Il a été difficile d’en extraire les passages les plus significatifs, parce que toutes les parties de cet ouvrage s’offrent à une lecture rendue plus affinée par le temps déjà long du règne des libéraux, et qui donc a fait s’écrouler toutes les raisons pour quelque indulgence vis-à-vis de leurs nombreuses insuffisances. La partie consacrée, par exemple aux largesses faites aux magistrats et aux fonctionnaires du commandement territorial et que nous ne publions pas ci-dessous pour des raisons d’espace est à recommander à la lecture. Quand Mody Niang, qui n’a pas attendu cette sorte d’atmosphère de fin de règne autour de Wade, parle aujourd’hui encore de « la navrante gouvernance » des libéraux en une sorte de chronique de la mal gouvernance comme mode de gouvernance, c’est d’un intérêt certain. Extraits de « Le clan des Wade : accaparement, mépris et vanité », 268 pages, Harmattan, novembre 2011. Sortie prévue, mardi 4 octobre.
Pape Samba Kane
De la boulimie foncière d’un président de la République
Á titre d’introduction, revenons au fameux « relookage » du Cices par l’architecte conseil du président Wade, Monsieur Pierre Goudiaby Atépa. Ce dernier explique comment il a procédé, après que le marché lui a été attribué. Suivons-le :
« Le chef de l’État qui avait retenu le mois de février dernier pour organiser la Conférence internationale sur le Nepad, s’est rendu compte que rien ne fonctionnait au Cices (…) Ce qui a obligé le Président Wade à décaler de deux mois sa conférence. Il m’a demandé de lui confectionner un projet de réfection et de le chiffrer. En fonction des besoins qu’il avait exprimés mais qui n’étaient nullement budgétisés dans les comptes du Trésor public, un montant de 850 millions de francs Cfa était nécessaire. Dans un premier temps, en lui donnant mon avis, je lui ai suggéré de vendre une partie des terrains disponibles jouxtant la Foire afin de trouver cet argent (sic). Mais à quelques jours de la Conférence, les acquéreurs se faisaient désirer et on allait vers un nouveau report (…) »
La question que je me suis posée immédiatement à l’époque, et que se sont sûrement posée d’autres compatriotes, est celle-ci : « Comment Me Wade et son architecte conseil allaient-ils procéder pour vendre les terrains disponibles jouxtant la Foire ? » Le président de la République et son architecte conseil envisageaient de vendre des terres, pour réhabiliter le Cices ! Je comprenais mieux alors la boulimie des parcelles de terrains que l’on prêtait déjà à Me Wade. Je comprenais peut-être encore mieux certaines nominations, notamment celle du transhumant Assane Diagne comme ministre de l’Urbanisme et de l’Aménagement du Territoire. On disait de lui qu’il connaissait Dakar comme sa poche, dans ses moindres recoins. Le duo Me Wade-Atépa était donc notablement enrichi, pour devenir un trio auquel aucune poche de terrain ne devait plus échapper. Amath Dansokho, qui ne ménage pas du tout Me Wade, faisait remarquer avec ironie, et peut-être en caricaturant un peu : « Á Dakar, les directeurs du Domaine et du Cadastre ont pour demeure la présidence. Chaque jour, ils lui disent les différentes poches qu’il distribue à sa guise ; il vient de créer, il y a deux semaines, une Agence d’Expropriation dont il est le chef . »
Sa boulimie foncière n’a pas d’ailleurs attendu le « relookage » du Cices pour se manifester. On raconte qu’immédiatement après son installation officielle le 1er avril 2000, les deux premières parcelles de terrain qui furent attribuées, l’étaient à son bénéfice et à celui de Mme Wade. Il s’est ensuite employé à distribuer des terres à une catégorie bien circonscrite de Sénégalaises et de Sénégalais dont, en particulier : les députés qui furent largement servis, son entourage immédiat (membres de son cabinet et tout ce qui tourne autour), ses proches parents (frères, soeurs, cousins, neveux, nièces, petits-fils, petites-filles, etc.), d’anciens calots bleus, des magistrats, des officiers (supérieurs et généraux en particulier) des Forces de Sécurité, des chefs religieux, des ministres et autres hauts fonctionnaires, des responsables du Pds et des partis alliés, etc.
