« Je m’appelle Bocar Samba Diew, je disbien Diew ! C’est un patronyme qu’on rencontre à Dial. Je suis natif de cette contrée. Moi je m’appelle Bocar, mon père Samba, et mon grand-père Mamadou. Ce dernier est le fils de Farba Faoura. D’ailleurs, ma société est dénommée Faoura. Farba Faoura est le fils de Hamady Yoro qui lui est fils de Ciré dont le géniteur est Birane. Ce dernier est le fils de Goral Dièye, fondateur de Dial ! Je connais parfaitement ma lignée généalogique. Non que j’en aie fait une préoccupation particulière, mais parce que j’en fais partie. Au départ on était Dièye. Mais Dial, mes aïeuls ont trouvé des Peuls dont le patronyme est Dia. Faute de pouvoir prononcer correctement Dièye, ils nous ont collé le nom Diew. Nos frères restés Dièye sont venus nous rejoindre à Dial. La question de notre patronyme originel se pose. Faut-il retourner à notre Dièye comme nos frères qui s’apprêtent à nous rejoindre à Dial ou conserver le nom Diew ? Nos hôtes Dia nous en dissuadent. Ils veulent ainsi nous mettre à l’abri des bagarres d’héritage. Car, entretemps, nous sommes devenus riches et surtout détenteurs du pouvoir. C’est ainsi que nous avons adopté la dénomination Diew. Nos principales activités sont l’agriculture et l’élevage. A l’âge de 20 ans juste, je suis allé au Mali. Là, je me suis rendu tour à tour à Kayes, Tombouctou, Kankossa, etc. dans ces contrées je me suis fait pêcheur, faisant ainsi bon cœur contre mauvaise fortune. Certes je suis « Thioubalo », groupe des pêcheurs au Fouta, mais, je n’ai, auparavant, jamais exercé cette activité. Puis, je fais cap sur Bakel. On est en 1955, j’avais alors 21 ans. Mon père en a eu vent. Il vient me trouver à Bakel où j’excelle dans la pêche. Partout dans cette localité, les gens de ma génération continuent à m’appeler Dialtabé, le pêcheur. Il faut 3 jours pour faire le trajet Fouta-Bakel.
Mon père l’a bravé, sans doute parce que j’étais son fils unique. Tous ceux qui sont nés avant moi sont décédés. Il me choyait même si je suis passé par les rigueurs de l’école coranique et des travaux champêtres. D’ailleurs la vie se résumait à ces deux activités : l’école coranique et la culture de la terre. Je n’ai jamais pu imaginer qu’on puisse s’accomplir en dehors de l’agriculture. Pour moi, il n’y avait dans la vie que des paysans. Pas autre chose ! Nous avions beaucoup de vaches, de moutons et d’esclaves. On ne cultivait que du tabac.
Une fois au Fouta, je retourne à la terre. Quelque temps après, je regagne Bakel prendre mes bagages. Car, quand mon père est venu me chercher je l’ai suivi, sans lui opposer une quelconque résistance. C’est en janvier 1956 que je suis arrivé à Dakar. En février, je décroche mon premier emploi à Cap Manuel où on creusait les fondations de l’ancienne Cour Suprême. Peu de temps après je démissionne pour retourner à la terre. Me revoilà, ensuite, à Dakar où je tarde à trouver du travail. Je me résous alors à faire cap sur mon village pour cultiver de l’arachide. L’idée tourne court. Deux amis me prêtent au total 1500 FCfa. Cela coïncide avec la décision de l’autorité du nom d’Idrissa Ndoye d’autoriser, à Sandaga, la vente le long de la route. On était en 1957. Je vends des cordelières de montre, des montres, des babioles et autres habits d’enfants. Nos tables étaient aux côtés de celle de « Seck-Montor », seule personne autorisée, à l’époque, à tenir une table le long de l’asphalte à Sandaga. Au bout de quelque temps, je réalise 70.000 FCfa. Néanmoins, je laisse tout tomber pour retourner à la terre au village. J’ai donné tout l’argent ainsi amassé. Mes compagnons, surpris, m’ont demandé pourquoi je ne garde pas l’argent. Je leur ai dit pourquoi faire. Parce qu’à l’époque, j’étais loin de m’imaginer que l’argent se gardait. Au retour, je recommence ce petit commerce d’habits et autres babioles. Un ami me propose une boutique ici à Grand-Dakar. Le propriétaire, Moctar Sam, me la vend à 14 600 FCfa. Une nouvelle expérience démarre pour moi. Car, je n’avais jamais tenu une boutique. Au fond de commerce j’ajoute 7500 FCfa, fruit de la vente de deux de mes quatre boubous. Des habits que j’ai bradés, puisque j’ai vendu l’un à 5000 FCfa. Alors que j’avais payé 20.000 FCfa pour la couture. J’avais 25 ans. Ma conception du commerce change.
