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BARS, dancings, PROSTITUTION… Les Almadies, nouveau carrefour du Dakar by Night

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Aux Almadies, le soir, l’ambiance est garantie. Les fêtards et autres noctambules se donnent rendez-vous dans cette zone qui polarise désormais les night-clubs dakarois. L’alcool coule à flot et le sexe est sans tabous.

Quartier des Almadies : il est 22 h. Tous les chemins mènent vers cette zone située à la pointe nord de Dakar. Week-end oblige. Le visiteur est avant tout confronté aux bouchons, à une heure relativement tardive. Des véhicules de toutes marques se suivent à la queue leu leu et roulent au pas de chameau. Ce qui ne manque pas de provoquer un embouteillage monstre, accentué par les travaux dans la zone. Première destination : la plage dénommée « le Virage », vers les coups de 23 heures. « Grand, vous voulez vous gérer », nous interpellent, en wolof, deux travailleuses de sexe, débout sur les pierres au bord de la plage sise aux Almadies. Entrant dans le jeu, nous lançons : « la passe, c’est à combien ? » « C’est à 7.000 francs Cfa », rétorque l’une d’elles. « Mais c’est cher, il faut diminuer parce que le mois est creux et il y a la crise financière ! ». « Je dois payer les 2.000 francs Cfa au propriétaire de la cabane où on doit faire la passe », argumente-t-elle. « Et pourquoi pas à l’air libre ? », ajoutons-nous. « Il ne faut pas vous foutre de moi », rugit-elle. Pour la faire revenir à de meilleurs sentiments, nous proposons 1.500 francs Cfa. La différence est énorme. Tout de même un prétexte pour se débarrasser de notre interlocutrice. De l’autre côté, notre compagnon de fortune est lui aussi en plein marchandage avec une autre fille, Kiné (un nom d’emprunt). Ici encore, ils se sont quittés en queue de poisson. La travailleuse de sexe a placé la barre relativement haute : 10.000 francs Cfa. « Je n’ai jamais imaginé une telle chose. Des femmes qui interpellent des hommes en premier pour marchander une passe. Nous sommes dans quel monde », s’étonne Mamadou, trouvé au « Virage ». Pour le propriétaire des cabanes, la majeure partie des filles qui s’adonnent à ce travail illicite viennent de l’intérieur du pays. « Elles font croire à leurs parents qu’elles travaillent à Dakar, alors qu’elles font de la prostitution pour gagner leur vie », fustige-t-il.

Pendant ce temps, les adeptes de Bacchus, gagnés par le sommeil, s’affalent à même le sol. Les fumeurs de chanvre indien, quant à eux, grillent leurs cornets au milieu des grosses pierres. 23 heures 30 mn.

Les prostituées du « couloir de la mort »

Le gérant du bar « le Djaraaf » et son équipe font les derniers régalages de leur deuxième jour de soirée spéciale reggae. « A 2 heures du matin, le bar est hyper rempli de reggae men. L’entrée est à 2.000 francs Cfa », informe un porteur de dreadlocks déjà présents pour la circonstance. A 00 H, la route de l’Aéroport Léopold S. Senghor est toujours embouteillée, notamment à hauteur des grands hôtels et night clubs à l’image du « Casino », le « Patio », le « Nirvana night club ». Les automobilistes roulent au ralenti malgré l’heure tardive. Au « Casino », le flot de véhicules particuliers ou taxis est incessant. Les uns débarquent des couples, les autres les ramènent. On se croirait en plein jour. Certains, une fois arrivés, n’hésitent pas à bâcher leurs véhicules pour ne pas être reconnus. D’autres préfèrent être à l’écart dans leurs véhicules avec les filles. Les vendeurs de cartes de recharge de crédit et les tenants des tables de commerce complètent le décor. Ils ne se lassent pas de guetter les clients qui débarquent.

Quelques minutes après minuit, un bus de transport ramène des pèlerins pour les lieux saints de l’islam de l’Aéroport Léopold Sédar Senghor à l’hôtel « Casino ». « Ah, les pèlerins sont revenus de la Mecque », s’empresse de préciser une travailleuse, habillée sexy, les bouffées de cigarette sortant de la bouche. « Non, ils ne sont pas encore partis à la Mecque. Ils vont y aller certainement demain. Ils sont venus pour se reposer dans cet hôtel », rectifie quelqu’un. « Apparemment c’est un cœur à prendre », nous dit Mamadou. Nos appréhensions sont vérifiées. « Je fais la passe dans un hôtel et à 20.000 francs Cfa ni plus ni moins », laisse-t-elle entendre, la cigarette toujours à la bouche. Impossible de la faire changer. « J’ai dit ce que j’ai à dire. Il ne faut pas me créer des problèmes », lance-t-elle avant de disparaître sans crier gare.