Ces bénéficiaires, il ne les a pas choisis au hasard. Sa famille exceptée, il a besoin des uns parce que, grâce à leurs fonctions, ils peuvent influencer le vote des Sénégalais dans un sens ou dans un autre. Les autres, ministres, hauts fonctionnaires, députés, etc., il veut les enfermer dans un niveau de vie d’où ils ne voudront plus jamais sortir, pour retomber dans le néant d’avant le 19 mars 2000. Il lui fallait donc beaucoup de parcelles de terrains pour satisfaire tout ce beau monde. Il va d’abord jeter son dévolu sur les réserves foncières et procéder sans état d’âme à des « déclassements de réserves d’équipements ou d’activités », qui seront aliénées sous forme de lotissements d’habitation par voie de cession directe à des particuliers. Ainsi, les réserves du Cices et du Stade Léopold-Sédar-Senghor, le complexe sportif Assane-Diouf, le terrain d’assiette du siège de l’ex-Sénat, le site de la Pyrotechnie, le Camp militaire de Thiaroye, la Zone franche industrielle, l’ancienne zone de captage de la Sones située entre l’Hôpital général de Grand Yoff et l’Autoroute (zone d’infiltration des eaux de ruissellement provenant des quartiers limitrophes), les terrains de la bande verte qui longe la Vdn etc, tous ces terrains tombent sous le coup de ses décrets scélérats . L’hôpital Aristide-Le-Dantec et le Lycée Lamine-Guèye allaient connaître le même sort, si les professeurs de médecine et les élèves ne s’y étaient pas respectivement opposés avec vigueur. Il envisage également de délocaliser la célèbre Maison d’Éducation Mariama-Ba de Gorée à Diourbel, où il promet de construire un Lycée de jeunes de 3 000 élèves.
Tous ces déclassements ont préoccupé et indigné les populations. Mais, le déclassement qui préoccupe le plus M. Ousmane Tanor Dieng est celui du Cices, « dont une importante partie de l’emprise est aujourd’hui déclassée et aliénée à la faveur d’un lotissement d’habitation mis en oeuvre dans une discrétion suspecte, proche de la clandestinité, est suffisamment édifiant sur le caractère pernicieux et dangereux de la gestion du patrimoine foncier public par des gouvernants insouciants et irresponsables » . M. Dieng va plus loin en précisant que l’assiette foncière du Cices a été dimensionnée, depuis les années 70, pour la capacité d’une Foire internationale standard. L’emprise délimitée renfermait une importante part de propriétés foncières privées, dont l’expropriation des détenteurs avait dû être prononcée par l’État, en vertu du caractère d’utilité public du projet de Foire .
Commentons un peu les déclassements scélérats de Me Wade avant de poursuivre ! Le lecteur comprend mieux, après l’explication de M. Ousmane Tanor Dieng, l’irresponsabilité et le manque de vision de celui qui nous dirige. Du haut du pont du Cices, on peut s’en convaincre encore davantage : de la réserve foncière des Socialistes, il ne reste presque plus rien. Partout, s’élèvent des villas et des immeubles somptueux, qui enserrent la Foire et la Gendarmerie. On a les mêmes regrets quand on sait comment le Président sénégalais a dépecé la réserve foncière du Stade Léopold-Sédar-Senghor. Entre autres projets importants, l’Arène nationale de luttes devait y être érigée, sur un site coincé entre le Stade, la Cité Keur-Damel et le nouveau Lycée des Parcelles Assainies qui longe la route vers l’aéroport Léopold-Sédar-Senghor. Ce site, qui appartenait au Ministère des Sports, était sécurisé au niveau de la Direction des Domaines. Il est finalement revenu à un projet immobilier. En 2005 déjà, le Stade a été spolié d’une partie de sa réserve affectée à un projet immobilier au bénéfice des députés. Des gens de la présidence de la République, quelques calots bleus et des ministres sont parmi les bénéficiaires du morcellement de la réserve foncière du Stade Léopold-Sédar-Senghor .
L’oeil de Lynx de Me Wade s’est porté aussi sur une autre réserve située à Pyrotechnie, où des parcelles étaient destinées aux magistrats. Il s’empara d’une bonne partie desdites parcelles pour les besoins de la construction du « Quartier général » de son parti. Des sources dignes de foi racontent qu’elles sont mises ensuite à la disposition de la Sattar, entreprise jumelle de l’alternance, appartenant à un certain Mbaye Diop, qui serait le frère du ministre de l’Économie et des Finances. La Sattar aurait donc construit le « Quartier général » du Pds, dans les mêmes conditions que Mbackiou Faye a fait construire le monument de la « renaissance » africaine par des Coréens .
