Alerte : Notre sous-région est en danger : Avec ses récentes décisions sur le Mali et la Guinée, la CEDEAO est elle devenue un obstacle à l’aspiration de nos peuples à leur souveraineté nationale, à la paix, la stabilité, et à leur quête d’épanouissement ?
Cette interrogation est devenue légitime lorsque l’on assiste à un processus de glissement très grave des objectifs d’intégration économique de nos Etats, pour lesquels elle a été créée, vers des objectifs de plus en plus politiques, en l’absence d’un mandat clair de promotion de l’intégration politique de la sous -région.
Après avoir réussi à promouvoir une intégration douanière, elle peine encore à réaliser l’intégration monétaire, et à assurer la libre circulation des personnes et des biens dans la sous-région, tout en refusant au Parlement qui devrait être élu au suffrage universel direct des peuples, de devenir le pouvoir législatif devant lequel serait responsable la Commission CEDEAO.
La CEDEAO des Chefs d’Etat exige des autorités de la Transition au Mali et en Guinée, de se contenter d’organiser des élections dans les délais qu’elle a décidés, sans égard aux exigences des peuples de mettre fin, par des réformes, au régime autocratique de pouvoir personnel incarné par le régime présentiel qui les a brimés durant des décennies, en les maintenant dans la misère et la désolation, et sans réaliser la reddition des comptes des gouvernements corrompus et prédateurs de leurs ressources, qui les ont poussé à lutter pour leur départ.
Donc sans mandat politique légitime, en l’absence d’un Parlement doté de pouvoir législatif à ses côtés, la CEDEAO des Chefs d’Etat se permet de dicter à ses Etats membres, les institutions dont ils doivent se doter, et leurs politiques de relations internationales, y compris d’accords de défense et de sécurité, comme elle le fait au Mali, en donnant aux autorités de la Transition, un ultimatum pour se conformer à sa décision, et à celles de la Guinée, qui doivent s’exécuter en six mois..
Même si elle s’est avérée, avec la crise au Mali due par un mouvement indépendantiste dans le Nord de ce pays, incapable de faire respecter les limites territoriales des Etats membres issues du Colonialisme que l’OUA, ensuite l’UA s’est donné comme tâche prioritaire.
Mais depuis qu’elle s’est dotée d’une « Charte des Droits de l’Homme et des Peuples », elle a glissé peu à peu de sa mission de faire respecter le droit des peuples, comme elle l’a réussi en Gambie, vers le respect des droits des individus, qu’elle veut mettre au-dessus des Droits des peuples comme l’exigent les puissances occidentales.
C’est cette glissade qui a fait d’elle, le gendarme de la sous-région au Mali et en Guinée, tout en restant de connivence avec les manipulations des constitutions pour s’octroyer un troisième mandat en Guinée et en Côte d’Ivoire, et la farouche répression que les Présidents de ces deux pays ont fait subir à leurs peuples pour arriver à leur fin.
De défenseur des Droits des peuples, la CEDEAO se transforme ainsi, en défenseurs des « droits des Chefs d’Etat », qui la composent, à exercer le pouvoir et à le garder, même au prix de massacres de leurs peuples, juste parce qu’ils ont accédé au pouvoir par voie électorale.
Pour ce faire, elle s’appuie sur les partisans du statut quo institutionnel et du refus de la reddition des comptes dans ces pays, pour affaiblir les autorités de la transition, afin d’arriver à ses fins.
D’où son exigence d’un retour à l’ordre constitutionnel, pour le rétablissement d’un Président chassé par son peuple dans la rue, ou pour tenir de nouvelles élections dans les délais qu’elle a imposés au pouvoir de transition, sans égard aux réformes voulues par le peuple, et à la reddition des comptes du pouvoir déchu, avant toute nouvelle élection.
C’est pour avertir l’opinion de cette dérive de la CEDEAO vers un « Gendarme de Chefs d’Etat » dans la sous – région, que j’avais attiré l’attention, dans le texte qui suit, publié depuis le 17 avril 2021, sur les dangers, pour la stabilité, la cohésion et l’intégrité du territoire de nos pays, qu’elle fait courir, par son intrusion dans leurs affaires intérieures, le Mali, la Guinée, et les autres pays de la sous-région.