Désormais, je tiens ma comptabilité, fais le point des entrées et des sorties d’argent. Ma ligne de conduite est restée la même : ni association ni divertissement. Je n’ai jamais été mêlé à une partie de football, de lutte ou autre divertissement. D’ailleurs, chez nous au Fouta, nous avons honte d’assister à des amusements de quelque nature que ce soit. Vers la fin des années 1959, avec la Fédération du Mali, je commence à gagner de l’argent. J’achète alors un fusil au Mali, un cheval et me marie (Ndrl : Il se lève et décroche l’arme suspendue à une pointe fixée au mur). J’avais un goût passionnant pour l’arme à feu. L’entourage souffle à mon père de venir me chercher à Dakar. Sans quoi, il risquait de me perdre. Mon père vient me trouver dans la capitale. Là, il me dit tenir d’un de ses amis qu’on pouvait se réaliser dans le commerce. Comme quoi, je n’ai jamais pratiqué cette activité, mes parents non plus. C’est la chance qui m’a souri dans le commerce. Mais je n’ai aucune science secrète de cette activité. C’est là que je me suis réalisé, je n’ai jamais quitté ici. Avant, il n’y avait aucun problème. A cette époque, j’achetais le sac de 100 kg de riz à 2 360 FCfa pour revendre au détail à 25 FCfa le kilogramme. Un de mes amis me fait remarquer que je fructifier mal mes revenus. Il me conseille d’acheter des maisons pour les revendre ensuite.
En 1963, j’achète une première maison à 400.000 FCfa à Usine Bène Tally. Beaucoup en étaient étonnés. Ils ne s’expliquaient pas comment j’ai pu amasser autant d’argent avec la boutique. Deux ans après, je revends la maison à 1.050.000 FCfa. Une nouvelle vocation m’habite : acheter des maisons, les restaurer pour ensuite les revendre ou les mettre en location. Mais, je continuais à tenir ma boutique. Jusqu’où jour je me suis payé un terrain, en 1982, à 100 millions FCfa. J’étais alors vraiment riche. Un jour, on était en 1985, le Président Abdou Diouf lance un appel à la radio pour demander aux Sénégalais qui en sont capables d’importer du sorgho. Je suis allé à l’ambassade d’Egypte m’enquérir de leur expérience dans ce domaine.
Car, j’avais appris dans mes lectures que l’Egypte en avait la meilleure expérience. On me met en relation avec le représentant commercial de l’ambassade. Ce dernier fait la commande pour 515 millions FCfa en Argentine en septembre 1985. Un de mes amis me met en rapport avec un agent de la Socopao (Ndrl : société de manutention aujourd’hui disparue). Ce dernier me demande de me rapprocher du directeur général dont le bureau est au 7è étage. Une fois face au maître des lieux, un blanc, je balbutie dans un mauvais français les raisons de ma visite. Il me lance : « Dis donc, j’ai beaucoup de travail moi ! » Lui aussi ne me prenait pas au sérieux. Je me retire alors non sans lui dire merci. Un autre ami me met en rapport avec la Somicoa. A l’époque, c’est l’actuel président de l’Assemblée nationale, Mamadou Seck, qui en était le directeur général. On conclut le marché pour 158 millions FCfa.
Entretemps, le patron de la Socopao qui a ouï dire que j’avais un bateau de sorgho m’envoie un émissaire, Daouda Siby, aujourd’hui à la Mst. J’hésite à le suivre. Mais il finit par me convaincre en me parlant « sarakholé ». J’enfile le même boubou pour que le Blanc me reconnaisse. Une fois dans son bureau, il me sert de la limonade et ouvre le débat. Je lui réponds avoir été ici il y a deux jours, mais il m’avait lancé avoir beaucoup de travail. Il rougit vite. Mais je n’en avais cure. Et me retire. La Socopao me supplie genoux à terre d’accéder à sa demande avec une réduction de 50 millions FCfa. Je campe sur ma position et lui dis que 50 millions FCfa et 1 FCfa sont pareils pour moi. Quand le bateau est arrivé, je me suis rendu compte que la marchandise ne venait pas d’Egypte. C’est ainsi que j’ai commencé à faire seul mes commandes.