Les Almadies n’ont pas été épargnées. « Patrimoine immobilier : Wade sucre ses ministres ». Tel est le titre choisi par L’As du mercredi 21 juin 2006, à sa page 5. Et le journal de préciser que les Libéraux n’ont pas attendu longtemps pour se servir. « De Sacré-Coeur à Yoff, sur la Corniche, en passant par Ngor et les Almadies, les Libéraux y sont allés à fond dans la quête de la terre », poursuit le journal qui a bien raison : ils n’y sont vraiment pas allés de main morte, surtout dans la zone très courue des Almadies. Et le journal cite les personnes qui y ont bénéficié de grandes parcelles : Me Ousmane Ngom, qui était dans une mauvaise passe avant d’être pardonné par Me Wade , Aïcha Agne Pouye, Habib Sy, Abdoulaye Diop (ministre de l’Économie) et son épouse, Hadjibou Soumaré, Cheikh Tidiane Gadio, Kader Sow, Doudou Wade, Salif Ba, Abdoulaye Baldé, Awa Ndiaye, Madické Niang, Papa Diop « le Crésus de l’immobilier », etc .
« L’oeil de Lynx de Me Wade »
Me Wade a également succombé à l’attrait du domaine maritime. C’est ici que les plus grandes attributions ont été faites, au bénéfice de pontes du régime, de certains chefs religieux, d’entrepreneurs venus d’on ne sait où. La plus importante vraiment, est relative à un terrain de 26 hectares (260 000 m2), situé dans la zone des Mamelles. C’était l’ancien champ de tirs, cédé au Groupe Kharafi sous forme de titre foncier à 5 000 francs Cfa le m2, soit au prix total 1,3 milliard francs Cfa. Ce terrain devrait normalement rapporter à l’État 52 milliards, si l’on sait que, dans la zone, le m2 est vendu au moins à 200 000 francs.
Me Wade s’est vraiment montré généreux à l’endroit de ce Groupe. Est-ce de la générosité seulement, si on considère l’attrait que l’argent exerce irrésistiblement sur cet homme ? Il y a également que c’est frustrant pour le peuple sénégalais de se réveiller un bon matin et d’apprendre que 26 hectares de ses terres ont été presque donnés à des étrangers dans des conditions les plus nébuleuses.
On se rappelle aussi que Karim Wade bombait le torse en déclarant sur tous les toits avoir trouvé des investisseurs espagnols (« Baobab Investissements ») qui allaient construire trois complexes hôteliers, dans le cadre des chantiers de l’Anoci. Le premier complexe devait être construit sur 41 452 m2, en dessous de la Corniche Est au Cap Manuel, après l’hôtel Savana. Invisible de la route, cet « hôtel » est pratiquement inaccessible. Une zone d’ombres épaisse entoure ce complexe. On dit d’abord qu’il ne fait pas partie des chantiers de l’Anoci. Les 4 hectares sont, en outre, difficiles à trouver dans la zone. On se pose même la question de savoir qui est le véritable propriétaire de ce site. On avance en sourdine le nom du Président de la République. C’est bien vraisemblable qu’il en soit (ou en fût) le propriétaire, si on considère l’affirmation du journaliste d’investigation Abdou Latif Coulibaly, selon laquelle Me Wade s’est octroyé huit (8) titres fonciers dès son accession à la magistrature suprême . Comme d’habitude, la présidence de la République a opposé un silence assourdissant à cette grave révélation.
Le deuxième hôtel, plus modeste (2 385 m2), était en construction sur l’Avenue Pasteur, à côté de l’Institut éponyme, face à l’Océan.
Le troisième se situe au pied des Mamelles et se construit sur plus de 30 000 m2. C’était le plus avancé de tous en matière de construction.