Donc, il est un devoir pan africain, républicain et démocratique de mettre en échec cette dérive de la CEDEAO des Chefs d’Etat, en se mobilisant dans chaque Etat membre, pour défendre le respect des exigences de réforme et de reddition des comptes portées par les autorités de la transition au Mali et en Guinée, avant toute élection.
Ne laissons pas la CEDEAO des Chefs d’Etat, ouvrir la boîte de pandore dans notre sous-région !
Voici le texte
Calendrier électoral de la Transition :
Le Mali court tout droit vers une 3ème répétition de sa Révolution!
Le gouvernement de Transition au Mali vient, sur injonction de la France et de l’ONU, de publier le calendrier électoral qui prévoit la tenue d’un référendum sur la réforme de la Constitution le 31 Octobre 2021, et l’élection présidentielle au suffrage universel direct en même temps que les Législatives le 27 février 2022 !
Ce faisant, la réforme de la Constitution à soumettre au référendum est vidée de sa substance étant donné que ce calendrier a reconduit, d’ores et déjà, les principales institutions de la République telles qu’héritées du Régime du Président IBK déchu, suite à un puissant mouvement populaire porté par le M5/RFP.
Les causes pour lesquelles le peuple Malien s’était battu sont ainsi passées à la trappe, du fait des pressions exercées sur la Transition par la CEDEAO, la France et le Conseil de Sécurité, pour voir le départ des militaires le plus tôt possible, afin de mettre en place des institutions légitimes par l’expression du suffrage du peuple.
De ce fait, ils ’ont réduit la révolution malienne en une vulgaire affaire de rupture de la légitimité constitutionnelle par des Colonels, qu’il faut ramener dans les casernes le plus tôt possible.
D’où les sanctions politiques et économiques qu’ils ont fait subir aux Colonels et à l’économie malienne, pour imposer leur perception de cette révolution.
Ainsi, ce dont ils avaient besoin, c’était un calendrier électoral durant la transition à laquelle ils ont arbitrairement imposé une durée de 18 mois.
C’est cette sorte de transition qui a été imposée en 2012 aux militaires qui avaient chassé du pouvoir Amadou Toumany Touré, et qui avait reconduit le régime politique qu’IBK a hérité, suite à son élection dans les fonctions de Président de la République, Chef de l’Exécutif.
Mais, ce que les militaires de 2012 avaient obtenu en contrepartie de la tenue de la Présidentielle, c’était la satisfaction des causes de leur rébellion, qui consistaient à chasser les djihadistes du Mali et rétablir la souveraineté de leur peuple sur l’ensemble de son territoire national, alors que la France, la CEDEAO et l’ONU, exigeaient d’abord leur départ du pouvoir, le rétablissement de la légalité constitutionnelle, avant de mener la lutte contre les djihadistes.
En 2020, les militaires ne sont intervenus que pour parachever, selon leurs propres termes, la lutte du peuple malien menée par le M5/FRP ; autour des exigences fondamentales que sont la « révision de l’Accord d’Alger », la fin du régime autocratique et corrompu de concentration de tous les pouvoirs entre les mains du Président de la République, Chef de l’Exécutif, le départ des troupes Françaises, et le dialogue avec les djihadistes pour le rétablissement de la paix et de la concorde nationale.
Mais, ce qui a fragilisé la cohésion du M5/RFP, c’est la cohabitation de deux ailes qui portaient deux mots d’ordre différents sur la finalité de leur lutte contre le régime d’IBK, et les institutions de la transition.
L’une exigeait son départ pur et simple, et l’autre exigeait qu’il dissolve l’Assemblée nationale, nomme sur proposition du M5/RFP, un Premier Ministre qui exerce les Fonctions de Chef de l’Exécutif, qui ne serait responsable que devant lui, jouant ainsi le rôle d’une pouvoir législatif provisoire.
Ce sont donc les adeptes de la reconduction des institutions héritées d’IBK, qui s’affrontaient, au sein du M5/RFP, à travers des mots d’ordre différents, à ceux qui ont opté pour un régime parlementaire en gestation.
Chez les premiers, il suffit juste d’une transition électorale la plus courte possible en exigeant le départ des militaires, chez les seconds, il s’agissait d’une transition de réforme des institutions, d’audit des grands secteurs de l’économie, de révision des « Accords d’Alger », de départ des troupes Françaises, et de négociations avec les djihadistes, avant l’adoption d’un quelconque calendrier électoral.
