Après ses 48 heures de débrayage, le Syndicat autonome de l’enseignement supérieur (Saes) a organisé hier une Assemblée générale, à la suite de laquelle il a décrété 96 heures de grève renouvelables. Les enseignants exigent des autorités la satisfaction de leur plateforme revendicative.
Le Syndicat autonome de l’enseignement du supérieur (Saes) a dé?crété hier 96 heures de grève renouvelables, à la suite de son Assem?blée générale. Ces enseignants, qui ont déjà observé un débrayage de 48 heures, après un préavis de grève déposé le 12 janvier dernier, vont se retrouver mercredi prochain pour une nouvelle Assemblée générale. Ils affirment que sur l’ensemble des points constituant la plateforme revendicative, il y a eu un constat d’échec, après leur rencontre avec le ministre de l’Enseignement supérieur, Amadou Tidiane Bâ. Ceci dit, ils comptent poursuivre la lutte jusqu’à obtenir la satisfaction de leurs doléances.
Les griefs des professeurs contre les autorités s’articulent autour de quatre points : «Finition des logements administratifs et blocs scientifiques ou pédagogiques entamés dans tous les établissements du supérieur, augmentation conséquente des budgets des universités, réforme des grades ou titres universitaires, sécurisation des campus et respect de tous les accords conclus jusqu’ici.»
Sur le premier point, le Saes estime qu’il y a une mauvaise prise en charge de la demande d’accès à l’enseignement supérieur. Certes, il reconnaît que des efforts louables ont été faits dans les sous-secteurs du primaire et du secondaire com?me : «La construction de 2 000 salles de classe avec le recrutement d’autant d’enseignants pour assurer l’éducation de base à tous les enfants de 10 ans d’ici 2015, la scolarisation de tous les enfants de 6 ans, l’accès à l’enseignement moyen à presque tous les élèves sortis de l’école primaire.»
L’enseignement supérieur, le parent pauvre de l’Education
Cependant, a côté de ce bilan flatteur, «qu’est-ce qui est prévu pour ceux qui auront le Baccalauréat. Pou?vait-on ne pas savoir que le nombre de bacheliers allait croître en toute allure», se demande le Saes. Donc, les enseignants ne peuvent pas croire que les promoteurs d’un tel Plan de développement de l’éducation et de la formation (Pdef) pouvaient ignorer que le nombre de bacheliers au Sénégal allait passer de «9 205 en 1999/2000 à 29 785 en 2009/2010, soit une croissance annuelle de 11,27%». Ce qui fait que si le rythme est maintenu, les universités du pays auront 50 802 nouveaux bacheliers à accueillir en 2015, compte non tenu des étrangers.
Ceci a pour conséquence, de l’avis des syndicalistes, de mettre les étudiants dans des conditions de travail insupportables, et dont le corolaire est un taux d’échec inexprimable. «5,7% seulement des bacheliers arrivent en Maîtrise au bout de quatre ans. En dépit de toutes ces difficultés et leurs conséquences désastreuses, les autorités maintiennent le statu quo», déplore le syndicat.
En outre, le Saes accuse les autorités de ne penser qu’à l’orientation des bacheliers, sans pour autant prendre des mesures d’accompagnement. «Elles s’énervent même quand on leur parle de l’efficacité pédagogique ou de rendement des universités», soutiennent les enseignants. Et le tout, dans un «model de gouvernance universitaire anachronique». Les enseignants du supérieur trouvent la gestion universitaire ni démocratique ni collégiale, et regrette que le recteur soit le seul maître à bord, parce que n’ayant de compte à rendre qu’au président de la République. Et, celui-ci décide seul, sans l’avis des enseignants.
Le gouvernement a certes érigé de nouvelles universités pour faire face à la demande, mais le Saes objecte que ces ouvertures soient faites «sans une préparation sérieuse et des moyens adéquats». Au bout du compte, elles «n’ont fait qu’aggraver les difficultés». Dans un ton ironique, les camarades de Seydi Ababacar Ndiaye ajoutent : «Si des universités pouvaient être créées aussi facilement, sans texte rédigé ni mur érigé, cela aurait été su et aurait figuré dans le livre des records.»
Revenant sur les conditions de travail des enseignants du supérieur, le Saes précise d’abord que les lieux de travail d’un enseignant sont le bureau, l’amphithéâtre, le laboratoire et la maison. Or, ceux des universités sénégalaises n’ont ni bu?reau ni maison et travaillent dans des amphis «bondés d’étudiants a?gres?sifs». Ce qui explique leur in?tran?sigeance sur la construction «immédiate» de la deuxième cité des enseignants.
D’où le deuxième point des revendications demandant à ce que les grades des enseignants soient reconsidérés. En fait, si l’on en croit les syndicalistes, c’est parce que l’Etat cantonne les enseignants de la hiérarchie B dans leur catégorie, tout en leur faisant faire des travaux de la hiérarchie A. Une façon pour lui de combler le gap qui existe entre le nombre de permanents qui devrait exister et celui qui existe réellement. Cette pratique a pour conséquences de priver la hiérarchie B de gain en considération académique ou administrative, mais surtout de la dévaluer vis-à-vis de ses homologues de l’Hexagone. Et puisque le malheur n’arrive jamais seul, «chaque enseignant-chercheur du supérieur est chargé de trois postes de travail permanents».
Face à tous ces manquements, le Saes digère mal la réduction du budget de l’enseignement supérieur, troisième point des doléances. En fait, le budget de 2011 connaît une baisse de 0,14% par rapport à celui de 2010 qui lui-même avait connu une chute nette de 27,57% par rapport à celui de l’année précédente. S’y ajoute que la part du ministère dans le Budget consolidé d’investissement (Bci) n’est que de 4 milliards de nos francs. Donc, en tout et pour tout, seuls «1,40% du Pib projeté pour 2011 et 22,91% du budget global sont alloués à tout le secteur de l’éducation et de la formation ; là où il faut 5% à l’enseignement supérieur et à la formation».
Le quatrième point de revendication est relatif à la violence dans les universités. Les enseignants exigent à ce que l’environnement soit assaini. Cela, afin que le spectre d’une agression, quelle que soit sa nature, soit évacué de l’esprit de toute la communauté universitaire.
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