De tous les projets d’hôtels qui devaient être construits dans le cadre des chantiers de l’Anoci, un seul a été terminé et ouvert au public. Il s’agit de Radisson Blu, construit par M. Yérim Sow, Directeur général de Properties Telyum, et dont le coût est estimé à 24 milliards francs Cfa . Les trois autres avaient initialement été confiés à une société espagnole. Celle-ci étant tombée en faillite, « Baobab Investissements » prit la relève. Celui-ci, ayant bénéficié de trois titres fonciers sur des sites privilégiés et ne pouvant certainement pas financer seul ses projets, a fait appel aux banques qui ont accepté de financer la construction. Malgré ce financement, « Baobab Investissements » n’arrive pas à achever les hôtels. Les responsables prennent finalement la clé des champs, à l’insu de tout le monde, surtout des banquiers qui, se sentant grugés, se sont adressés à la justice pour la saisie et la vente des hôtels inachevés. Les truands avaient, en effet, hypothéqué les titres fonciers auprès de quelques banques et de sociétés financières espagnoles.
Les enquêtes révèleront que l’Anoci détenait des parts dans le capital de « Baobab Investissements ». Ce qui est quand même très grave si on sait qu’une Agence nationale, démembrement de l’État, ne peut pas acquérir des parts de capital dans une société privée . En outre, l’Ocrtis français qui était à la traque de la société espagnole, a informé, par une de ses équipes à Dakar, sur la véritable identité de ce groupe espagnol. On apprendra aussi que « Baobab Investissements » n’avait aucune intention de finir ses hôtels, son véritable objectif étant de transformer les supposés hôtels en appartements à vendre, en profitant ainsi de la fiscalité avantageuse sur les investissements en infrastructures touristiques. Le Ministère de l’Économie et des Finances découvrant le pot aux roses, s’y serait opposé, évitant ainsi au pays un autre scandale
Devant le Conseil économique et social, le Ministre de l’Énergie d’alors, le sulfureux Samuel Sarr, nous rassurait avec le projet fou de Me Wade de construire des centrales nucléaires à partir du nucléaire iranien. Quel mensonge ! Quelle hypocrisie !
Devant cette folie, des spécialistes ne tardèrent pas à se faire entendre pour faire revenir notre démiurge national sur terre. C’est ainsi que, de l’avis de Jose Luis Martinez Rivero du Bureau Prosolia cité par le site « Afrol Nouvelles », « il est moins coûteux pour le Sénégal de produire de l’énergie électrique à partir de l’énergie solaire photovoltaîque qu’à partir du diesel et d’autres systèmes, y compris les initiatives nucléaires ». Dans son rapport, Prosolia explique que seule l’énergie hydroélectrique seraint moins chère et, qu’en plus, les projections de coûts faites par le Sénégal sont incomplètes et risquées. Le rapport fait aussi remarquer que « la somme ne comprend pas les mesures de sécurité nécessaires pour la production de l’énergie nucléaire et les coûts en ce qui concerne le stockage des déchets nucléaires ». « Les déchets nucléaires doivent être stockés en sécurité, des milliers d’années », poursuit-il, avant d’indiquer en conclusion : « L’énergie solaire est mieux adaptée pour le Sénégal d’autant que le prix de la production est moins cher (…) Ainsi, l’énergie solaire est plus recommandée pour le marché sénégalais?. »
Il est vrai que les spécialistes du Bureau Prosolia ne connaissent pas suffisamment Me Wade. Sinon, ils se seraient bien gardés de se donner tant de peine dans la réflexion. L’homme sait parfaitement que ses projets concernant le nucléaire n’ont aucune chance de connaître un début de réalisation, même s’il devait encore rester au pouvoir pendant 20 ans. Il le sait si bien d’ailleurs qu’à la première occasion – l’accident de la Centrale nucléaire Fukushima du Japon –, il annonce en Conseil des ministres que « le Sénégal renonce à ses projets de constructions de centrales nucléaires ». Comme si le pays s’y était déjà engagé !