En rapport avec des Blancs, j’achète un bateau de maïs. Pour me mettre à l’abri des difficultés, j’ouvre un compte à la Biao de Dakar et de Hambourg. Le bateau arrive au Bénin, les convoyeurs vendent une partie de la charge. Ils vendent une autre partie en Guinée où ils laissent la commande. La Biao me réclame son argent. Je paie, puis m’en ouvre à l’assurance qui à son tour accepte de payer. Les convoyeurs sont attaqués par la compagnie d’assurance. Ils finissent par payer et se voient exclus du commerce international. C’est ainsi que je me suis retrouvé dans le milieu de l’import. D’abord avec Oca, puis avec l’Oncad. La Sonar prend le relais pour quelque temps et tombe en faillite. La Caisse de péréquation et de stabilisation des prix hérite du bébé.
Auparavant, à l’époque où Diouf était Premier ministre j’avais l’exclusivité de la fourniture de riz, d’huile, de sucre, de lait, de savon et café aux magasins Témoin du Sénégal. Parallèlement, je vendais du riz au Mali, à la Mauritanie, à la Caisse qui en avait l’exclusivité dans le pays, en stockais dans mes magasins. Finalement, l’Etat libéralise la vente du riz. Six groupements sont quotataires à hauteur de 10 mille tonnes dont l’Unacois dont j’étais le Président du conseil d’administration. Notre partenaire nous joue un coup. Parce que l’Etat ne voulait pas que l’Unacois s’en mêle. Le temps passe. Je me lance dans mes propres affaires. Un Blanc se propose de me convoyer du riz. Le marché est conclu. Mais, on me souffle que la marchandise est débarquée, puis vendue au Bénin. Une récidive du maïs. Je commets les services d’un expert. Une fois au bénin, il mène une enquête et s’assure que c’est bien ma commande qui se vend au port de Cotonou. Il rédige son rapport. Le Blanc prétexte que le riz était mouillé. Je lui montre le rapport. La banque me rembourse et me paie des dommages et intérêts. Mais je ne suis pas au bout de mes peines.
Car, pour une troisième fois, j’ai dû faire l’amère expérience des escrocs. Des gens que je n’ai jamais vus m’ont vendu du riz. Quand la cargaison est arrivée à Dakar, nous ne sommes pas entendus sur le prix. La banque accepte de les payer. Il décline finalement l’offre de la banque et se décide de vendre le riz à Dakar. Malheureusement, la bonne affaire qu’il avait flairée tourne en fiasco. Il m’attaque en arbitrage à Londres et me réclame 450 millions FCfa. Sur le chemin du retour, dans l’avion même, un journal écrit que la société qui me réclame 450 millions FCfa est tombée en faillite. Elle vient de perdre 360 milliards FCfa. Je paie. Puis j’interjette appel, gagne le procès mais cette société, ruinée, n’avait plus rien pour me payer. Quelques années après, je noue un partenariat avec une autre société, Ascot. Notre compagnonnage remonte à la libéralisation du riz. En 2008, survient la crise alimentaire. Les prix flambent subitement. Le gouvernement est inquiet. Il redoute un soulèvement populaire. Devant la tension et la pression montante, l’Etat m’envoie un émissaire qui vient me demander d’importer massivement du riz pour protéger les populations contre les spéculations sur le marché. Je venais juste de sacrifier à la prière de 20 h.
Après avoir écouté l’émissaire de l’Etat, je le rassure et m’engage sans aucune condition à régler le problème. J’explique à l’émissaire que l’Etat n’a même plus besoin de subventionner le riz pour régulariser son prix. Je prends alors l’engagement de vendre le kilogramme du riz à 225 FCfa. A l’époque j’avais un découvert de 6 milliards FCfa à la Bst et autant Cbao, soit 12 milliards au total. Je fais venir 11 bateaux de riz, 2 bateaux de maïs, 1 bateau de mil, 1 bateau d’aliment de bétail. Finalement, la tourmente passe. Le prix du riz vacille entre 300 FCfa et 250 FCfa. Celui qui m’avait vendu le maïs, le mil et l’aliment de bétail me réclame 10 milliards FCfa. Je règle la note. Par contre Ascot, mon fournisseur en riz me réclame 46 milliards FCfa. Je paie en moins de 6 mois 29 milliards FCfa. Mais, coup de théâtre, en 2009, Ascot se lève un beau jour et m’exige le paiement du reliquat estimé à 17 milliards FCfa. Cette société prétexte ainsi « des difficultés de ses banques » tenaillées par la crise. Je lui fais savoir avoir encore le riz en stock et que je paierai au fur et à mesure. Mais, Ascot ne veut rien entendre. Je lui dis alors de prendre tous mes biens, pourvu de régler mon passif de 6 milliards FCfa à la Bst. En vain ! Je m’en remets alors à Dieu. Quatre banques font bloc contre moi et m’accusent d’avoir jeté par la fenêtre leur argent. Le trader est pourtant un Sénégalais bon teint installé en Suisse. Il exige la totalité du reliquat, soit 17 milliards FCfa. Ascot décide de saisir les tribunaux sénégalais aux fins de saisir tous mes biens, en violation des dispositions contractuelles qui indiquent que seul le tribunal arbitral de Paris est compétent pour juger notre différend.
