Dans cette seconde partie de l’entretien qu’il a accordé à ndamli.sn, Bruno Metsu pose son regard sur les lions de la nouvelle génération, leur parcours, leur système de jeu… Un regard aussi sur son joueur-fétiche El Hadji Diouf.
ndamli.sn: Aujourd’hui on parle de reconstruction du football sénégalais. Les lions qui étaient sur une bonne lancée ont perdu en match amical face aux Maroc à Dakar. Avez-vous suivi ce match ?
BM: Je dois avouer que depuis quelques années je ne suis plus trop le foot sénégalais. C’est vrai, au début quand je venais de quitter et ce 3, 4 ans après, j’étais à fond derrière l’équipe du Sénégal. Mais là, depuis quelques années, je suis déconnecté faute de temps.
ndamli.sn: Toutefois, vous savez que le Sénégal est leader de sa poule et que le 3 septembre prochain, ils affrontent la RDC pour le compte de la 5ème journée des éliminatoires de la CAN 2012. Un nul suffirait à l’équipe pour se qualifier. Selon vous qu’est-ce qui fera la différence dans ce match. Quelles sont les imperfections à gommer d’ici là ?
BM: Je pense qu’ils vont se qualifier facilement, il n y a aucun doute à ce sujet. C’est même déjà acquis à mon avis.
L’équipe est au dessus de pas mal d’équipes, maintenant, le faux pas qu’ils ont fait face au Maroc, ce n’est même pas un faux pas parce que le Maroc, c’est une grande nation de football qui a des joueurs talentueux, aussi talentueux que le Sénégal. Ce n’est pas un scandale lorsqu’on perd contre le Maroc. Si vous perdez à domicile contre une équipe moyenne d’Afrique, oui ! là, on pourrait crier au scandale. Encore que au football, on est jamais sur de rien. Ce n’est pas le match contre le Maroc qui doit leur mettre le doute.
ndamli.sn: Certains observateurs, à l’issue de ce match, ont critiqué une nouvelle fois le système de jeu de l’entraineur sénégalais. Vous aussi à un moment, vous aviez été critiqué sur ce plan, il vous est même arrivé avant la coupe du monde de revoir votre dispositif tactique.
BM: Au Sénégal, les 13 Millions d’habitants constituent 13 Millions d’entraineurs. C’est pour cela que le football est intéressant. Ce qui vous donne raison, c’est la victoire. Il y a tellement de techniciens et de tacticiens hors pair qui ont tous un avis mais il n y a qu’un qui dirige et c’est l’entraineur. C’est lui qui doit avoir la bonne tactique et la bonne formule. Je n’ai jamais changé de tactique ou de technique par rapport à ce que les journalistes ou d’autres personnes averties pensaient. Je suis quelqu’un de têtu et je défends toujours mon idée. Ce qui n’a pas trop mal marché jusqu’à présent. Les entraineurs travaillent plus avec les joueurs et connaissent mieux que n’importe qui leur qualité et leur valeur. Ces gens qui nous critiquent ne voient que le match. Ils ne voient pas les entrainements et ne connaissent pas l’état de forme des joueurs. C’est comme dans un couple, vous connaissez une personne lorsque vous vivez avec.
ndamli.sn: On reparle de la période de 2002, Quel rapport entretenez-vous avec les joueurs de cette génération ?
BM: De très bons rapports comme à l’époque. On se croise de temps en temps, on se parle au téléphone. Que ce soit Coly, Diao, Henri Camara, Diouf… nous avons gardé le contact. Nous sommes liés pour la vie et ce sont de vrais rapports que nous entretenons. Ce qu’on a vécu, au-delà du résultat de football, c’est « une aventure de mecs ». Le football, ce n’est pas faire un schéma technique, tactique comme les gens disent. Il ne faut pas un grand entraineur pour faire une tactique 4-4-2 ou 4-3-3, le sénégalais lambda peut le faire mieux que vous. Par contre réunir, rassembler les énergies et les forces, ça, c’est autre chose. Dans la vie, il y a des choses que l’on apprend et d’autres pas. Motiver les joueurs, leur donner confiance, mentalement, les rendre costaud… le football, ce n’est pas uniquement le schéma tactique et les gens ont tendance à l’oublier. Critiquer après un match, ça tout le monde sait le faire. Le plus difficile, c’est de réunir les gens dans un objectif et les rendre fort mentalement.
ndamli.sn: Parmi les joueurs de 2002, lequel vous a le plus marqué ? Et Pourquoi ?
BM: Je ne veux pas faire d’injure aux autres joueurs mais inévitablement celui qui m’a le plus marqué c’est Diouf. Tout le monde était important, chaque joueur a donné le maximum de lui. Il faut le reconnaître, El Hadj Diouf a vraiment été exceptionnel durant cette période. Il était incontournable. On l’aime ou on ne l’aime pas, mais il était de loin plus fort que Eto’o et Drogba. C’était un magicien, un phénomène. Lui, c’était comme Messi au Barça qui apporte le plus. El Hadj, c’était le joueur qui faisait la différence qui était capable sur un coup de génie de faire basculer un match.
ndamli.sn: Malheureusement, le mythe Diouf est tombé très vite, là il est sans club et dernièrement il a été sanctionné par la commission de discipline, comment avez-vous accueilli cette décision ? En avez-vous parlé ?
BM: Dan ce cas précis, je ne comprends pas le comment du pourquoi. Mais Diouf est comme un animal sauvage, il faut l’adopter, il a son caractère, son tempérament mais c’est quelqu’un avec un cœur en or. Avec lui, il n y a pas de demi mesure, il aime ou il n’aime pas. C’est vrai, il ya eu des écarts. Mais avec tout ce qu’il a fait pour le Sénégal, c’est un garçon à qui il faut tirer le chapeau.
ndamli.sn: Au-delà de tout ce que venez de dire, en 2002, on vous a reproché votre proximité avec le footballeur Diouf, une proximité qui d’après des observateurs était la cause de certains des écarts de Diouf ?
BM: Aussi incroyable que cela puisse paraître, aujourd’hui 9 ans après, on a beau tout dire mais il est encore un des rares joueurs à jouer.
ndamli.sn: Mais c’est une chose normale vu son âge (30 ans, il est né en 1981).
BM: Oui mais il est encore sur le terrain. C’est vrai il n’a pas fait la carrière qu’il aurait dû faire mais il est encore là. Je pense que son départ à Liverpool lui a causé beaucoup de torts et il n’avait pas fait le bon choix. A Liverpool, on l’avait sacrifié. S’il était parti dans un autre club, les choses auraient été différentes pour lui. Avec les Red Devils, le mettant un peu sur le côté, Houiller l’a sacrifié. S’il avait été à Arsenal ou dans un autre club, il aurait connu une carrière différente. El Hadj est quelqu’un pour qui le collectif compte beaucoup. Il s’est sacrifié pour Liverpool et c’est ça le vice pour lui. Parce qu’après il s’est découragé. On peut avoir des regrets, il était très talentueux et différent des autres.
ndamli.sn: Là il est sans club, aux dernières nouvelles les dirigeants de Blackburn ne voudraient plus de lui, seriez-vous prêts à le faire venir dans votre club ?
BM: Chez nous, c’est un peu compliqué, il y a le problème de quotas (la loi des 4 étrangers) et il n’est pas sur qu’El Hadj veuille venir chez nous.
*Dans la dernière partie de cette entrevue avec l’ancien sélectionneur du Sénégal, Bruno Metsu, il sera question du football qatari. Le Qatar organisera le Mondial 2022.
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