Parallèlement au nucléaire, l’homme-miracle s’était lancé dans un projet plus fou encore que tous les autres. Dans une interview exclusive au journal financier Les Afriques?, il révèle : « La Cedeao vient de me donner mandat de produire de l’énergie solaire pour toute l’Afrique de l’Ouest. Il s’agit de concevoir des centrales solaires pour l’autosuffisance énergétique grâce à l’énergie solaire. C’est ce que j’ai déjà proposé à Copenhague. La consommation énergétique de l’Afrique, c’est 70 000 mégawatts. Avec cette centrale de 100 000 mégawatts, nous aurons l’autosuffisance pour quinze ans encore. L’énergie solaire a ceci de particulier que l’investissement est cher au départ, mais au bout de trois ans, il diminue du tiers et après l’investissement, elle devient gratuite. C’est pourquoi, je peux dire que je vais offrir l’énergie gratuite au continent. J’ai le montage financier, que je ne révèle pas pour l’instant, mais je leur ai dit que le moment venu, je le leur exposerai. »
Devant le journaliste Chérif Elvalide Sèye qui a réalisé l’interview, notre Hercule national, sous régional et continental poursuit se lubies : « Tous les partenaires sont d’accord, le président Lula du Brésil a même décidé de mettre à ma disposition un ingénieur. Le problème, c’est nous. Ce n’est pas le Brésil. Tout ce qui a été proposé l’a déjà été, mais comme je l’ai dit, les Africains ne sont pas assez rapides. Même au Sénégal, le président Lula nous a fait beaucoup d’offres, mais nous ne les avons pas encore matérialisées. S’il y a la volonté, nous pouvons obtenir beaucoup du Brésil, ne serait-ce que son expérience du développement qu’il est prêt à nous transférer. »
Il dévoile enfin ses véritables intentions : concurrencer l’Europe dans cette « course » à l’énergie solaire. Á cet effet, il déclare : « Si l’Europe arrive à exploiter le solaire, cela va être un problème pour nous, car les entreprises européennes vont disposer d’un avantage supplémentaire sur les nôtres. Le choix est là. Il faut que l’Afrique engage la bataille du solaire. »
Je faisais remarquer un peu plus haut que je commençais à douter sérieusement de la santé mentale de cet homme. Je suis presque sûr désormais qu’il n’est pas équilibré et qu’il lui arrive souvent de radotter. D’abord, je ne croirai jamais, jusqu’à preuve du contraire, que la Cedeao lui ait confié une telle mission. Les chefs d’État de cette organisation sous régionale connaissent quand même notre pays et savent parfaitement que son Président nous rationne l’électricité. S’il n’arrive pas à garantir à son peuple ce minimum nécessaire à l’émergence économique, par quel miracle pourra-t-il fournir l’électricité, et gratuitement, à toute l’Afrique ? Il a le montant financier pour tout : pour réaliser ce gigantesque projet de produire l’énergie solaire pour toute l’Afrique, et donner un logement à un million de Haïtiens, alors qu’il n’est même pas capable de fournir un toit et de l’électricité continue à ses propres citoyens ! Il présente ensuite ce gigantesque projet comme quelque chose facilement à la portée de l’Afrique, dont le seul problème, c’est de manquer de rapidité. On constate ici qu’il compte beaucoup sur le Président brésilien, qui a décidé de mettre à sa disposition un ingénieur?. Un ingénieur, même brésilien, pour la réalisation de son gigantesque objectif !
« Je commençais à douter sérieusement de la santé mentale de cet homme »
Me Wade profite de toutes les opportunités pour faire de la politique politicienne. Il est sûrement au courant de ce projet de réalisation d’une centrale thermodynamique en plein Sahara, projet porté par quelques grosses entreprises allemandes privées, en partenariat avec les pays du Maghreb. Malgré leurs moyens financiers immenses et leur maîtrise de la technique, les responsables de ces entreprises hésitent à se lancer les yeux fermés dans un tel projet, qui mérite une profonde réflexion et des études pointues. Voilà que Me Wade veut déjà leur faire la concurrence pour des raisons qu’il est seul à maîtriser ! Le soleil est quand même une source d’énergie inépuisable !
Il y a surtout que les chefs d’État de la Cedeao ne sont pas fous au point de confier une mission dont les seules études pourraient prendre une dizaine d’années à un homme, fût-il Me Wade, qui est aujourd’hui âgé d’au moins 86 ans ! Cette mission n’existe sûrement que dans son imagination fertile qui « produit une idée toutes les minutes ». Il nous raconte encore des histoires, comme il en a la fâcheuse habitude depuis le 1er avril 2000, depuis le 8 août 1974, date de la reconnaissance du Pds.
Nous ne sommes pas d’ailleurs au bout de nos peines et de nos surprises avec les délires et les lubies de cet homme. De Touba où il était allé présenter ses condoléances à la famille de feu Serigne Moustapha Bassirou Mbacké, il profitait malheureusement et maladroitement de l’occasion pour annoncer qu’il allait construire trois Trains à grande vitesse (Tgv) avant 2011 – nous étions en 2008.
