À l’issue d’une nouvelle journée de tractations, samedi, à Ouagadougou, les médiateurs africains ont laissé entendre qu’un retour à une transition civile se profilait. Beaucoup de questions restent toutefois en suspens.
La journée de ce dimanche 20 septembre s’annonce décisive pour le Burkina Faso. Samedi soir, après une longue journée de discussions, le président béninois Boni Yayi, médiateur dans la crise burkinabè avec son homologue sénégalais Macky Sall, a promis une « bonne nouvelle » pour le lendemain. Face aux journalistes, aux côtés du général putschiste Gilbert Diendéré, dont il a affirmé qu’il était « dans de bonnes dispositions » et qu’il avait « le sens des responsabilités », le chef d’État s’est affiché souriant et rassurant. Mais s’il a annoncé un « retour à la transition », il s’est montré flou, voire contradictoire, sur la présence à sa tête du président de transition déchu Michel Kafando.
Pour la première fois depuis le coup d’État, ce dernier est apparu devant la presse samedi après-midi. Visage fermé, l’air fatigué, il s’est entretenu plus d’une heure avec Macky Sall et Boni Yayi dans sa résidence près du palais de Kosyam, où il a été placé en détention surveillée par les militaires du régiment de sécurité présidentielle (RSP).
Selon un médiateur, un nouveau délai maximal de quatre semaines est envisagé, soit un report des scrutins au 8 novembre
D’après plusieurs diplomates et membres de la médiation africaine et internationale, un début de sortie de crise devrait s’esquisser dimanche à l’hôtel Laico, où se déroulent d’intenses tractations depuis deux jours. Les différents acteurs de la crise burkinabè – militaires, leaders politiques, responsables de la société civile… – sont attendus dans la matinée pour poursuivre les négociations. Signe que tout reste à faire, Macky Sall, président en exercice de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), a repoussé son départ de Ouagadougou pour continuer sa délicate mission de médiation.
Quel rôle pour Kafando ?
L’hypothèse de ce retour à une transition dirigée par des civils soulève un certain nombre de questions qui sont encore loin d’être tranchées. La première est le rôle confié à Michel Kafando. Les diplomates et médiateurs internationaux mettent une forte pression sur le général Gilbert Diendéré pour qu’il se plie à leur exigence d’un rétablissement du président de transition à son poste. Selon l’un d’entre eux, le patron du RSP ne serait pas opposé à cette option. Exigé par les leaders de l’ex-opposition et ceux de la société civile, cette solution ne satisfait pas, loin de là, les cadres du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), le parti de Blaise Compaoré. « Kafando est un irresponsable. Il est hors de question qu’il retourne à la présidence », menace un des ténors du parti.
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Autre interrogation : l’avenir du Premier ministre Isaac Zida. Toujours détenu au palais de Kosyam par les putschistes, il serait en bonne santé et correctement traité par ses geôliers – les médiateurs se sont montré très clairs sur ce point, affirmant que la moindre menace physique sur sa personne aurait de graves conséquences diplomatiques. Contrairement à Kafando, le sort du chef de gouvernement de transition, honni par les membres du RSP dont il souhaitait la dissolution, semble réglé. « L’enjeu est surtout de parvenir à lui trouver une porte de sortie honorable de cette impasse », affirme un diplomate.
Volonté de reprise du processus électoral
Derrière cette volonté de retour à une transition civile consensuelle, l’objectif principal reste la reprise du processus électoral interrompu par le coup d’État et l’organisation rapide d’élections présidentielle et législatives. La date initiale du 11 octobre semble désormais illusoire. Selon un médiateur, un nouveau délai maximal de quatre semaines est envisagé, soit un report des scrutins au 8 novembre. Reste un problème, de taille, à régler : celui de la réintégration ou du remplacement des candidats de l’ancienne majorité exclus des élections par les autorités de transition.
Enfin, nul doute que le sort du RSP doit aussi être au centre de toutes les tractations. Le général Gilbert Diendéré ne quittera pas le pouvoir sans un certain nombre de garanties personnelles et l’assurance que ses hommes ne sortiront pas perdants du putsch. L’idée d’une nouvelle commission chargée de réfléchir à la réforme de l’armée et à l’avenir de la garde présidentielle est ainsi, une fois de plus, évoquée.
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