En effet, pour ne pas être emprisonné dans ce mythe, la sagesse populaire chez les Wolof, dit « Ku Wax Fëgn » ! Abdourahmane a parlé dans un contexte où s’est instauré un débat autour du choix entre un régime de » Dictature d’un Homme », ou de » Dictature des Partis! Dans les faits, la dictature d’un homme est réelle dans un régime présidentiel, où revient à un seul homme, tout le pouvoir exécutif dont il peut user et abuser, même s’il a un contre- pouvoir législatif fort, comme Trump vient de l’illustrer aux Etats Unis. Un tel pouvoir devient véritablement anti démocratique dans nos pays d’Afrique, où il n’existe pas de contre- pouvoir parlementaire fort. Mais au Sénégal, sous Abdoulaye Wade, où le Chef de l’Exécutif peut le dissoudre le parlement à sa guise, selon sa Constitution de 2001, le régime présidentiel était devenu plus dictatorial, en se transformant en un » Césarisme démocratique » selon ses propres termes. Le Président Macky Sall, avec sa réforme de 2016, a mis fin à ce « Césarisme démocratique », en restaurant le régime Présidentiel, tout en renforçant le pouvoir législatif, qu’il ne peut plus dissoudre, mais qui a obtenu le « pouvoir «d’ évaluer son action » et de « refuser de voter ses projets de loi ou de programmes », sans qu’il puisse le sanctionner, ni même passer outre par Décret, comme la Constitution des Etats Unis le permet au Président, Chef de l’Exécutif élu. Cette Constitution est donc une véritable avancée démocratique du régime présidentiel, dans lequel le Chef de l’Etat est obligé de trouver un consensus avec le parlement pour pouvoir gouverner. Ce régime porte donc en soi les germes de sa propre destruction, s’il ne se dégage pas une majorité au parlement favorable à la majorité présidentielle.Cela n’est pas le cas avec le régime présidentiel américain, ni avec celui du régime présidentiel Français où le Président de la République, Chef de l’Exécutif peut être placé dans le dilemme d’une cohabitation, ou de retour au suffrage du peuple en dissolvant l’Assemblée nationale. Avec le régime issu de la Constitution de 2016, l’Exécutif n’a d’autre choix que de trouver un consensus avec le Parlement ou de démissionner pour une nouvelle élection présidentielle.C’est dans ce contexte qu’Abdourahmane a fait sa proposition de « Démocratie de concordance », qui ne remet pas en cause le régime Présidentiel , mais, partage le pouvoir exécutif entre les trois premiers d’une élection présidentielle, pour instaurer un « Triumvirat », qui a rendu Rome ingouvernable, au point d’enfanter, par un « coup d’Eta » une féroce « Dictature » entre les mains de l’homme le plus fort d’entre eux, Jules César. D’où le nom de « Césarisme » que porte ce régime, et que Wade a voulu restaurer sous l’appellation » Césarisme démocratique », puisqu’il est issu d’une élection et non d’un coup d’Etat.Abdourahmane n’est donc pas un intellectuel « neutre » qui disserte innocemment sur des idées, mais bien un partisan d’un régime présidentiel de « Triumvirat » !Il est donc impossible de couvrir d’un manteau de « Démocratie » un régime présidentiel, y compris celui issu de la Constitution de 2016, malgré ses efforts de « démocratisation » qui l’enferme dans un piège institutionnel potentiellement explosif. Par contre, l’accusation portée sur le régime parlementaire, comme un « régime de dictature des partis » est injustifiée dans la mesure, où le pouvoir exécutif est détenu par une majorité parlementaire, qui, de plus en plus, a cessé d’être mono-partisane. Ce sont les adeptes d’un pouvoir exécutif fort, qui voient dans le régime Présidentiel l’incarnation de leurs aspirations pouvoiristes d’autocrates, qui caricaturent ainsi le régime parlementaire en » pouvoir de partis » générateur d’instabilité pouvant accoucher d’une dictature ! Cependant, même ainsi présenté, le régime parlementaire n’est pas un régime de dictature, mais peut le devenir comme tous les autres régimes, au cas d’instabilité due à une majorité parlementaire introuvable ! Même ce risque, pour un régime parlementaire, n’est pas inéluctable, comme le montrent l’Allemagne, l’Italie et Israël, qui, ou bien se réfèrent au suffrage du peuple par une nouvelle élection législative pour surmonter l’absence de majorité pour gouverner, ou bien, acceptent la volonté du peuple en mettant en place un gouvernement d’union nationale en évitant la tenue de nouvelles élections. C’est en cela que le régime parlementaire est le prototype d’un régime démocratique de représentation nationale par le suffrage du peuple. Cependant, la seule tare congénitale du régime parlementaire, c’est l’absence de mécanisme de contrôle du peuple sur ses élus, qui ne lui rendent compte qu’en fin de mandat. Cette tare aussi, est caractéristique du régime Présidentiel.D’où, aujourd’hui, la forte aspiration des peuples pour leur contrôle citoyen à travers un « droit de révocation de ses Elus au cours de leur mandat au Parlement » qu’ils réclament de plus en plus. Mieux, ils réclament de plus en plus le droit d’exercer ce même contrôle citoyen sur les « Grands Commis de l’Etat », qu’ils peuvent ainsi faire interpeler par leurs Elus à l’Assemblée nationale où se situe le pouvoir exécutif.Donc, notre pays, dans sa situation institutionnelle actuelle, ne peut plus continuer à naviguer d’un régime Présidentiel à un régime présidentiel déconcentré avec un Premier Ministre, puis revenir de nouveau au régime présidentiel !Notre pays, depuis 1963, a tourné en rond dans ce cercle vicieux, avec le régime Présidentiel qui a épuisé, de partout dans le monde, notamment en Afrique, son « acceptabilité sociale » et son « opérationnalité dans la stabilité » La seule issue à l’impasse institutionnelle d’aujourd’hui, partout dans le monde, c’est l’option résolue d’un régime parlementaire rénové par l’inclusion du contrôle citoyen sur ses Elus et sur les Grands Commis de l’Etat.Mais un tel tournant, au Sénégal doit s’accompagner avec une véritable politique de décentralisation et de déconcentration, pour rapprocher le peuple à ses élus et à l’Administration.C’est cela que porte l’évaluation de l’Acte III de la Décentralisation de 2014, qui devrait parachever la «Communalisation « et la «Départementalisation » intégrale des Collectivités territoriales, accompagnée de la mise en place effective des » Conseils Consultatifs de Quartier/Village » qui sont destinés à promouvoir la participation des populations à la gestion des Communes. Le Sénégal est à la croisée des chemins ! Les Républicains, Démocrates, et Partisans de la Démocratie citoyenne sont interpellés ! Ibrahima SENE PIT/SENEGAL Dakar le 15 Décembre 2020
Avec l’option de « démocratie de concorde » de Abdourahmane Diouf, le mythe de l’Intellectuel hors de la mêlée s’effondre (Par Ibrahima Sene)
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