Mettant à profit une autre opportunité, la réception de deux Airbus « A-320 » en prélude au démarrage offficiel de la compagnie aérienne Sénégal Airlines, le démiurge sénégalais annonce qu’il va mettre sur pied une usine de montage d’avions. Oui, c’est bien le projet qu’il s’est engagé à porter sur les fonts baptismaux. « Nous ne nous arrêterons pas en si bon chemin, a-t-il déclaré devant son parc de courtisans sagement alignés autour de lui sur le tarmac de l’Aéroport Léopold-Sédar-Senghor. « Après la mise sur pied de Sénégal Airlines, nous allons nous attaquer à d’autres projets non moins importants ». Il poursuit sa lancée en ces termes : « J’ai demandé au Premier ministre et au ministre chargé des Transports aériens de s’atteler au projet d’une usine de fabrication d’avions au Sénégal. » Comme pour convaincre son auditoire même composé pour l’essentiel de courtisans, il explicite davantage son idée : « N’en doutez pas. Je réfléchis d’abord avant de prendre des contacts pour me convaincre de la faisabilité du projet. Bientôt, je voudrais que les Sénégalais voient des avions, certes, pas de gros Boeings, mais au départ de petits avions ‘’Made in Sénégal’’. Si cela est fait, je pourrai décoller de Dakar pour aller par exemple à Touba ou dans les autres régions. » Et notre vieux Président d’ajouter, avec un regret feint, ces mots dont il ne se rend même pas compte qu’ils le discréditent : « Malheureusement, il n’y a pas un aéroport pour Touba. » Le pauvre a déjà oublié que l’une de ses premières promesses après son installation officielle comme troisième Président de la République, c’était de construire rapidement l’aéroport de Touba, un aéroport à l’époque largement justifié par le Pr Iba Der Thiam.
« Une consultation inclusive des populations urbaines comme rurales »
Les Assises nationales ont été l’occasion, pour tous les participants, de réfléchir en profondeur, d’analyser en commun, sans animosité et sans parti pris, les problèmes du pays, afin de leur trouver des solutions consensuelles applicables par tous, dans la transparence la plus totale, l’harmonie, la paix et la concorde retrouvées.
Elles se sont appuyées sur une vaste consultation, une consultation inclusive des populations urbaines comme rurales, sur des études et enquêtes pointues menées par des experts de haut niveau, qui ont travaillé en parfaite harmonie avec toutes les parties prenantes. Les problèmes du pays, de 1960 à nos jours, ont été ainsi analysés sans complaisance et des solutions alternatives proposées, en vue de remédier aux insuffisances, aux déficiences et aux dérives constatées.
Les conclusions des travaux de ces importantes rencontres ont été restituées le 24 mai 2009, soit un an après. Un secrétariat exécutif de suivi ainsi que quatre plateformes? ont été ensuite mis en place, pour approfondir et finaliser les concusions. C’est ainsi que la Charte de gouvernance démocratique, produit phare des Assises nationales, a été traduite en Anglais, en Arabe et dans les six langues nationales que sont le Joola, le Pulaar, le Mandiko, le Sereer, le Soninké et le Wolof. Elle le sera également dans toutes autres langues codifiées. Le rapport général va être édité en nombre important. Il sera aussi reproduit, en même temps que les 8 rapports thématiques, les 35 rapports départementaux et les 3 rapports de la Diaspora (Europe et Amérique du Nord), sous des formes qui seront accessibles à tous ceux qui souhaiteraient en prendre connaissance. Toutes ces conclusions seront restituées dans les 45 Départements du pays?. La restitution a été déjà faite dans les Départements des Régions de Dakar (Pikine, Guédiawaye, Rufisque), de Kaolack, de Tambacounda et de Kédougou.
