Après le duel politico-judiciaire, le patron d’Advens a sorti de son chapeau d’homme d’affaires suffisamment « protégé » au Sénégal la problématique sanitaire des huiles de palme raffinées en parlant « d’une menace sur la vie de 25 millions de personnes ». Cette année, Jaber a convaincu, le président Abdoulaye Wade de restaurer une protection… sanitaire en signant en novembre un décret imposant des normes très strictes pour l’importation d’huile de palme raffinée. Une bataille pour la conquête de l’opinion nationale est lancée. N’est-ce-pas une décision politique pour protéger un concurrent local ? « Bien sûr. La Suneor continue de manipuler l’opinion. Je suis surpris par les arguments sanitaires et on me ferme toutes les portes pour protéger tout simplement l’entreprise dirigée par Abbas Jaber », s’indigne Alassane Diouf. Une explication qui paraît fondée. L’homme d’affaires Abbas Jaber, qui a vu ses dernières illusions s’éteindre sur la scène sous-régionale avec la montée en puissance de son concurrent ivoirien, s’est reclus dans son « propre pays » où il dispose d’un vaste de réseau de lobbying niché au sommet de l’Etat.
Le décret présidentiel 2009-872 invoque des motifs de santé publique en imposant un seuil maximal de 30 % d’acides gras saturés (AGS) dans les huiles. Une mesure destinée clairement à disqualifier l’huile de palme qui contient 50 % de cette substance et importée au Sénégal par le West Africa Commodities. Mieux le ministère de la Santé, après une lettre circulaire adressée aux importateurs et fabricants d’huile du 23 Octobre 2009, accentue les craintes et les psychoses en sortant une note « technique sur l’huile de palme d’origine malaisienne provenant de la Côte d’Ivoire ». Bien sûr, après une saisine des responsables de Suneor. A l’époque Thérèse Coumba Diop étayait son argumentaire en disant que ces AGS contribuent à augmenter le mauvais cholestérol (LDL) et les triglycérides tout en diminuant le bon cholestérol (HDL), pouvant aboutir à plus ou moins long terme, à l’apparition de l’obésité et de maladies cardiovasculaires (HTA et infarctus).
Les autorités sanitaires invoquent la modicité des prix de ces huiles pour expliquer la consommation massive des populations malgré « le danger qu’elles représentent d’où la nécessité d’en réglementer l’importation en fixant les normes dans l’attente d’une argumentation plus approfondie après une recherche bibliographique. » Mais, l’ancienne ministre de la Santé a volontairement oublié que son département n’est pas habilité à sortir cette mesure sanitaire. Car, c’est le Comité technique agroalimentaire qui doit donner un avis scientifique mais « il a refusé de le faire parce qu’il y avait aucune motivation scientifique qui pouvait justifier cette mesure. Finalement, c’est l’Etat qui sort la note après un vaste lobbying sous de simples prétentions et allégations. C’est dommage. Ils ont homologué selon les dispositions et les normes édictées par Abbas Jaber », s’indigne une source.
Aujourd’hui, la polémique et l’effervescence qui escortent la commercialisation de l’huile de palme raffinée ne seront pas facilement éteintes. Tant les avis des experts divergent sur le pourcentage des Acides gras saturés sur les produits. Le débat sur cette question, exacerbée par les enjeux financiers et stratégiques, est incontestablement loin d’être achevé au Sénégal et dans toute l’espace communautaire.
Pourtant Abbas Jaber tente de multiplier les synergies entre ses activités : coton et arachide, fibres et huile pour faire prospérer ses entreprises en Afrique de l’Ouest. Il faut donc remarquer que l’homme d’affaires continue de commercialiser cette huile dans les pays comme le Burkina Faso et le Togo tout en continuant de démontrer et de dénoncer la nocivité de l’huile de palme pour le consommateur sénégalais. A travers Nioto et Socoma et Suneor, propriétés d’Advens, il continue de commercialiser de l’huile de palme, souvent importée de la Malaisie, dans plusieurs pays de l’UEMOA. Les arguments alarmistes sur la santé des populations sont tout simplement « contradictoires et inacceptables » pour les concurrents de la Suneor qui y voient une « volonté manifeste et arbitraire de détruire » les autres entreprises. « Suneor semble oublier qu’elle importe de l’huile de palme et elle se contredit par rapport à ses arguments alarmistes sur la santé. On protège les Sénégalais mais les Burkinabés ou les Togolais peuvent mourir. Ce n’est pas grave. C’est insensé », se désole Alassane Diouf. Ce lobby pourrait-il le protéger de ses concurrents dans un marché de plus en plus libéralisé ?
En tout cas, la conquête de l’espace communautaire, instauré pour favoriser la compétitivité et le libre échange, est un combat fratricide qui remet en surface l’épineux sujet de la protection des industries africaines.
Bocar SAKHO
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