Entre la précarité et les rafles de la police

En quittant le « Casino » pour aller vers le rond-point Ngor, nous trouvons une flopée de jeunes femmes qui squattent un chantier en construction plongé dans l’obscurité. Un « couloir de la mort » au bord de la route de l’Aéroport. Les hommes qui passent échappent difficilement aux provocations et appels incessants de ces travailleuses de sexe. Ici, elles les interpellent et marchandent à visage découvert. Certaines ont les yeux rivés sur les véhicules qui passent. D’autres ne se lassent pas de héler les automobilistes. D’autres préfèrent quitter le mur et se positionner au bord de la route attendant un potentiel client. Les passes se déroulent à l’intérieur du chantier avec la complicité de deux jeunes préposés à la garde moyennant 1.000 francs Cfa. A notre arrivée après 00 heures, les hommes y venaient au compte gouttes. Notre attention est attirée par une dame, habillée en mini-jupe noire, le sac accroché à l’épaule droite, l’air serein. De taille courte, le teint noir ébène, Fatou est d’un abord facile. Elle quitte presque tous les deux ou trois nuits sa lointaine banlieue pour venir monnayer ses « talents » aux Almadies. « Je suis veuve et mère de deux enfants dont une fille âgée de 15 ans. Mon mari, un ancien militaire, est décédé depuis 2000. Je travaille avec mon père dans un bar, mais ce qu’il me paie ne suffit pas pour nourrir mes enfants. C’est la raison pour laquelle je sors de temps en temps pour gagner un peu d’argent. Si je gagne 30.000 francs une nuit, je peux rester trois jours sans venir « travailler » », explique tristement Fatou, dans un français limpide. Sa morphologie et son apparence trahissent son âge. Elle a dépassé la quarantaine. Lorsqu’elle vient travailler dans ce « couloir de la mort », elle se rajeunit par l’accoutrement.

Habillée en jean bas serré et d’un haut, cette dame a perdu ses dents. Si c’est la beauté qui pousse les hommes à s’aventurer dans les Almadies, elle serait disqualifiée de facto. Bavarde en plus. Cela s’explique par le fait qu’elle a passé toute la journée du vendredi 29 octobre 2010 dans une cave à la police de Grand-Yoff. Elle a été victime d’une rafle la veille. « Il a fallu que je paye 3.000 francs Cfa pour me libérer », révèle-elle. Toute son intention est rivée sur les voitures. « Hier, les policiers étaient venus à bord d’un taxi pour nous arrêter », explique Fatou, l’air désemparé. « Ce coin ne m’a jamais portée bonheur. C’est une zone maléfique pour moi », poursuit-elle, dépitée. Impatiente, elle en a assez de nos questions. « Tu demandes trop comme un journaliste. Si tu veux payer la passe, tu n’as qu’à le faire. A défaut, tu me laisses chercher un autre client », lance-t-elle en s’en allant sans aucune forme de procès. Assise tranquillement sur une pierre et adossée au mur du chantier, la cigarette à la main droite, la Reine (appelons-la ainsi) s’adresse à ses clients avec beaucoup d’autorité. « La passe se négocie à 10.000 francs Cfa. En plus, il faut payer la chambre d’hôtel. Je refuse que mes clients me transportent à leur domicile. Ce n’est pas sûr », s’empresse-t-elle de préciser, des paroles entrecoupées par des bouffées de cigarette. Dans ce monde des travailleuses de sexe, les surprises ne manquent guère en effet.

