Monsieur Babacar Laye DIOP, Spécialiste en gestion de projet, France
Monsieur Boubacar DIALLO, Spécialiste Intelligence économique, France
Monsieur Ivant Ampa Yosse DIAGNE, Analyste Manager Territorial, France
Monsieur Seydina Alioune CISSOKHO, Gestionnaire Comptable et Financier, Sénégal
L’épidémie du coronavirus (Covid-19) est une maladie provoquée par un nouveau virus qui n’avait encore jamais été identifié chez l’être humain. Ce virus très contagieux et se propage essentiellement par contact direct ou indirect d’une personne infectée, le jet de postillons, ou de sécrétions nasales. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), cette pandémie (épidémie touchant tous les continents) a atteint plus de 2 millions de personnes dont au moins 150 000 morts dans le monde, au 18 avril 2020. Le taux de létalité (rapport du nombre de décès liés à l’épidémie sur la population contaminée) varie selon l’âge des patients. Il est de 0,32% pour les personnes de moins de 60 ans, 6,4% pour les plus de 60 ans et 13,8% pour celles âgées de 80 ans selon l’étude de la revue anglaise “The Lancet” parue le 3 avril 2020. Cette pandémie à coronavirus 2019 (Covid-19) a été signalée pour la première fois à Wuhan, en Chine, le 31 décembre 2019, et a atteint plus de 185 pays dont le Sénégal. Afin de lutter contre le Covid-19, des mesures drastiques sont mises en oeuvre à travers les pays. Qu’en est-il au Sénégal ?
Comme d’autres pays à travers le monde, le Sénégal a enregistré son premier cas de nationalité étrangère atteint du covid-19 le 28 février 2020, puis une contamination progressive s’est enclenchée du fait de l’interaction humaine et de la proximité des populations. Cette situation inquiétante a conduit le gouvernement du Sénégal à prendre à la du 23 mars 2020 une série de mesures pour limiter la propagation du virus : ? L’état d’urgence sur l’étendu du territoire national, l’interdiction de grand rassemblement et de toute activité suscitant la concertation de personnes, la fermeture des écoles et universités, des lieux publics, fermeture des frontières, restriction des déplacements entre régions ; ? L’instauration d’un couvre-feu (de 20h à 6h du matin) Ces mesures reflètent une volonté des autorités publiques du Sénégal à mener un combat contre cette épidémie dans un contexte socio-économique particulier en ce sens que c’est une grande première dans le pays et que la qualité du système sanitaire fait défaut sans oublier la fragilité du tissu économique (plus de 80% de l’activité économique est informelle selon la Banque Mondiale, 2018). C’est pourquoi plusieurs questions suscitent notre réflexion: ? Les mesures fortes édictées par le gouvernement du Sénégal (fermeture des frontières, couvre-feu, état d’urgence) sont-elles efficaces pour endiguer la contagion du virus covid-19 ? ? Quelles stratégies faudrait-il adopter pour un pays comme le Sénégal pour protéger ses citoyens et limiter les impacts économiques du covid-19 ? ? Le Sénégal et l’Afrique ne pourraient-ils pas tirer profit de cette crise sanitaire ? Cet article apporte un éclairage à travers des réponses croisées aux interrogations ci-dessus sur deux points essentiels : premièrement la pertinence des mesures appliquées et deuxièmement l’orientation stratégique prospective au lendemain de cette épidémie. Les mesures édictées par le gouvernement (fermeture des frontières, couvre-feu, état d’urgence) sont-elles efficaces pour endiguer la contagion du virus covid-19 ? ? Fermeture des frontières La fermeture des frontières est une mesure salutaire permettant de freiner les cas importés. Le retard de sa mise en place a occasionné l’augmentation du nombre de personnes infectées. De plus le manque de déploiement d’un dispositif sécuritaire suffisant pour contrôler les frontières est source potentielle d’entrée de personnes susceptibles d’être infectées. Donc la cartographie des frontières permettrait d’avoir une meilleure vision et donc une affectation stratégique des services de sécurité pour la surveillance. L’analyse de cette mesure montre évidemment des impacts sectoriels considérables, en particulier dans le secteur de la pêche, les entreprises qui exportent des poissons frais sont à l’arrêt soit environ 2 milliards de Franc CFA de pertes et près de 1500 emplois menacés. Dans le secteur du BTP, cette situation s’est traduite par une baisse d’activité occasionnant le licenciement de centaine de travailleurs journaliers. ? L’État d’urgence L’état d’urgence est une mesure prise par le président de la république en cas de péril imminent dans le pays. C’est un instrument juridique qui confère des prérogatives supplémentaires aux administrations décentralisées en cette période de crise sanitaire. En d’autres termes c’est une décentralisation provisoire de certaines décisions jugées nécessaires pour la sécurité des concitoyens. A ce stade, il nous est compliqué d’analyser sa pertinence en raison de son application très récent. En revanche, il faut noter la nécessité d’une communication efficace sur l’intérêt