XALIMANEWS : Le Gouverneur de la BCEAO accompagné de son staff en charge des questions dont il devait lui-même nous parler, a décidé de s’exprimer sur notre monnaie, le FCFA, à travers la chaine Radio France Internationale. Oui, il s’agit bien de notre monnaie dont nous devons enlever la France de la gestion en éliminant les comptes d’opérations. Mais ce n’est pas le sujet de la contribution de ce jour, le Directeur National du Sénégal ayant déjà épuisé la plupart des questions. Nous voulions qu’il nous parle de sa gestion.
Le Gouverneur nous dit que la stabilité des prix est essentielle. Nous sommes d’accord mais la stabilité des prix en zone UEMOA ne dépend pas de la BCEAO. Ce qui est demandé à la BCEAO, c’est d’administrer notre émission monétaire de sorte que l’inflation d’origine monétaire constatée en zone euro soit la même qu’en zone FCFA. Cette administration veut dire ne rien faire d’elle-même à part s’assurer que nous avons une bonne couverture par nos réserves de change d’un certain niveau de nos importations. Ceci, parce que si les prix en zone FCFA de biens importables devaient être plus élevés qu’en zone euro, les citoyens importeraient ces biens au taux de change fixe que la BCEAO assure. L’impact serait des fuites de devises et un retour des prix au niveau équivalent en Europe, ce qui fait que ces écarts de prix à cause de l’inflation n’arrivent pas. La variable de couverture minimum de notre émission monétaire par les réserves de change est quant à elle impertinente bien que figurant dans les accords monétaires. Cette dernière variable n’a de pertinence que si la garantie de convertibilité par la France des FCFA émis devait intervenir, ce qui ne peut arriver qu’exceptionnellement, et nous n’en avons pas besoin. L’existence des comptes d’opérations peut répondre d’autres considérations politiques et de financement budgétaire net de nos états par la France, et hors budget et bilan quelle que soit la taille de son économie et de la petitesse de la goutte d’eau de nos réserves, qu’on n’abordera pas ici.
Le sujet qui nous préoccupe est la gestion par Monsieur le Gouverneur de ce que nous lui avons confié. Un proverbe de chez nous dit « qui parle se dévoile». Monsieur le Gouverneur nous dit d’une part que la baisse relative de nos réserves de change (et nous ne parlons pas de la zone CEMAC) est due à la baisse des cours des matières premières et d’autre part que le rôle de la BCEAO est la structuration du financement de l’économie à travers les banques. Non Monsieur le Gouverneur, la baisse tendancielle en couverture d’importations par nos réserves de change est antérieure à la baisse du cours de certaines matières premières. La baisse des cours du pétrole nous a même été bénéfique en zone UEMOA. Nos réserves avaient baissé (en couverture) à cause de votre seconde assertion qui consiste à dire que votre rôle est la structuration du financement de l’économie à travers les banques. C’est cette erreur dans la compréhension de votre rôle dans les contraintes actuelles du régime du FCFA, qui vous a amené à financer les déficits budgétaires excessifs des états, notamment la Côte d’Ivoire, à travers les banques et qui nous a valu des importions excessives et des pertes en couverture de réserves de change. La correction de cette erreur va nous valoir à présent un endettement extérieur en devises car les états ont des déficits budgétaires encore trop élevés qu’ils ont en partie eu l’habitude de financer chez vous et vous avez maintenant besoin de reconstituer vos réserves.
En effet, beaucoup d’analystes ne se sont pas rendu compte que la BCEAO a fait sienne l’injonction de François Hollande de 2013 nous disant: «pourquoi ne réfléchirions nous pas à l’utilisation de vos réserves de change pour financer le développement?». Oui, les réserves de change ont déjà leur contrepartie dans l’économie, mais la BCEAO a accommodé leur utilisation à travers le refinancement de titres d’états achetés par les banques pour financer les déficits budgétaires, ce qui a permis aux états d’avoir accès aux réserves de change en question. La suggestion de François Hollande, Abdoulaye Wade avant lui, Alassane Ouattara peut être après eux, n’était pas à suivre d’où la nécessité d’une réforme de la gouvernance institutionnelle de la BCEAO. Il nous faut un collège de gouverneurs nationaux avec droit de vote. En effet, il est difficile de voter valablement sur une matière qu’on ne suit pas au jour le jour.
En somme, Monsieur le Gouverneur, en matière de politique monétaire, nous vous demandons dans le cadre actuel de votre mission, de vous occuper de l’émission monétaire du FCFA et du suivi de la couverture en réserves de change suffisantes de nos importations, rien d’autre. Ce que vous pensez être votre rôle de financement ne sera possible que lorsque nous aurons réussi à nous libérer du caractère figé de notre monnaie et qu’on vous aura donné une autonomie d’objectif sur notre taux de change. Cette autonomie d’objectif sur le taux de change, nous vous la souhaitons de tout cœur ainsi qu’à votre staff de haute compétence pour que vous puissiez l’utiliser tout en nous garantissant la stabilité des prix. Mais en attendant que le combat pour la libération du FCFA aboutisse, nous vous demandons de mieux vous concentrer au volant et de ne répondre à aucune injonction, ni de la France, ni de nos états.
Dr Abdourahmane SARR
Président CEFDEL/MRLD
Voici un économiste pertinent et compétent à qui nos journalistes doivent souvent donner la parole. Je vois quelques une de ses contributions sur xalima, mais rien sur les sites comme Seneweb et c’est très dommage qu’un tel cerveau passe inaperçu.
Se dégager de ce que vous appelez le caractère figé du taux de change actuel de notre monnaie et en même temps exiger la garantie de la stabilité des prix, est-ce à la fois compatible et réaliste? La BCEAO peut elle statutairement en faire a sa tête en ignorant les États membres?
« En effet, beaucoup d’analystes ne se sont pas rendu compte que la BCEAO a fait sienne l’injonction de François Hollande de 2013 nous disant: «pourquoi ne réfléchirions nous pas à l’utilisation de vos réserves de change pour financer le développement?». Oui, les réserves de change ont déjà leur contrepartie dans l’économie, mais la BCEAO a accommodé leur utilisation à travers le refinancement de titres d’états achetés par les banques pour financer les déficits budgétaires, ce qui a permis aux états d’avoir accès aux réserves de change en question. La suggestion de François Hollande, Abdoulaye Wade avant lui, Alassane Ouattara peut être après eux, n’était pas à suivre d’où la nécessité d’une réforme de la gouvernance institutionnelle de la BCEAO. Il nous faut un collège de gouverneurs nationaux avec droit de vote. En effet, il est difficile de voter valablement sur une matière qu’on ne suit pas au jour le jour. »
Comme la Fed’s aux USA