Trois questions à …Amsatou Sow Sidibé, Professeur agrégée en Droit civil
Professeur agrégée en droit, titulaire de chaire à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), directrice des droits de l’homme et de la paix à l’Ucad, présidente du réseau africain des femmes travailleuses (Rafet), titulaire de plusieurs distinctions, nominée parmi les 1000 femmes Nobel de la Paix. La combattante inlassable de la cause féministe porte toutes ces casquettes. Son organisation Rafet est née suite à la conférence mondiale des femmes de Beijing. Les femmes africaines avaient, alors, éprouvé le besoin de créer une structure autour de la femme travailleuse. C’est une organisation à vocation panafricaine installée dans quelques pays africains. Le Rafet mène des actions de lutte contre la pauvreté et de sensibilisation des femmes sur leurs droits et leurs obligations.
Qu’est-ce qui bloque la réforme du Code de la famille ?
Il n’y a pas suffisamment de sensibilisation sur la question. Les gens comprennent mal les enjeux de cette loi qui ne cadre pas avec une religion bien interprétée. Socialement, nos coutumes n’interdisent pas à la mère de s’occuper de ses enfants. La puissance paternelle est plus destructive que constructive. Il ne s’agit pas pour les femmes de revendiquer le statut de chef de famille. Leur seule préoccupation de femme est d’être plus utile pour la famille, dans le respect des droits, dans l’éducation et l’entretien des enfants, dans la garde des enfants.
Quel rôle jouent les associations féministes pour faire accepter la réforme ?
Les organisations féministes jouent leur partition car elles savent qu’elles ont un rôle à jouer dans la sensibilisation. Cette lutte pour que la puissance paternelle soit extirpée de notre système juridique dure depuis les années 70, notamment avec la mise en place de l’Association des juristes sénégalaises. Ce combat se poursuit avec d’autres organisations en particulier le Rafet et d’autres organisations présentes dans le pays.
Le président Wade a pris plusieurs initiatives pour l’égalité des sexes. Quelle est votre appréciation ?
Tout cela, c’est bien. Mais, il ne faut pas voir la promotion de la femme comme une faveur. Nous ne demandons pas de la charité. Nous avons des droits qui sont des droits fondamentaux, des droits humains reconnus par la Déclaration de Vienne sur les droits de l’homme de 1993. Les droits de la femme ne sont pas des droits supérieurs ou inférieurs, ce sont des droits tout court exigibles qui doivent être réalisés. Nous nous félicitons que sur certains points il y ait un soutien qui ait abouti. Mais, il reste beaucoup à faire sur tous les plans. Quand on prend les trois générations de droits humains : les droits civils et politiques, les droits économique sociaux et culturels, les droits dits collectifs relatifs à un environnement sain, à la paix à ces différents niveaux, il reste beaucoup à faire. Sur les droits civils, nous ne voulons plus qu’il y ait des mariages forcés ou précoces, nous ne voulons plus de violences faites aux femmes. Or on constate une recrudescence de cette violence faite aux femmes. Nous voulons que les droits politiques des femmes, qui impliquent une meilleure responsabilisation aux instances décisionnelles des femmes, soient une réalité parce qu’elles ont un droit naturel à la participation. C’est un droit humain des femmes.
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