« Le cousin inconnu »

La raison : le plus souvent, ces femmes ou filles ont affaire à des gens qu’elles ne connaissent pas du tout. Des inconnus qui peuvent être parfois des parents proches. D’ailleurs, Fatou nous raconte qu’elle a une fois couché avec son cousin alors que son père projetait de la marier à celui-ci. Une nuit, raconte-t-elle, « j’ai couché avec mon cousin que je ne connaissais pas. Après l’acte sexuel, je lui ai remis mon numéro parce qu’il voulait me rendre visite. Le lendemain, il m’a appelée et je lui ai expliqué là où j’habitais. Dès qu’il a franchi la porte de notre maison, mon père l’a appelé nommément. On est resté bouche-bée ce jour-là. Et depuis lors, je ne l’ai plus revu. Notre projet de mariage est tombé à l’eau ». Mais Fatou croit fermement qu’elle peut abandonner ce travail illicite. Elle est toutefois consciente des difficultés relatives à l’abandon de ce vieux métier. « On dit qu’il est difficile de le faire. Si je suis décidée, je peux l’abandonner à tout moment », promet-elle, la mine joviale.

Vers 01 heure, on tombe sur une collision entre un véhicule 4×4 et un car de transport d’élèves. Les préposés à la garde du bar « le Patio » sont mis à contribution pour régler la circulation. La soirée bat son plein. On remarque la présence de beaucoup de nationalités africaines et d’ailleurs dans cette boîte de par leur teint et de leur expression. Les tenues sexy sont de rigueur. On se croirait d’ailleurs en plein jour, avec de nombreuses voitures de luxe qui se suivent. Partout, c’était l’effervescence. Du Casino, au Nirvana, en passant par le Patio, l’ambiance était au summum. Mais ce qui attire l’attention dans ces différents lieux, c’est le port vestimentaire sexy des jeunes filles, à la limite de l’appel à la débauche. A côté des petites robes ultra-courtes, des mini-jupes qui dépassent à peine les fesses, de nombreuses filles portent juste des hauts, sans bas, ni pantalons, laissant transparaître tout leur corps. D’autres arboraient des shorts sous-fesses, qui ne couvrent d’ailleurs pas leur postérieur. Le tout agrémenté de la cigarette à la main pour beaucoup.

A 2 heures du matin, l’heure est plutôt à la soirée discothèque internationale au « Nirvana night club ». L’entrée est à 10.000 francs Cfa plus la consommation. Cette soirée exige un certain accoutrement plus sélect. Notre compagnon ne remplit pas ce critère et doit rester dehors.

Par contre, tout semble être permis pour les filles. Et là, ce sont les tenues courtes qui meublent le décor : mini-jupes, petites robes très courtes et shorts. Rares sont les filles qui portent des pantalons ou des bas. Vers 03 heures, de retour au « Djaraaf » situé au bord de la plage « le Virage », où l’ambiance est à son comble. La nuit est loin d’être terminée…

LIEUX CLANDESTINS DE PASSE : Le business des propriétaires de cabanes et des vigiles

A défaut de chambres d’hôtels, les passes se négocient dans des chantiers comme celui qui se trouve à quelques 50 mètres du « Casino » ou dans des cabanes communément appelées « cabanons » par les habituées de la plage à l’image du « Virage ». Les préposés à la garde des chantiers et les propriétaires de cabane sont dans les affaires. « Pour les maisons en construction, il faut payer 1.000 francs Cfa aux vigiles », nous informe Fatou. Dans les chantiers, les conditions sont loin d’être réunies. « Nous étalons nos pagnes pour passer à l’acte sexuel », révèle Bébé qui exige maintenant de ses clients, d’aller vers un autre cadre beaucoup plus propice, à défaut de pouvoir payer une chambre d’hôtel. « C’est indécent de faire la passe dans ce chantier (le « couloir de la mort »). Devant la porte du chantier, deux jeunes, assis sur leurs chaises, veillent au grain. Avant d’y entrer, il faut d’abord payer. Cela ne se négocie pas. On imagine leurs revenus par nuit eu égard au nombre important de travailleuses de sexe qui squattent le mur de leur chantier. Paabi, (appelons-le ainsi), propriétaire de cabanes, révèle que leurs affaires marchent bien, notamment pendant les fêtes comme la saint Valentin et le 15 août. « On gagne beaucoup d’argent pendant ces périodes. C’est incroyable : on se croirait en plein jour ici à ces occasion. Beaucoup de jeunes se donnent rendez-vous à cette plage », ajoute-t-elle. « Ce n’est pas normal qu’une mairie laisse pousser comme des champignons les cabanes au bord des plages », regrette Samba.

Un reportage de Souleymane Diam SY

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