Ce sont ces rencontres hautement citoyennes, dont le Président de la République et ses mille courtisans ne voulaient pas entendre parler, et dont ils ont tout mis en ?uvre pour en empêcher la tenue ! L’opposant le plus farouche et le plus résolu aux Assises nationales était sûrement celui que la presse a l’habitude d’appeler « l’élément hors du commun » ou « le fou du roi ». Il avait juré sur tous les toits que celles-ci ne se tiendraient jamais. Le jeudi 28 mai 2008, donc à deux jours du lancement officiel des Assises, il organise une conférence de presse. Sans mettre de gants, il lance une sévère mise en garde à ceux et à celles de nos compatriotes qui envisageraient d’y prendre part. Il s’agissait, de son point de vue, d’une bataille politique qui oppose deux camps antagoniques : d’un côté le camp du président Wade démocratiquement élu et de l’autre, une partie de l’opposition boycotteuse, assoiffée de pouvoir et dont la seule volonté était d’abuser l’opinion nationale et internationale. Et « le fou du roi » de prévenir alors : « Il s’agira, le 1er juin prochain, pour le Président de la République et ceux qui le soutiennent, ainsi que pour l’opposition organisatrice de ces Assises de compter leurs partisans et leurs adversaires. » Se faisant plus précis et plus menaçant encore, il déclare : « J’en appelle à la claivoyance de tout le monde, entrepreneurs, chefs religieux, patronat, hommes et femmes d’affaires, syndicats, organisations de jeunes, de femmes, organisations de commerçants, de transporteurs et de paysans, ainsi qu’aux membres de la Société civile, pour se déterminer à cet effet.» C’est donc pratiquement tout le Sénégal qui aura été averti. « Que personne ne dise demain, qu’il n’en était pas informé ou qu’il s’était trompé », vocifère-t-il.
S’en prenant ensuite sans retenue au très honorable Professeur Amadou Makhtar Mbow qui avait accepté de présider les Assises nationales, il le présente comme un quidam, quelqu’un qui est déconnecté des réalités du Sénégal. Comme pour administrer les preuves de ce qu’il avance, il s’adresse à ses interlocuteurs en ces termes sans équivoque : « Faites le tour du pays et interrogez les Sénégalais, s’ils connaisent Amadou Makhtar Mbow. Sur cent personnes interpellées, vous avez de fortes chances de tomber sur deux personnes qui connaissent cet homme-là. » Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, il ajoute : « Voilà quelqu’un qui ne sait même pas combien de repas mange-t-on par jour dans notre pays?. Où était-il, durant toutes ces années ? » Comme fou de rage, il poursuit sa diatribe contre le célèbre professeur : « Le choix de Amadou Makhtar Mbow, pour présider ces Assises nationales consacre l’humiliation et le discrédit le plus net des ténors de l’opposition. C’est la preuve qu’ils ont perdu toute crédibilité aux yeux du peuple sénégalais. Au point de devoir faire appel à une personne très éloignée des derniers développements de la vie politique, économique et sociale du pays, pour leur garantir un semblant de crédit. »
Cet individu n’a vraiment pas usurpé son surnom de « fou du roi ». Le proverbe walaf dit bien que « gaalug dof du teer »?. « L’élément hors du commun » poursuit donc ses menaces et demande « aux Directeurs généraux de sociétés publiques et parapubliques (Poste, Senelec, Sonatel, Port autonome de Dakar, Sde) et des sociétés privées dont les dirigeants sont proches de l’État (Ccbm, Saterc, etc.) qui sont membres de la Confédération nationale des Employeurs du Sénégal (Cnes) de prendre leurs responsabilités en quittant cette organisation ». « En effet, martèle le « fou du roi », en décidant de participer, au nom de la Cnes, aux assises organisées par une partie de l’opposition sans obtenir l’avis ou l’autorisation des grandes sociétés membres de cette structure, M. Kama a posé un acte purement politique ».
Le 29 mai 2008, l’individu occupe plusieurs radios privées de la place, pour continuer de s’en prendre copieusement et sans ménagement aux initiateurs des Assises nationales, et menacer sévèrement nos compatriotes qui oseraient y participer. Le lendemain samedi 30, le Président rentre du Japon. Dès sa descente d’avion, il préside une réunion dans le Salon d’honneur de l’Aéroport, entouré des principaux ténors de son enclos politique?. Il commence par remercier tout ce beau monde pour les différentes initiatives prises, afin de contrer la tenue des Assises nationales, la part bellle ayant été réservée au président du Sénat Papa Diop de qui il dira : « C’est un vieux compagnon, qui est de tous les combats à mes côtés, il est toujours au front. » La parole est ensuite donnée aux différents courtisans. (…) Le Pr Iba Der Thiam le rassure à cet égard : l’opinion est avec lui. Pour l’en convaincre, il rend compte d’une tournée qu’il a effectuée à Kaolack avec son collègue Doudou Wade, et des discussions qu’ils ont eues avec les populations de l’intérieur du pays. Celles-ci sont incontestablement avec le Président de la République. Le Professeur ajoute avoir constaté l’existence de deux Sénégal : « Celui, fictif de l’opposition, et le Sénégal réel qui est avec Me Wade. » Me Ousmane Ngom, « le traitre repenti en service commandé »? le rectifie : selon lui, on ne peut pas parler de deux Sénégal. « Ce serait donner à l’opposition une importance qu’elle n’a pas. Il n’y a qu’un seul Sénégal, c’est celui qui a réélu Me Abdoulaye Wade », conclut-il. C’est terrible ! Donc, tous les Sénégalais et toutes les Sénégalaises qui n’avaient pas voté pour Me Wade en 2007, ne font pas partie du Sénégal ! Devrais-je douter de ma « sénégalité » ?
