès l’âge de 15 ans pour y poursuivre ses études et y obtient des diplômes en économie, droit et sociologie. Il va ensuite enseigner à la prestigieuse université parisienne de la Sorbonne.
Parallèlement, il dirige dans les années 60 la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (FEANF) et anime des mouvements d’opposition au régime dictatorial d’Ahmed Sékou Touré, « père de l’indépendance » de la Guinée, ex-colonie française qui a acquis sa souveraineté en 1958.
Sékou Touré condamne Alpha Condé à mort par contumace en 1970.
Pendant son exil d’une trentaine d’années, l’opposant se lie d’amitié avec plusieurs personnalités, dont le ministre français sortant des Affaires étrangères Bernard Kouchner.
Il rentre au pays en 1991, sept ans après la mort de Sékou Touré.
Au dictateur a succédé un caporal autoritaire, Lansana Conté qui a dû accepter une timide démocratisation permettant à Condé de se présenter à la présidentielle en 1993, puis en 1998.
Ces scrutins ne sont ni libres ni transparents mais Alpha Condé est officiellement crédité de 27% et 18% des voix.
Le fondateur du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) fait peur à Lansana Conté qui le fait arrêter juste après la présidentielle de 1998, avant même la proclamation des résultats. Il est condamné en 2000 à cinq ans de prison pour « atteintes à l’autorité de l’Etat et à l’intégrité du territoire national ».
Il purgera en partie sa peine: sous la pression internationale, il est « gracié » en 2001.
A sa sortie de prison, il assure que son « modèle » est Nelson Mandela, ancien prisonnier devenu en 1994 le premier président noir d’Afrique du Sud. « Il faut faire comme lui, pardonner mais ne pas oublier », dit-il alors.
En 2003, il boycotte la présidentielle, comme les autres candidats des grands partis d’opposition.
Après la mort de Conté et la prise du pouvoir par une junte dirigée par le capitaine Moussa Dadis Camara, fin 2008, Alpha Condé réclame des élections et reste dans l’opposition.
Il est en visite à New York quand l’armée réprime dans le sang un rassemblement de l’opposition à Conakry, le 28 septembre 2008, tuant 157 civils. Condé est alors l’un des premiers opposants à fustiger le « pouvoir criminel » et à dénoncer la responsabilité du chef de la junte dans le massacre.
Il a été marié trois fois et est père d’un garçon.
afp