L’expression de la colère par l’exercice de la violence est en phase de devenir une stratégie politique au sein de l’Alliance pour la République (Apr). Après Fatick, la banlieue de Dakar veut se faire entendre par les mêmes moyens.
Les laides scènes de violence politique que les jeunes de l’Alliance pour la République (Apr), qui ont chassé de Fatick des ministres de la République, risquent d’être un bel exemple pour d’autres têtes brûlées du parti de Macky Sall. Moins d’une semaine après cette violente fronde qui a contraint le président de la République à se rendre dans son fief en rébellion pour recoller les morceaux, Pikine et Guédiawaye s’apprêtent à entrer en rébellion avec les mêmes armes non conventionnelles. De sources concordantes, un plan de perturbation des prochaines visites en banlieue des hauts responsables de l’Apr au gouvernement ou à l’Assemblée nationale se prépare. « Plusieurs réunions nocturnes ont été tenues à cet effet dans des lieux tenus secrets », selon les mêmes informateurs. Ceux-là jurent sur la « patrie » que, comparativement à l’intifada des jeunes « apéristes » qui a fait fuir de Fatick samedi dernier les ministre Abdou Latif Coulibaly, Mbagnick Ndiaye et Thierno Alassane Sall, « ce que Pikine et Guédiawaye préparent à leurs responsables politiques ne sera pas très différent de ce qui s’est passé, le 23 juin.»
Prémices. Il faut dire que les signes précurseurs de la révolte des militants de l’Apr sont perceptibles depuis quelques jours. D’abord, avec la manifestation de colère des habitants de Djidah Thiaroye Kaw contre l’hécatombe des bassins de rétention, il a été créé le Mouvement pour les 9, en référence aux 9 morts noyés du bassin de ladite localité. Et lors du point de presse qu’ils ont tenu au complexe culturel Léopold Sédar Senghor, le 7 février passé, le coordonnateur départemental du Mouvement pour la défense de la République (Moder), structure rattachée à l’Apr, Alioune Diop a fusillé les responsables de son parti au pouvoir en ces termes : « Nous attirons l’attention des députés issus de la banlieue sur leur obligation de relayer les préoccupations des populations. Depuis leur nomination, ils brillent par leur absence. Ils s’éloignent de plus en plus des populations et oublient le processus qui les a portés au pouvoir. Au sein de l’hémicycle, on ne les entend jamais porter le combat des populations.» D’autres membres de ce mouvement sont allés plus loin en parlant de députés ayant « trahi » les populations. « Ils sont en train de tromper Macky Sall. Ils ne sont pas à la hauteur. Avant de devenir des parlementaires, ils avaient tenu la promesse de représenter dignement les populations. Ils avaient même assuré de tenir des rencontres périodiques pour savoir ce que veulent les populations. Depuis lors, ils ne prennent plus leur téléphone, ne fréquentent plus le siège départemental de l’Apr », disent-ils sans menace.
COMPLAISANCE. Il faut dire que si des « apéristes » de la banlieue de Dakar envisagent de suivre l’exemple des jeunes de la ville natale de Macky Sall, c’est parce que ces derniers ont pu réussir leur coup. « Des jeunes ont violemment agressé des ministres de la République – même s’il s’agit de responsables du parti Apr – en les chassant avec des jets de pierres, au-lieu de les traduire en justice, parce qu’ils ont été clairement identifiés. Ils ne sont condamnés que verbalement par le président de la République, Macky Sall », relève une source de l’Apr à Pikine. Mieux, ajoute notre interlocuteur, « ils ont obtenu plus qu’ils ne réclamaient, parce qu’ils ne voulaient que l’écoute des responsables de l’Apr de Fatick. Et ils ont contraint le Chef de l’Etat, leader de l’Apr, à les retrouver chez eux avec à la clé des promesses fermes d’offre d’emplois sur un ton diplomatique sous-tendu par le slogan : la patrie avant le parti.» Rappelons à ce niveau que le président de la République, Macky Sall, a déclaré à l’endroit des jeunes rebelles ce qui suit : « Je comprends la détresse de cette jeunesse, je comprends son message. Et j’ai été très surpris, lorsque j’ai appris ce qui s’est passé, samedi dernier. Mais très vite, j’ai compris que votre cri de détresse était une sorte de rappel en matière d’emploi, mais surtout que vous souhaitiez une plus grande présence des responsables politiques. Votre demande est bien comprise. À l’avenir, les responsables seront plus présents et plus attentifs à vos préoccupations.»
ABDOUL AZIZ SECK
Le Pays au Quotidien