Revenons à notre fameuse réunion après ce bref commentaire ! M. Macky Sall, alors président de l’Assemblée nationale, donne sa vision des Assises. Le pouvoir devrait, selon lui, rester serein, dépassionner le débat et éviter surtout les maladresses de langage. Ce serait faire de la publicité gratuite aux Assises. Et il poursuit son argumentation en ces termes : « Notre position officielle est qu’on n’y va pas, donc, selon moi, il faut bannir le mot Assises de notre vocabulaire. En parler, c’est donner l’impression d’être touché par celles-ci. Il faut éviter de leur donner un impact qu’elles ne sauraient avoir?. »
Le Président réaffirme avec force sa volonté de ne rien céder à cette opposition qui conteste sa réélection, donc sa légitimité, et annonce qu’il va parler. Et il le fera sans mettre de gants, avec le manque de retenue qu’on lui connaît. Pourtant, il commence sur un ton calme et déclare que Mbow et compagnies ont bel et bien le droit de se réunir, comme le leur permet notre Constitution. Mais, l’habitude étant une seconde nature, il renoue presque aussitôt avec le ton dont il est coutumier et laisse éclater sa colère. Á l’endroit des initiateurs des Assises nationales et des éventuels participants, il martèle : « Ils ont tout tenté pour me faire partir : de la grève des enseignants à la grève générale qui a connu un échec, en passant par les nombreuses marches du « Front Siggil Senegaal », mais les organisateurs des Assises nationales n’ont pas de succès. » Et il lance un avertissement à ceux qui seraient tentés de prendre part aux Assises en ces termes sans équivoque : « Que tous ceux qui se disent mes amis ne se rendent pas à cette manifestation. Je parle des chefs de partis politiques, des chefs religieux qui sont proches de moi, des chefs d’entreprises, etc. » Il perd carrément son sang froid et accuse les amis de Mbow d’« opération anticonstitutionnelle visant à renverser (son) régime ». Pourtant, environ deux minutes auparavant, il leur reconnaissait le droit de se réunir, comme le permet la Constitution. Les initiateurs et les éventuels participants perdent leur temps, « car, c’est Dieu qui m’a mis à cette place et Il est Seul à pouvoir m’en enlever, quand ça lui plaira », poursuit-il. Il se fait plus menaçant encore en lançant : « J’invite donc mes amis à ne pas s’y rendre. Que personne ne vienne me dire, après que je ne savais pas. » Devenant de plus en plus colérique, il considère les Assises nationales comme un « piège grotesque », ayant pour objectif essentiel de le peindre dans les traits d’un dictateur, au cas où il les interdirait. « C’est peine perdue », précise-t-il, avant de réaffirmer avec force sa volonté de ne pas se rendre, ni de se faire représenter à ces Assises?. Et il s’explique : « Je ne voudrais pas qu’on abuse les Sénégalais pour dire que c’est pour dialoguer avec le Président. Ce n’est pas la voie qu’il faut pour dialoguer avec le Président. Je ne dialoguerai pas avec l’opposition tant qu’elle ne me reconnaîtra pas comme Président de la République. »
Malgré toutes ces menaces et les fortes pressions exercées sur certaines personnalités notamment sur les généraux Mouhamadou Mansour Seck et Mouhamadou Keïta, les Assises nationales ont été officiellement lancées le dimanche 1er juin 2008, avec un grand succès dont toute la presse privée indépendante a largement rendu compte le lendemain.
Mody NIANG