Les Burkinabè votent depuis ce matin 6 heures, heure locale, pour la première présidentielle depuis la chute, il y a un an, du régime de Blaise Compaoré. L’ancien président a été chassé du pouvoir par la révolution après plus de 27 années à la tête de l’Etat. Désormais, quatorze candidats briguent la présidence ; un scrutin couplé à des législatives.
A Ouagadougou, on se presse dans un certain calme ce dimanche 29 novembre. La Commission électorale a vu grand en nombre de points de vote avec 18 000 bureaux, ce qui fait une moyenne de 300 électeurs par bureau. Cela permet en théorie un vote fluide et rapide, mais comme il y a un double scrutin, législatif et présidentiel, les opérations prennent du temps.
Ce matin, par exemple, dans le secteur 22 au bureau de vote de l’école Madrasa, il fallait presque deux heures d’attente pour mettre ses deux bulletins dans l’urne. Et une fois que l’on est dans le bureau, il faut compter encore quinze minutes. « Cela fait deux heures que je suis là et ça n’avance pas », se plaint un électeur, mais loin de se décourager, ces jeunes sont déterminés à choisir leur futur président : « Je vais attendre de voter même s’il faut attendre jusqu’au soir », martèle un autre. Le problème majeur rencontré à la mi-journée, c’est la difficulté que rencontrent certains électeurs à retrouver leur bureau de vote.
Un tournant pour le pays
Beaucoup des Burkinabè interrogés estiment que ces élections vont véritablement marquer un tournant dans l’histoire politique du pays. « Nous sommes là parce que c’est un grand jour, car de nombreux Burkinabè sont morts pour que nous puissions voir ce jour », confiait une électrice devant le bureau de vote numéro 5 du lycée Bambata de Ouagadougou. « Comme les gens vont sortir nombreux, je suis venue très tôt afin de voter et repartir vaquer à mes occupations », déclarait une jeune fille dans un autre bureau de vote. Globalement, le vote se déroule dans le calme et les électeurs disent tous la même chose : « Pour la première fois on ne sait pas d’avance qui va gagner ».
C’est d’ailleurs ce que disait ce matin à 6 h 30, Cheriff Sy, le président du Parlement de transition en déposant ses bulletins dans l’urne. Il soulignait que toutes les conditions de transparence étaient réunies et qu’il serait dès lors inacceptable que tel ou tel candidat puisse contester les résultats : « Il serait inacceptable qu’ils n’acceptent pas les résultats qui vont en sortir parce que c’est la première élection où sont réunies toutes les conditions de transparence, d’équité, parce que moi qui suis président de l’Assemblée, je ne suis dans aucun parti politique, je n’ai même pas le droit d’être candidat, il en est de même pour le chef de l’Etat, etc. Donc je pense que toutes les conditions sont réunies et tous les moyens ont été mis en œuvre pour garantir vraiment la transparence de ce scrutin, donc il n’y a pas de raison que, qui que nous soyons, nous n’acceptions pas le résultat qui va en sortir. Du reste aujourd’hui, il n’y aura pas un vainqueur, c’est tous les Burkinabè qui seront les vainqueurs ».
Appelle à la mobilisation
Rappelons que les dirigeants de la transition ne sont pas engagés dans cette course politique, elles disent observer une stricte neutralité. Le Premier ministre Isaac Zida, la bête noire des putschistes du mois de septembre, a voté vers 8 h 30 dans une petite école élémentaire du centre-ville appelant ces concitoyens « à se mobiliser en cette journée particulière ». Il se dit satisfait du travail accompli par son gouvernement pour que le pays retrouve une vie politique normale : « Nous avons connu une année de transition et comme vous le savez, ce n’est pas facile, une transition. Au sortir de cette élection, nous allons enfin retourner à la normalité et le pays va connaitre un décollage sur le plan économique, sur le plan social et je pense que cela vaut vraiment le coup ».
Le président Michel Kafando, qui a voté vers 9 heures au lycée Bambata, qualifie ces élections de victoire pour la transition, et pour le peuple burkinabè. « C’est une victoire d’abord pour la transition qui avait mis son point d’honneur à organiser ces élections-là dans le cadre d’une année. C’est une victoire aussi pour le peuple burkinabè qui, depuis 1978, où nous avons eu des élections véritablement démocratiques. Après une éclipse de 27 ans, nous en revenons au système d’un vote pleinement démocratique, transparent, clair. Nous l’avons voulu ainsi parce que pour aller à l’étape suivante, il fallait véritablement que ce scrutin-là soit crédibilisé », a-t-il ajouté.
Même état d’esprit à Bobo-Dioulasso
A Bobo-Dioulasso, deuxième ville du Burkina Faso, il y a beaucoup de monde dans les rues de Bobo ce matin et dès 6h, pas mal d’électeurs étaient aussi venus accomplir leur devoir de citoyens. Une affluence assez disparate, avec peu de monde par exemple à l’ouverture du bureau de Sikasso-Cira, mais en revanche un observateur a, lui, constaté une foule électorale très dense, quelques bureaux de vote plus loin dans le quartier. De même dans le quartier Guimbi, beaucoup d’électeurs, d’électrices sous d’immenses bâches dressées dans la rue et improvisées comme des bureaux électoraux.
A 9h, soit 3h après l’ouverture, certains présidents de bureau de vote à Guimbi, comptaient une centaine de bulletins dans l’urne pour quelques 430 inscrits, un quart des inscrits, ce qui dénote une certaine motivation de la part des Bobolais pour participer à ce scrutin, que d’aucuns qualifient d’historique. Beaucoup de jeunes, sans doute ceux qui ont participé au mouvement insurrectionnel d’octobre 2014 et à la résistance, au putsch de septembre 2015, disent qu’ils ont bien l’intention de tourner la page Blaise Compaoré en choisissant l’un des 14 candidats à cette élection. Des Bobolais déterminés et sereins pour ce scrutin qui jusqu’ici se déroule sans incident majeur et dans un climat extrêmement paisible.
RFI.FR