Il faut bien la reconnaître, Aminata Tall ne recule jamais quand il faut mettre le fer au feu. Elle a du caractère et ne se prive jamais de le faire savoir dans son parti. Refusant de se prêter au jeu des chaises musicales pour lequel Me Wade est un orfèvre hors catégorie, l’ex-secrétaire générale de la Présidence de la République réagit par une moue dédaigneuse au poste de ministre d’Etat, ministre de la Fonction publique et numéro deux du gouvernement que le locataire du palais de l’avenue Senghor a bien voulu lui tailler. Trop peu pour l’ex-mairesse de Diourbel qui a juré de ne plus siéger dans un gouvernement qu’elle ne dirigerait pas. Un nouveau bras de fer qui s’étale à longueur de journée sur les vitrines de la presse sénégalaise.
Aminata Tall aime le tumulte et ça lui réussit fort bien. Rappelons simplement que Me Wade l’a réhabilitée, quand Idrissa Seck a voulu l’enterrer. L’homme fort du Pds a encore volé à son secours dans l’affaire du Programme national de développement local (Pndl) qui l’a opposée à Macky Sall, alors Premier ministre. Elle a « perdu », malgré la solidarité des mouvements de femmes, la bataille de la Présidence du Sénat, après avoir refusé le poste de vice-président de l’Assemblée nationale. N’empêche, elle reste un cacique incontournable dans le dispositif du Pds. Face au leadership de Idrissa Seck ensuite de Macky Sall, Aminata Tall est sortie indemne des bras de fer engagés. Elle a l’art de s’éclipser au bon moment pour ressurgir après, plus forte que jamais.
Quel est donc le carburant qui la fait marcher ? On dit que sa relation avec le président Wade est « particulière ». Confidence au journal Le quotidien : «On s’est rencontré dans son cabinet d’avocat, plus tard. Les gens sont toujours tentés de faire des commentaires, je sais qu’il a autant d’admiration et d’amitié pour moi que j’en ai pour lui. Mais… il n’y a pas d’amitié en politique.» Elle adhère au Pds dans les années 80 alors que les socialistes voulaient mettre le grappin sur elle. Son choix lui vaudra bien des honneurs.
Avec l’entrée de membres de l’opposition en 1991 dans le Gouvernement de majorité présidentielle élargie du président Diouf, elle est nommée ministre déléguée chargée de l’Alphabétisation et de la Promotion des langues nationales (avril 1991 – octobre 1992). A la sortie des «ministres de Wade», lors de la précampagne électorale de 1993, elle suit son mentor qui est lui aussi ministre d’Etat et candidat à la prochaine présidentielle. Dès les retrouvailles Diouf-Wade, à la suite des troubles postélectoraux, Mme Tall avait refait son come-back avec les ministres du PDS, en devenant ministre déléguée chargée de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle (mars 1995-mai 1998).
Comptant parmi les fidèles du «Pape du Sopi», elle quitte avec les siens le président Diouf pour, à nouveau, préparer l’élection présidentielle de 2000. Ce scrutin, fatal pour le candidat socialiste, allait donner le pouvoir à son leader, Abdoulaye Wade. Les multiples fonctions ministérielles ont souvent été entrecoupées de mandat de député. Elue en 1993 et en 1998 sur la liste du PDS, Mme Tall a été 6ème vice-présidente de l’Assemblée nationale de juillet 1998 à juin 1999. Avec l’alternance, elle truste les nominations et s’impose comme l’une des personnalités les plus en vue de la galaxie Wade.
Pour cette quinquagénaire qui aime cultiver « l’élégance et le raffinement », le parler vrai est un principe. Son appartenance au Pds et sa proximité avec Wade ne lui ont pas empêché de clamer son opposition à l’érection du Monument de la Renaissance. Lors des dernières locales de mars 2009, elle boude son camp politique pour avoir été ignorée lors de la confection des listes et le Pds prend une claque mémorable à Diourbel.
Sa relation inconstante avec le président Wade la pousse souvent à la violente intransigeance. Cela donne : «Les militants et tout le monde sont unanimes à penser que le mal du parti, c’est Abdoulaye Wade. Qu’ils le disent ou qu’ils ne le disent pas. D’ailleurs, c’est là que je vois une certaine hypocrisie. Wade déjoue toute forme d’alliance fraternelle au nom d’un seul principe : « diviser pour mieux régner »».
Aujourd’hui, elle ne cache guère travailler à une alliance avec les frères bannis du Pds que sont Idrissa Seck et Macky Sall. Pour garder haut le flambeau libéral et assurer la continuité. En face, cette liberté de ton et d’action est mal vue. Et ça manipule ferme pour lui enlever tout moyen d’action. La mairesse de Diourbel, cependant, n’en a cure : «Moi, je n’ai peur de rien, je ne recule devant rien, et personne ne peut m’intimider». Tout un programme !