La CEDEAO, la France et le Conseil de Sécurité des Nations Unies ont trouvé donc chez les premiers, le soutien politique interne nécessaire, pour contenir la transition dans les limites strictes d’un retour à la légitimité constitutionnelle, durant une période la plus courte possible, pour mettre en œuvre un calendrier électoral devant permettre le retour des militaires dans leurs casernes…
C’est ce que le gouvernement de Transition vient d’acter en publiant un calendrier électoral qui reconduit les mêmes institutions héritées d’IBK.
La Révolution malienne vient ainsi d’être dévoyée sous la pression de la France, qui ne veut pas retirer son armée, de la CEDEAO, qui tient à la reconduction des anciennes institutions, et du Conseil de Sécurité de l’ONU, qui ne veut pas d’une révision des « Accords d’Alger ».
La révolution malienne est donc victime de la collusion entre, d’une part, les partisans de la reconduction des institutions appuyés par la CEDEAO qui ne manque aucune occasion pour les consulter, et, d’autre part, la France pour les raisons géostratégiques, et le Conseil de Sécurité, pour des raisons cohésion entre les grandes puissances qui le composent.
Mais elle a surtout souffert du manque de solidarité sous régionale et continentale des forces patriotiques républicaines et démocratiques, soucieuses du respect de la souveraineté de nos peuples et de l’intangibilité des frontières de nos pays, héritées du colonialisme, dont la Charte de l’OUA, devenue l’UA, est garante.
Ainsi, la révolution malienne, qui a déjà engendré deux transitions militaires, vient, avec cette transition encours, de se répéter d’une manière porteuse de grande tragédie pour ce peuple frère.
En effet, ce qui se joue actuellement dans ce pays, ne peut pas être plié par ce dévoiement de la révolution malienne, étant donné que les mêmes causes vont produire les mêmes effets,
La reconduction d’un régime présidentiel de pouvoir autocratique qui concentre tous les pouvoirs, ne règle aucun des problèmes pour lesquels le peuple malien s’est mobilisé pour chasser IBK.
La crise malienne va donc, tôt ou tard, immanquablement repartir de plus belle, mais dans des conditions encore plus difficiles et plus tragiques.
Mais aussi, cette troisième fois, risque d’accélérer la déstabilisation et la dislocation des Etats de la sous –région.
Elle se joue déjà en République Centre Africaine, où les pays de cette sous- région, et l’ONU, veulent dicter au Président légitimement élu, les conditions de rétablissement de la souveraineté de son peuple sur toute l’étendue de son territoire, et celles de la réconciliation nationale.
Cette propension du Conseil de Sécurité, sous l’impulsion de la France et des Etats Unis, à vouloir confisquer la souveraineté des peuples d’Afrique pour des considérations géoéconomiques et géostratégiques, a suffisamment fait le lit aux tragédies que connaissent la Côte d’Ivoire et la Libye, pour que l’on puisse assister les bras croisés, qu’elle embrase aussi le Mali et la République Centre Africaine.
Les forces vives en Europe et aux Etats Unis, qui se sont battues à côté des peuples d’Afrique pour leur accession à la souveraineté internationale, devraient se redresser de nouveau à leur côté, pour empêcher que les gouvernements de leurs Etats, ne la confisquent à nouveau, sous couvert de « Défense de la Démocratie et des Droits Humains ».
Le monde entier est aujourd’hui édifié, que c’est au nom de cet idéal démocratique et humanitaire qu’ils mènent une guerre contre la Syrie, tout en s’alliant, dans cette œuvre avec la Turquie, qu’ils jugent pourtant de « despotique » !
Plus que jamais, la lutte pour la Défense de la souveraineté des peuples d’Afrique, de l’intangibilité de leurs frontières, de la Démocratie et de leurs valeurs culturelles de société, se jouent aujourd’hui au Mali et en République Centre Africaine.
Les panafricanistes dans les Partis au pouvoir, dans l’opposition, dans les organisations syndicales et de la société civile, sont gravement interpellés pour arrêter une troisième répétition de la révolution au Mali.
*Ibrahima SENE PIT/SENEGAL
Dakar le 17 avril 2021.