Le sommet Afrique-France qui s’ouvre lundi 31 mai à Nice est le 25e du genre, mais le premier pour le président Sarkozy. L’un des défis pour le chef de l’Etat consiste à faire oublier son discours de Dakar de 2007, au cours duquel il avait affirmé que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire », et qui avait largement choqué sur le continent.
Pour marquer le changement avec les sommets précédents, exclusivement politiques et sans conséquences concrètes, l’accent a été mis à Nice sur le rôle des entreprises et des investissements dans le développement. Pour tenter de gommer l’image d’une réunion de la famille « françafricaine », M. Sarkozy a annoncé qu’il s’entretiendrait en tête-à-tête avec les chefs d’Etat des deux poids-lourds économiques du continent, qui se trouvent être anglophones : Jacob Zuma, président de l’Afrique du Sud, et Goodluck Jonathan, président du Nigeria, grand exportateur de pétrole.
Les entreprises françaises perdent des marchés face à la concurrence notamment de la Chine, qui « offre » de nombreuses infrastructures – routes, ponts, stades, palais des congrès – aux Etats africains, contre la livraison de matières premières. Les discussions de Nice sont censées aider à regagner le terrain perdu.
Pour la première fois, 250 chefs d’entreprise africains et français ont été conviés. Ils doivent débattre avec des ministres de sujets comme l’environnement des affaires en Afrique, les énergies renouvelables ou la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Un « forum des affaires » est prévu en marge du sommet, sous la houlette de la présidente du Medef, Laurence Parisot, et de ses homologues africains. Le temps où, en 2006, le candidat Sarkozy affirmait que « la France, économiquement, n’a pas besoin de l’Afrique » paraît décidément lointain.
Mais l’essentiel du « sommet » prend la forme de trois réunions à huis clos. La plus importante est consacrée à la place de l’Afrique au Conseil de sécurité de l’ONU et au G20. La France, qui veut s’en faire l’avocate, espère une position commune. Une autre réunion débattra des questions de climat et d’environnement dans la perspective du sommet de Cancun. La lutte contre le terrorisme et les trafics sera discutée dans un troisième huis clos.
Les organisations de défense des droits de l’homme dénoncent le fait qu’il ne devrait guère être question à Nice ni de dictature, ni de corruption en haut lieu, ni de coups d’Etat – qui se sont multipliés ces derniers mois – ni du rôle de la justice internationale. « La lutte contre l’impunité des crimes les plus graves devrait être placée au centre des débats » sur la paix et la sécurité, regrette ainsi la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, tandis que le Secours catholique et l’association Survie souligne que « la relation France-Afrique ne doit pas se limiter à la défense d’intérêts économiques mais doit contribuer à la promotion de la démocratie ».
Sur 53 Etats africains, seuls Madagascar, en pleine crise politique, et le Zimbabwe, dont le président, Robert Mugabe, est interdit de voyage dans l’Union européenne, ne sont pas représentés à Nice. Si l’Algérien Abdelaziz Bouteflika et la plupart des présidents d’Afrique francophone ont fait le déplacement, le « sommet » n’accueille que 33 chefs d’Etat et 5 chefs de gouvernement. Les autres Etats sont représentés par des responsables de moindre importance.
Omar Al-Bachir, le chef de l’Etat soudanais poursuivi par la Cour pénale internationale pour « crimes contre l’humanité » au Darfour, est représenté par son vice-président. Le président ivoirien Laurent Gbagbo, lui, a annoncé son absence en exigeant une discussion préalable sur son « différend fondamental » avec Paris.
Philippe Bernard
lemonde.fr
Le commentaire de Rtl.