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Boulimie d’argent. Par Abdou Latif Coulibaly

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Le ministre d’Etat, ministre de l’Environnement, de la Protection de la Nature, des Bassins de rétention et des Lacs artificiels, Djibo Leïty ka, fidèle à son image d’homme de « devoir » , toujours prêt donc à assumer des services commandés, joue dans un registre qu’il connait bien. Il prépare dans le secret de son cabinet un projet de décret qui va enlever aux élus de la Communauté des agglomérations de Dakar (CADAK) et à ceux de la Communauté des agglomérations de Rufisque, toutes leurs compétences en matière de gestion des déchets solides et autres ordures collectées sur l’ensemble des territoires des communes concernées. Le ministre a été requis pour dégager les maires.

Pourtant, c’est lui-même qui disait, il y a à peine quelques mois que le ministère de l’Environnement n’a rien à faire dans la gestion opérationnelle de l’enlèvement des déchets urbains. Il n’avait pas tort de le dire. Ainsi, contre ses convictions propres, il va à l’assaut des maires. Il y a été obligé par les ténors du nouveau régime décidés à assurer une mainmise totale sur les sommes (10 milliards annuellement) dégagées pour gérer les activités de collecte de déchets et celles qui sont affectées pour achever la construction du Centre d’enfouissement technique (CET) d’ordures de Sindia, dont la réalisation est prévue dans le cadre de la fermeture de la décharge de Mbeubeuss. Après avoir mis en place un mécanisme d’enlévement et de gestion des déchets dans l’agglomération dakaroise et sa banlieue, le gouvernement revient à la charge pour remettre en selle d’autres structures comme l’Aprosen (l’Agence pour la propriété du Sénégal) pour à nouveau leur confier la mission de rendre Dakar et environs propres.

Pourtant la structure qui sera remise au goût du jour par le décret en préparation a fait par le passé, la preuve absolue de ses limites en la matière. Le ministre et ses commanditaires n’en ont cure. Si un contrôle sur les fonds exige la mise en œuvre d’une politique incohérente, condamnée de toutes les façons à échouer dans un avenir très proche, le pouvoir actuel n’hésitera pas un instant. Et le ministre de l’Environnement vient d’en administrer la preuve, en édictant un décret qui de toutes les manières ne fera que créer les conditions d’une accélération de la dégradation de l’environnement dans la capitale. Le faux prétexte d’une saleté persistante à Dakar, qui a été plus ou moins habillement convoqué pour justifier ce nouveau décret, ne trompe personne. En réalité, la saleté nourrit bien et assez souvent des acteurs peu scrupuleux qui, sous prétexte de travailler à débarrasser les populations de leurs ordures, s’évertuent à mettre en place des mécanismes d’enrichissement d’individus au détriment de l’intérêt des masses. Le Sénégal vit depuis une dizaine d’années sous la conduite d’un régime cleptomane, comme pour utiliser l’expression favorite du sociologue suisse jean Ziegler.

Rien n’est infime, ni petit, encore moins insignifiant, dès lors qu’il rapporte de l’argent, on s’en occupe pour servir d’abord ses intérêts personnels. L’argent ne dégage pas d’odeur, même si on le tire des poubelles de la ville. Les mairies de Dakar, de Guédiawaye, des Parcelles Assainies, de Rufisque et celles de l’ensemble de l’agglomération de la capitale sont les principales municipalités visées par les mesures gouvernementales qui tendent souvent à les déstabiliser. Derrière ces pratiques de déstabilisation s’expriment de façon sournoise les ressentiments d’une caste d’hommes politiques affairistes qui ont du mal à digérer la défaite que le peuple leur a infligée lors des dernières élections locales. Le décret sur les ordures préfigure les termes d’un combat impitoyable que le chef de l’Etat est décidé à mener contre les autorités municipales.

Et ce, en porte-à-faux complet avec ses déclarations, quand il affirmait en mars 2009 « qu’il laisserait les élus de l’opposition dans le strict respect de la volonté du peuple qui leur a fait confiance. » Rares étaient les sénégalais qui le croyaient sur parole. Ils n’avaient pas tort de refuser de se montrer crédules. Tout le jeu de blocage orchestré autour de la commune de Dakar pour empêcher ses responsables de conduire à terme ses projets relève d’un autre psychodrame vécu, entretenu en lui-même par le chef de l’Etat et dont il n’est pas encore guéri. Après ses échecs répétitifs pendant les longues années qu’il a convoité le fauteuil de maire de Dakar, il a fini par vivre cela comme un traumatisme à jamais sédimenté en l’homme. Même devenu président de la république, il rêve d’être le maire de la capitale. Son fils n’aura pas été plus heureux que le père dans sa tentative. Les frustrations familiales accumulées justifient aujourd’hui toutes les misères faites au maire de Dakar. Il faut y ajouter la boulimie d’argent.

Abdou Latif COULIBALY

lagazette.sn

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