Le président de la république SEM Macky Sall demande une annulation de la dette pour les pays africains éprouvés par la pandémie de la Covid-19. Pour le chef de l’Etat, le coronavirus causera forcément à l’Afrique un préjudice financier important. Et c’est pourquoi, les pays africains, confrontés à la propagation du virus, devraient bénéficier d’une annulation de la dette.
Le chef de l’Etat a fait appel aux partenaires bilatéraux et multilatéraux parce que «l’ Afrique a l’image du monde est gravement atteinte par la pandémie de la Covid-19 qui va durablement impacter son économie.»
La plupart des pays africains ont connu une croissance rapide ces dix dernières années, attirant de nouveaux créanciers publics comme la Chine, l’Inde, le Brésil, mais surtout des créanciers privés qui jusque là boudaient la dette publique de ces pays depuis la grande crise d’endettement du début des années 1980 et les épisodes de défaut partiel de paiement. Aujourd’hui, la dette extérieure publique totale des États d’ Afrique subsaharienne est à plus de 40% entre les mains de créanciers privés, avec toutefois de grandes différences entre ceux-ci.
Depuis la crise financière de 2008, certains États d’Afrique Sud Saharienne ont accédé au marché international des euro-obligations communément appelées eurobonds selon la Banque mondiale, grâce à une baisse notoire des taux directeurs des grandes banques centrales et aux politiques monétaires dites non conventionnelles. C’est ainsi que 15 pays africains à faible revenu ont emprunté sur ce marché depuis 2007. Par contre en 2019, 13 émissions d’euro-obligations ont été faites. Ensemble, le Kenya, le Mozambique, le Ghana, le Bénin, la Côte d’Ivoire, l’Angola et l’Afrique du Sud ont levé quelques 16,38 milliards de dollars. En 2020, le montant des émissions africaines a dépassé les 100 milliards de dollars selon toujours la Banque mondiale, avec des obligations détenues par des investisseurs principalement privés. Quand les premiers cas de la pandémie se sont manifestés sur le continent, les marchés des capitaux ont fortement réagi, comme l’attestent les variations des rendements d’euro-obligations de douze pays cotés sur le marché de Francfort.
Cette part importante des créanciers privés dans la dette publique extérieure pèse fortement sur le budget des États africains. Les taux d’intérêt associés à ces dettes sont largement supérieurs à ceux proposés par les prêteurs publics et les durées de remboursement excessivement courtes. Cela a pour conséquence un service de la dette plus important pour ces États majoritairement endettés auprès de créanciers privés, ce qui constitue une menace pour leur programme de résilience face à la pandémie.
Une première annulation de dette étendue à l’ensemble des créanciers a déjà eu lieu ans le cadre des initiatives Pays pauvres très endettés (PPTE) en 1996 et en 1999 d’après un document un document du FMI. Vu que cela a été fait de manière non consensuelle, certains créditeurs privés avaient assigné en justice les pays bénéficiaires afin de recouvrer leurs créances. Cependant cet épisode a laissé de mauvais souvenirs des deux côtés.
Un mécanisme élargi de négociation de la dette impliquant les clubs de Paris et de Londres ainsi que des représentants des porteurs d’obligations serait donc plus préférable. Cependant une telle action demanderait une coordination efficace dans un court terme entre une multitude de créanciers.
Du seul côté des créditeurs bilatéraux, une véritable coordination entre pays de l’OCDE et pays émergents reste hypothétique dans la durée, bien que la récente participation de tous au moratoire puisse changer la donne. Pour ce qui est de la dette détenue sous forme d’euro-obligations, en l’absence de coopération, un défaut reste possible, mais renforcerait l’aversion des investisseurs vis-à-vis des futures émissions obligataires africaines du fait du caractère exceptionnel de la situation qui pourrait atténuer cet effet. De plus, les défauts de paiement sur les marchés d’euro-obligations se paient généralement cash avec l’application éventuelle de sanctions comme une exclusion des marchés financiers, downgrading, fonds vautours, etc.
Certaines euro-obligations africaines arrivant bientôt à échéance (Sénégal, Nigeria et Namibie) et pour éviter un futur risque de refinancement, une des pistes consisterait à associer les institutions financières multilatérales compte tenu du niveau des taux d’intérêt sur le marché secondaire de l’ordre de 12 à 16 % parce que de nouvelles émissions à 12 % voire 16 %, seraient néfastes pour les économies africaines. Des opérations de protection avec le Fonds monétaire international et la Banque africaine de développement pourraient ainsi aider les pays à alléger leur contrainte en devises.
Le plaidoyer du président Macky Sall du 25 mars 2020 dernier , devenu l’Appel de Dakar, qui a obtenu le soutien de ses pairs africains à l’issue d’une réunion« restreinte » de l’Union africaine qui s’est tenue le 3 avril 2020 est plus que d’actualité et doit être soutenue par les Sénégalais, les Africains et les différentes Diasporas pour que des alternatives soient trouvées avec les juridictions du Royaume-Uni et de New York, les Nations Unies, le G20, les institutions financières et particulièrement la Banque africaine de développement.
L’Afrique dispose de 65% des terres arables avec un climat propice à l’agriculture en plus de d’un tiers des matières minérales connues et ne doit nullement se mettre en marge de la marche du monde n’en déplaise à cette minorité gesticulante adepte de la polémique permanente. L’appel de Dakar change complément le paradigme car avec la pandémie de la Covid-19, les dépenses des États africains vont augmenter à côté des programmes de développement alors que les recettes auront inexorablement chuté. Le débat initié par SEM Macky Sall doit être l’affaire de tous car c’est seulement ensemble que nous serons forts et nous irons loin également.
Ben Yahya SY
Convergence des Cadres Républicains