Ainsi, le juge des Référés, en la personne du président du tribunal régional de Dakar, Bassirou Sèye ordonne une saisie-gagerie de l’ensemble de mes biens, en particulier les magasins de stockage de riz. Je me débats et saisis le tribunal d’une nouvelle procédure pour obtenir une main levée des hypothèques posées sur mes biens. Le tribunal rend son verdict le mercredi 6 mai 2009 et me déboute. La société Thocomar shipping agency, désignée par Ascot, comme tiers détenteur de mes biens avait du reste déjà commencé à exécuter la décision des juridictions sénégalaises. Je décide alors de me suicider. J’avais même acheté le produit qui permettrait de mettre fin à mes jours. Parce qu’il tenait à m’humilier. Des amis et des parents m’en dissuadent. Coup de théâtre. Au dernier moment, Ascot revient et propose un arrangement dans lequel, il donne main levée totale de la saisie. Il évalue le reste du stock et décide de me racheter une partie non à 328 FCfa le kilo prix qu’il me l’avait vendu mais 180 FCfa. Il se retrouve avec un supplément de 8500 tonnes. Pire, d’autorité, il porte à 70 mille tonnes les 55 mille tonnes de riz qu’il m’avait données. Pris à la gorge, j’accepte. Et fais baisser la dette de 10 milliards. Aujourd’hui, il reste 7 milliards FCfa. Chaque trois mois, je verse 250 ou 300 millions FCfa. Mes affaires ont repris. Si en 2009 je n’ai pu convoyer qu’un seul bateau de riz, en 2010, j’ai fait venir 7 bateaux. Cette année, j’en suis à 5. Vous voyez que je m’en suis bien remis ! Mais, je ne m’enflamme pas pour autant. Car, dans ce monde du riz, il y a très peu de répit pour celui qui ne veut pas apprendre.
En février dernier, le coup de Bénin est réédité. Quelqu’un, à cette date, m’a vendu du riz. Le bateau est arrivé à Dakar en juillet. Le manifeste est fait à mon nom. Entretemps le prix du riz connaît une hausse. Mon nom est, je ne sais quel miracle, gommé du manifeste. Au lieu de Bocar Samba Dièye, c’est Hermès Mali. Je me souviens alors qu’à l’époque, lorsque j’avais laissé le trader avec le riz il m’avait réclamé 450 millions FCfa. Et j’avais casqué. Je me suis alors agrippé au riz. Le Tribunal tranche en sa faveur. Mais, je porte le contentieux aux Usa, il perd. Néanmoins, il refuse d’abdiquer et décide de s’en ouvrir aux juges de Londres, à Gafta. Parce que des gens lui ont soufflé que je ne suis pas aimé à Londres. Il perd à nouveau ! En quoi, il faut continuer à apprendre dans ce monde du riz ! »
Hamidou SAGNA
Big Respect Mr Dieye
il n’est pas besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer, Monsieur Le Pionnier !
Du courage Mr. Diew. Vous etes les heros de ce pays…les entrepreneurs mais helas les politiciens ont pris vos placse. Inch Allah vous allez revenir avec beaucoup de succes.
quel courage et quelle foi!!! que Dieu vous protège de tous ces prédateurs Monsieur Diew!
Que DIEU vous bénisse et vous préserve encore et davantage pour que votre Histoire puisse réconforter et servir d’encouragement à tout ce qui travail dans la dignité sans récompense aucune ou qui ne sont récompensé à la hauteur de leur travail…
Vous êtes la preuve que Dieu ne dors ni ne sommeil, car il est intervenu à des moments ou vous ne vous y attendai même pas… et je crois que c’est à cause de votre coeur; le fait de donner sans rien attendre en retour n’est pas chose aisé… vous l’avez fait pour les séngalais et Dieu est présent pour Vous… Big up à vous… vous avez raison, l’argent n’est pas au dessu de TOUT
Respect mon père.Vous m’avez redonné espoir.Quand on s’habitue a perdre des batailles dans sa jeunesse,on les perd pour toute la vie.Vous avez gagné les plus dures de votre vie.DIEU vous garde