En même temps qu’elle statuait sur l’affaire Global Voice, l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) s’est penchée sur des dossiers pour le moins troublants. Le ministère d’Amadou Tidiane Bâ a été ainsi pris sur des faits inquiétants visant à faire approuver par la Direction centrale des marchés publics (Dcmp) un marché déjà…exécuté ! Par ailleurs, la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif) s’est aussi fourvoyée dans un marché d’achat de véhicules. Dans la foulée, l’Armp a donné raison à la Cour des comptes dans le cadre du litige l’opposant à l’homme d’affaires Serigne Mboup.
L’affaire mettant en cause le ministère de l’Enseignement supérieur, des Universités et des Centres universitaires régionaux et de la recherche scientifique est consignée dans la décision numéro 124/10/Armp/Crd du 8 septembre 2010 obtenu par L’As. Epinglé par la Dcmp, le ministère s’est encore opposé à l’Armp et pour cause. Par lettre en date du 24 août 2010, le Directeur de l’Administration générale et de l’Equipement du Ministère de l’Enseignement supérieur, des universités et des Centres universitaires régionaux et de la Recherche scientifique a introduit un recours auprès du Comité de règlement des différents pour l’avis défavorable de la Dcmp, sur la décision d’attribution du marché relatif à la fourniture d’imprimés à plat destinés à l’organisation du baccalauréat général et technique 2010 et sollicitant l’autorisation de poursuivre la procédure.
Il ressort des éléments de la procédure, notamment de la lettre en date du 24 août 2010 de saisine de l’Armp et de l’original du marché, que celui-ci a été approuvé le 06 avril 2010. Par lettre n°000347/Mesucurrs/Dage du 04 mai 2010, l’autorité contractante a saisi la Dcmp pour immatriculation dudit marché. La Dcmp a, par lettre n°001906/mef/dcmp/dsi/41 du 06 mai 2010, opposé un refus à cette demande au motif que le marché concerné, conclu pour un montant de 41.648.690 FCFA ttc, a atteint le seuil d’examen préalable du rapport d’analyse comparative des offres et qu’il n’a pas été soumis à cette formalité.
En réaction à cette décision, par lettre en date du 19 août 2010, le ministère a communiqué à la Dcmp le rapport comparatif des offres et le procès-verbal d’attribution et a sollicité l’examen requis. Par dernière lettre en date du 19 août 2010, la Dcmp a confirmé le rejet de la demande d’immatriculation pour les mêmes motifs. Elle a ainsi souligné avoir procédé, après coup, à la revue du rapport d’analyse comparative des offres et du procès-verbal d’attribution du marché, pour sauver la procédure d’une éventuelle annulation. Pour l’Armp, il est constant que le marché litigieux a été approuvé le 06 avril 2010, avant même que la Dcmp n’en soit saisie pour immatriculation, et a déjà fait l’objet d’exécution. A cet égard, la Dcmp, dont la compétence se limite à exercer un contrôle a priori des procédures de passation relatives à des marchés publics, délégations de service et contrats de partenariat non encore approuvés, n’a pas été mise dans les conditions d’exercer son contrôle, car son intervention après coup aurait relevé d’un contrôle a posteriori, ce qui n’est pas de sa compétence.
La Centif aussi…
La décision numéro 125/10/Armp/Crd du 8 septembre concerne une saisine de la Cellule nationale de traitement des informations financières qui contestait elle aussi la décision de rejet par la Dcmp de sa demande d’immatriculation du marché relatif à l’acquisition de deux véhicules. Suivant publication dans le quotidien « Le Soleil » des 19 et 20 avril 2010, la Centif a lancé un appel d’offres pour l’achat de deux véhicules, une 4 x 4 et une berline. Le 4 juin 2010, elle a fait publier dans le même quotidien un avis d’attribution provisoire dudit marché à la Société d’Equipement et de Représentation automobile (Sera). Suivant bordereau d’envoi du 12 juillet 2010, l’autorité contractante a saisi la Dcmp pour avis sur le rapport comparatif des offres et le procès-verbal d’attribution provisoire. Le 16 août 2010, la Dcmp a rendu un avis défavorable sur la proposition d’attribution du marché.
Par lettre en date du 19 août 2010, la Centif a saisi l’Armp pour obtenir l’autorisation de poursuivre la procédure de passation. Ce que l’instance a encore refusé et pour cause. Il ressort des lettres en date des 16 juillet et 10 août 2010, que la Dcmp a justifié son avis défavorable à la poursuite de la procédure, par l’irrégularité résultant de la composition de la Commission des marchés qui a procédé à l’évaluation des offres et a proposé à l’attribution provisoire le marché litigieux. En effet, la Dcmp a estimé que la Commission ne comprenait pas le représentant du ministère de tutelle. Sur le rapport d’analyse et d’attribution, la Dcmp a relevé que le modèle de rapport d’analyse type n’a pas été utilisé. Par ailleurs, l’examen de la qualification du candidat, dont l’offre conforme a été évaluée la moins disante, n’a pas été fait. Au regard de ces éléments et d’autres, la Dcmp a conclu que la proposition d’attribution n’a pas été faite conformément aux dispositions des articles 67 à 70 du Code des marchés publics. Enfin, la Dcmp a estimé que le seuil de revue du rapport d’analyse et du procès-verbal d’attribution provisoire, soit 40 millions de francs Cfa, a été atteint et que, par conséquent, le dossier aurait dû être soumis à la revue a priori. Une position confirmée par l’Armp.
Serigne Mboup perd contre la Cour des comptes
La décision numéro 120/10/Armp/Crd du 8 septembre 2010 quant à elle, vide le recours de la Société Espace Auto concernant l’appel d’offres numéro 01/cc/2010 de la Cour des comptes, relatif à l’acquisition de quatre véhicules de type berline (essence). A la suite de la suspension du marché, l’Armp qui a regardé le dossier dans le fond a donné raison à la Cour des comptes et pour cause.
La Cour des comptes fait observer que la Commission des marchés, sur la base des éclairages de la commission technique, s’est fondée sur les critères de qualification des candidats, de conformité des offres et du prix pour attribuer provisoirement le marché. Elle renseigne aussi que la Commission technique n’a pas retenu les offres d’Espace Auto et de Sera lors de l’examen préliminaire, parce qu’elles ne sont pas conformes aux exigences techniques dont la cylindrée constituait un « élément de variation majeure », eu égard au fait qu’en « application du paragraphe 5.5 du point 5 de l’annexe 1 de « l’instruction pour l’évaluation des offres » du dossier type pour l’évaluation des offres, la non atteinte de la cylindrée constitue une variation majeure sur la base de laquelle la conformité pour l’essentiel a été appréciée ».
En conséquence, « les soumissionnaires n’ayant pas satisfait à cette exigence n’ont pas été déclarés conformes pour l’essentiel ». La Cour des comptes ajoute, enfin, que les offres non conformes lors de l’examen préliminaire n’ont pas fait l’objet d’analyse par la Commission des marchés. Ce qui explique l’absence d’Espace Auto et de Sera dans le rapport relatif à l’attribution provisoire. Des arguments qui ont fini de convaincre l’Armp qui a demandé la continuation de la procédure.
C.M.G
lasquotidien.info