que présente l’état d’urgence pour les autorités locales afin d’éviter tout dérapage ou abus. ? Le couvre-feu Le couvre-feu est une interdiction à la population de circuler dans les rues durant une certaine période de la journée (de 20 heures à 08 heures). C’est une mesure importante en ce sens qu’elle permet de limiter les rassemblements et déplacements de personnes. Mais il faut un accompagnement notamment, la mise en place de transports publics (Bus “Dakar-Dem-Dikk” et réquisitionnement de transports privés) qui transportent les personnes qui, occasionnellement rentrent tard du travail en raison de la structuration informelle de leurs activités. Aujourd’hui il y a un changement important des comportements citoyens. Par exemple, beaucoup de personnes respectent cette mesure en évitant de sortir la nuit et cela peut permettre de limiter la propagation du virus pendant la nuit. Or la transmission du virus n’a pas de rapport avec le temps. Par ailleurs, la problématique de la collecte de données pour les besoins d’identification et de localisation des personnes à risques explique en grande partie les difficultés de mesure de l’efficacité du couvre-feu. Ces difficultés sont dues à une conséquence structurelle des politiques publiques en matière d’investissements dans les technologies. Cette crise sanitaire pourrait être considérée comme une opportunité pour basculer vers la « numérisation » effective de l’activité économique. Quelles stratégies faudrait-il adopter pour un pays comme le Sénégal pour protéger ses citoyens et limiter les impacts économiques? La numérisation de l’activité économique pourrait permettre de formaliser les entreprises informelles, par exemple la déclaration d’activités ménagères, signature de contrats dans une plateforme numérique, l’identification au registre de commerce… La mise en place d’une telle mesure aurait permis, en cette période de crise sanitaire, d’identifier plus précisément les personnes infectées, les zones contaminées, villes et secteurs les plus exposés au covid-19 et de mieux organiser l’acheminement de l’aide sociale (distribution de denrées de première nécessité). En outre, pour limiter la propagation du virus, il faudrait procéder à un ciblage communautaire ou par ville pour identifier les cas infectés du covid-19, limiter le nombre de personnes dans les véhicules de transports, soutenir la fabrication et la distribution de masques; construire des centres de réception et de traitement des malades du covid-19 afin de libérer de la place pour les patients non atteints de ce virus. Il faudrait également procéder à des confinements partiels à domicile. Le confinement partiel sur certaines conditions permettrait les personnes de continuer de travailler en sécurité, d’aller faire des courses nécessaires, en utilisant une autorisation de circulation à contrôler strictement pour éviter l’abus. Le Sénégal et l’Afrique ne pourraient-ils pas tirer profit de cette crise sanitaire ? D’abord, il faut savoir que cette crise sanitaire révèle deux points fondamentaux : la vulnérabilité de nos systèmes de santé d’une part et, d’autre part, la faillite des politiques publiques en matière d’investissement pour assurer une certaine indépendance économique, sanitaire et technologique mais également le positionnement de l’Afrique vis-à-vis du reste du monde. Au lendemain de cette crise sanitaire, il faudrait réformer en profondeur notre système de santé publique en créant un numéro d’identification sociale unique pour chaque acteur informel, une plateforme reliant mutuelles de santé, réaliser une cartographie des priorités en matière de santé. Au Sénégal, il s’agira de : ? Réaliser une cartographie des secteurs stratégiques et sensibles afin de revoir l’agenda des priorités en matière de sécurité nationale; ? Créer un hub numérique qui utilise l’intelligence artificielle dans le développement de la médecine et de l’enseignement à distance; ? Investir dans le développement d’applications de recensement et de numérisation des donnés à des fins d’identification et de sécurité sociale; ? Investir dans la formation aux métiers du numérique et accroître le budget de la santé publique ; ? Revaloriser la production alimentaire nationale pour réduire la dépendance alimentaire envers l’étranger et miser sur les transferts de technologies dans la rédaction des appels d’offres. ? Construire des laboratoires dédiés aux études épidémiologique en collaboration avec les facultés de médecine et de pharmacie. Au niveau africain : ? Créer une institution africaine dotée de fonds orientés dans la gestion des épidémies qui sévissent en Afrique sous le regard du monde; ? Créer des laboratoires africains financés par des fonds africains afin de mener des recherches médicales en utilisant les technologies numériques; ? Développer des politiques de coopération sanitaire entre les centres de recherches universitaires et laboratoires existants au niveau de la CEDEAO, ou dans la zone UEMOA.
Excellente contribution les gars. Je vous tire le chapeau.???