Les confrontations entre le maire de Dakar et ses coïnculpés ont finalement eu lieu devant le doyen des juges d’instruction. Ainsi, le directeur administratif et financier (Daf), Mbaye Touré, a lavé à grande eau Khalifa Sall dans l’affaire de la caisse d’avance de la commune de Dakar. Les avocats de la défense ont formulé une demande de liberté provisoire pour leurs clients, après cette audience. Par ailleurs, les forces de l’ordre sont entrées en action, hier.
Les avocats de la défense sont unanimes : il n’y a rien eu de nouveau, lors des trois confrontations entre les inculpés dans le dossier de la caisse d’avance de la mairie de Dakar. Un premier face-à-face a eu lieu entre le directeur administratif et financier (Daf) Mbaye Touré, le frère de la secrétaire du Daf Ibrahima Traoré, l’ancien percepteur Mamadou Oumar Bocoum et l’actuel percepteur Ibrahima Touré (mis sous contrôle judiciaire) sur les modalités d’exécution des marchés ainsi que le fonctionnement de la caisse. A ce propos, nos sources révèlent que les deux inspecteurs du Trésor ont laissé entendre qu’il s’agissait de caisse d’avance. La deuxième confrontation a mis aux prises Mbaye Touré et le chef du bureau du budget Yaya Bodian sur le rôle joué par chacun dans cette affaire. La dernière tant attendue a opposé le maire de Dakar Khalifa Sall et Mbaye Touré sur l’utilisation de la caisse d’avance.
Ainsi, devant le Doyen des juges d’instruction (Dji) Samba Sall, les percepteurs ont soutenu qu’ils ne payaient pas sur la base de contrat, mais sur celle de justificatifs. A son tour, Mbaye Touré a renseigné qu’il a été désigné comme comptable régisseur de la dernière caisse d’avance, depuis 2003. A ce titre, a-t-il expliqué, c’est une ‘’caisse particulière abritant des fonds politiques’’. Ainsi, tous les mois, il remettait en mains propres, le montant contenu au maire. Là, le magistrat instructeur a demandé à Khalifa Sall de confirmer les déclarations de son coïnculpé. L’édile de Dakar l’a fait, tout en précisant que ce n’était pas dans le souci d’en d’user comme bon lui semblait, puisque la destination était connue d’avance. Dans le même ordre d’idées, le magistrat instructeur a voulu savoir si les coïnculpés du maire avaient bénéficié de la caisse d’avance. Khalifa Sall a répliqué par la négative.
En fait, le maire et ses coïnculpés sont poursuivis pour détournement de deniers publics portant sur la somme de 1,8 milliard de F CFA, d’escroquerie portant sur des deniers publics, faux et usage de faux en écriture administrative et de commerce, blanchiment de capitaux et d’association de malfaiteurs.
Me El Hadji Diouf : ‘’Jaay doole baaxul’’
A leur sortie du bureau du Dji, le porte-parole du jour du pool des conseils de la défense s’est adressé aux journalistes pour déclarer que ‘’la confrontation a été bénéfique même pour Khalifa Sall’’. Selon Me El Hadji Diouf, le maire de Dakar a été mis hors de cause par ses coïnculpés. ‘’La main de Dieu est intervenue, parce que les mensonges ont été démasqués. Mbaye Touré et Yaya Bodian ont dit que jamais Khalifa Sall n’a vu de documents et jamais il n’a signé. Les factures dont on parle, Khalifa Sall ne les a jamais vues’’, a-t-il d’emblée soutenu, martelant que leur client n’a ni vu de faux, ni usé de faux. Que la caisse d’avance existait bien avant l’arrivée du maire socialiste.
Me El Hadji Diouf de dire que ‘’le juge aurait dû libérer Khalifa Sall, même sans qu’on ne le lui demande. Parce que Khalifa Sall a été blanchi. Avec cette caisse d’avance, il s’occupait des questions sociales pour régler des sollicitations des Dakarois’’. Selon les révélations de l’avocat, ‘’chaque mois, Touré et Bodian donnaient de l’argent directement aux maires qui étaient là’’. Me Diouf de poursuivre : ‘’Le maire ne se soucie pas de comment ils se débrouillent pour lui donner les 30 millions. C’est ça qu’on appelle les fonds politiques. C’était comme ça avec Pape Diop, Mamadou Diop et cette pratique se faisait depuis Lamine Guèye. Aujourd’hui, la lumière a jailli’’, pour éclairer que Khalifa Sall n’a commis aucune faute. ‘’Jaay doole baaxul’’, a tonné le porte-parole.
Dépôt d’une demande de mise en liberté provisoire
‘’Il ne s’occupe pas de papiers ou de commandes et ne connaît pas le Gie Tabara de riz ou encore de mil. Lui, on lui remet 30 millions tous les mois, comme on remet 50 millions à Moustapha Niasse et un milliard à Macky Sall, tous les mois, pour des fonds politiques, parce que Dakar n’est pas Kaolack’’, a rappelé la robe noire. Avant d’ajouter : ‘’Dakar, c’est la capitale du Sénégal. Mamadou Diop a quitté ses fonctions de ministre de la Santé pour devenir maire de Dakar, parce que cette fonction est plus importante que le ministre. Dakar donc doit avoir ses fonds politiques et Khalifa Sall les a trouvés ici.’’
Puis montant d’un ton, le conseil a lancé : ‘’C’est grotesque ! C’est excessif, inacceptable et malhonnête d’arrêter des adversaires politiques pour les empêcher d’être sur le terrain et de vous battre. C’est même un crime.’’ Pour Me El Hadji Diouf, ‘’les gens ont perdu le nord, parce que Khalifa Sall dérange’’. ‘’Mais ce n’est pas comme ça qu’on élimine des adversaires politiques. Il faut aller sur le terrain politique, vers les populations, les électeurs pour battre son adversaire politique. Il ne faut pas profiter de la justice pour l’éliminer. Cela n’est pas décent, encore moins élégant. C’est dangereux et injuste pour notre République !’’ a-t-il fulminé, avant d’annoncer le dépôt d’une demande de mise en liberté provisoire pour leurs clients.
A la suite du porte-parole, Mes Baba Diop et Cheikh Khoureichy Ba ont confirmé que les confrontations n’ont rien donné, puisque les mis en cause ont dit la même chose, depuis le début de l’enquête. Toutefois, ont-ils signalé, la défense est confrontée à un écueil : l’absence de la constitution de partie civile de l’Etat ou de la collectivité locale.
Pluies de grenades lacrymogènes au tribunal
Auparavant, aux environs de 12 heures, les partisans et sympathisants des maires de Dakar et de la Médina ont été chassés des alentours du palais de justice de Dakar à coups de grenades lacrymogènes. Brandissant des pancartes où on pouvait lire : ‘’Non à la cabale politico-judiciaire, libérez notre maire Khalifa Sall ; ou ‘’Pour la démocratie, libérez Bamba Fall’’, les militants socialistes, regroupés devant la porte de derrière du tribunal faisant face à la cave, ont voulu manifester leur ‘’indignation’’ face à la détention de leurs édiles. Ils se sont heurtés au dispositif sécuritaire. Ainsi, les forces de l’ordre n’ont-elles pas hésité à lancer des bombes lacrymogènes pour disperser la foule. Ce fut le sauve-qui peut. Certains souteneurs se sont évanouis, tandis que d’autres sont sortis de cette course-poursuite avec des blessures.
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