Le Grand Magal de Touba 2022 a enregistré plus de 151 accidents sur les routes, selon les données du Groupement National des Sapeurs pompiers du Sénégal avec 33 décès et 939 blessés.
Chaque année, les évènements religieux, le Magal de Touba, le Gamou de Tivaouane, le pèlerinage Marial de Popenguine, la fête de Tabaski ou de Korité, pour ne citer que ceux-là, occasionnent beaucoup d’accidents sur nos routes avec des conséquences néfastes en perte de vies humaines et des blessés graves. Cette situation dramatique qui dure depuis des décennies n’a abouti sur aucune prise de conscience de la part de la société sénégalaise dans sa globalité. Tout le monde est fautif : L’État, les conducteurs, les syndicats de transporteurs, les forces de défense et de sécurité notamment la police et la gendarmerie. Bref, la responsabilité incombe à tout le monde. Il est inadmissible et incompréhensible qu’en l’espace de moins d’une semaine, on dénombre 33 décès et 939 blessés. Ce bilan macabre devrait être à la limite annuel.
La responsabilité première de l’état est située, car chaque année, les Comités Régionaux de Développement (CRD) organisés par les gouverneurs, préfets avec les ministères de l’intérieur, de la santé pour les préparatifs des grands événements religieux du Magal de Touba et des différents Gamous, portent souvent sur les réalisations faites par le pouvoir en place en termes d’infrastructures. Dans ces CRD, les débats sont plutôt orientés sur l’accès à l’eau potable, la question de l’assainissement, les bassins de rétention, la logistique. Jamais, la problématique récurrente des accidents n’est abordée, encore moins des pistes de solutions pour réduire le fléau à défaut de l’anéantir définitivement. L’État doit mettre en place des CRD dédiés exclusivement à la prévention de ces accidents pour sensibiliser davantage les usagers de la route, conducteurs, passagers, des risques énormes liés à la conduite avec des comportements jugés dangereux sur nos routes et autoroutes.
Les forces de sécurité et de défense, en particulier, la police et la gendarmerie en charge de veiller au respect des lois et règlements relatifs au code la sécurité routière et qui appliquent des sanctions aux conducteurs fautifs, ne jouent pas pleinement leur rôle. Les contrôles ne sont pas assez sévères pour contrer toute situation qui peut déboucher sur une insécurité routière. On voit partout sur les routes du Sénégal, pas seulement durant les évènements religieux majeurs comme le Magal ou les Gamou, des véhicules surchargés de voyageurs sous l’œil des policiers ou des gendarmes sans pour autant que ces derniers n’interviennent en donnant des constats d’infractions ou mettre hors mise en service du véhicule impliqué. Durant ces grands événements, le contrôle et la surveillance sur les routes et les autoroutes doit être renforcé avec la mise en place de patrouilleurs policiers ou gendarmes. La surveillance et le contrôle du réseau routier et autoroutier du Sénégal par la création d’une brigade spéciale appelée police routière s’avère indispensable. La présence de manière permanente des patrouilleurs, le long des axes routiers et autoroutiers représente une des mesures dissuasives importantes qui pourraient agir de façon significative sur le comportement du conducteur au volant de son véhicule. Plus la présence de la police routière est accrue, plus le conducteur fait beaucoup attention à sa conduite et adopte des comportements responsables eu égard au respect des limites de vitesses permises et au code de la route.
Il est évident qu’une grande partie de ces 151 accidents enregistrés pour le moment est imputable au facteur humain. Malheureusement, dans notre pays, la plupart des conducteurs ne font que déplacer leur véhicule, d’un point A à un point B. Aucune maîtrise des techniques les plus élémentaires de la conduite. On ignore complètement les règles du code de la route, on ne respecte pas la signalisation, ni les feux de circulation. Ces accidents sont certainement causés pour la plupart par des excès de vitesse, des dépassements dangereux, au manque de formation des chauffeurs sur les différentes techniques de conduite et à l’apprentissage du code de la sécurité routière. D’où, la nécessité d’engager très rapidement des réformes majeures dans la délivrance des permis de conduire au Sénégal. Le processus d’obtention du permis de conduire, n’obéit pas généralement à une règle de formation et d’apprentissage rigoureuse qui donne lieu à de bons conducteurs. L’obtention du permis de conduire ne doit pas être considérée comme un droit acquis, elle doit être plutôt perçue comme un privilège. Au Sénégal, on pense souvent qu’on a le droit de conduire parce qu’on détient un permis de conduire valide. C’est tout à fait le contraire, on conduit, car on a un permis valide, donc, on est un privilégié, après avoir suivi une formation rigoureuse avec des modules d’apprentissage composés de partie théorie et pratique. Après avoir passé un examen théorique rigoureux qui doit comporter normalement une section sur le code de la sécurité routière, la signalisation et la technique de conduite de la classe de permis appropriée. Le candidat à l’obtention du permis de conduire, doit obligatoirement subir un examen pratique sur la route. À La réussite de cet examen, il lui sera délivrer son sésame, c’est-à-dire son permis de conduire. À Partir de ce moment, il aura largement le privilège de conduire sur les routes et autoroutes du Sénégal.
Les autres facteurs de risque qui doivent être pris en compte dans ces accidents de la route de manière générale et qui sont toujours inscrits dans le comportement du conducteur, demeurent, la fatigue au volant, les capacités affaiblies par l’alcool, les drogues ou les médicaments.
L’autre facteur de risque ayant probablement conduit à ces 151 accidents graves durant le Magal de Touba, est l’état des véhicules impliqués. Peu importe le type de véhicules utilisés (particulier, minibus, autobus, taxis etc…) pour transportés les pèlerins, leurs états pour la grande majorité sont jugés peu satisfaisants. La plupart de ces véhicules présentent des risques énormes susceptibles de créer des accidents. Plusieurs raisons expliquent cette situation. D’abord, un bon nombre de ces véhicules sont vétustes et présentent des risques réels quant à la sécurité de ces occupants et des autres usagers de la routes. Par ailleurs, une grande partie du parc automobile du Sénégal, tout confondu, est composée de véhicules ayant des défectuosités mécaniques mineures ou majeures qui ne font jamais l’objet de réparation, malgré les signalements ou les détections observés par les centres de contrôles techniques ou les garages de mécaniciens certifiés éparpillés sur l’ensemble du territoire du Sénégal.
L’augmentation de la population du Sénégal est suivie d’un accroissement de la mobilité, d’un essor des investissements dans les infrastructures et d’une augmentation de la motorisation des transports. Le gouvernement doit redoubler d’efforts afin d’apporter des solutions concrètes pour éradiquer ce fléau. Pour cela, il doit agir sur les causes mentionnées ci-dessus en mettant en place un programme de sécurité routière (PSR) qui définira l’ensemble des activités devant être mises en œuvre pour atteindre un objectif préétabli de réduction des accidents comme recommandé par l’Association mondiale de la route et mise en œuvre dans plusieurs pays de l’OCDE. Ce programme pourra s’intituler « Programme de sécurité routière 2022 – 2032 » avec comme objectif, la réduction de la mortalité sur les routes afin d’atteindre un taux de mortalité par accident de la route (pour 100 000 hab.) de 5. Pour y arriver, le plan doit être structuré autour de la prévention, de la qualité des modes de transports utilisés, de la conception et de l’entretien des routes et de la législation.
S. A -Analyste en Transport et Sécurité routière.
Analyste en Transport et Sécurité routière: Encore, la route qui tue sur le chemin du Grand Magal de Touba
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